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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°7, 22 février 2010  >  Des transactions douteuses de données fiscales encouragent un climat de dénonciation [Imprimer]

«Face à tant de zèle investi en poursuites le scepticisme est de rigueur»

par Rolf Gössner

«L’Etat semble se trouver dans un dilemme insoluble: Il y a de bonnes raisons d’acheter des CD sur lesquels sont enregistrées des données volées concernant de potentiels fraudeurs fiscaux, qui ont protégé leur argent noir contre le fisc allemand en le transférant sur un compte bancaire suisse. Il s’agit finalement de délits qui portent dommage à la société. Mais il y a également de bonnes, probablement de meilleures raisons encore pour un Etat de droit de refuser strictement ces trans­actions illégales de plusieurs millions exécutées par des criminels. Car la complicité par assistance favorisant l’espionnage de données bancaires et la trahison de secrets dans les affaires sont également passibles de peines pour du côté des fonctionnaires d’Etat. Et il n’y a pas de base légale pour acheter de telles données. Un tel trafic des données au-delà de la légalité encou­rage, comme on le voit déjà – le vol des données et crée un climat de dénonciation. Les partisans de l’achat des données peuvent être rendus coupables même d’incitation à commettre des délits, comme des ju­ristes le font remarquer.
Devant tant de zèle déployé en pour­suites, comme nous le constatons à travers tous les camps politiques, le scepticisme est de ri­gueur. Dans un Etat de droit, la fin ne justifie jamais les moyens, même dans les cas où des sommes colossales sont en jeu. Et pas davantage non plus si l’on se réfère au montant des millions fiscaux qui ont été probablement détournés, et pas non plus en se référant à d’autres moyens douteux et à d’autres méthodes dont l’Etat se sert parfois dans la pour­suite judiciaire, par exemple des méthodes d’espionnage illégales, des interventions dans les données et des transferts de données, ou bien la mise en place douteuse d’espions piégeant les victimes et de témoins principaux. A cet égard, il faut déjà déplorer que la conscience quant à la protection des données et à la conscience de la Constitution soit en diminution au sein de la classe politique. Le déclin de cette conscience se fait bien au nom de l’Etat et de la «sécurité», mais très certainement aussi au détriment de la liberté, des droits des citoyens et de la sécurité juridique. C’est pourquoi ces dernières années la Cour constitutionnelle a dû, à plusieurs reprises déjà, déclarer illégales et annuler des lois et des mesures prises par l’Etat.
Un système fiscal équitable, des contrôles efficaces dans les entreprises, et des accords d’assistance administrative conclus avec la Suisse et d’autre emplacements bancaires seraient plus efficaces, durables et plus sérieux que des transactions douteuses portant sur des millions – et en outre légaux. Alors des experts fiscaux dénonçant des fraudes fis­cales vraiment de grande envergure, ne doivent pas devenir l’objet de manœuvres, ni mis au placard, comme cela a été le cas dans le Land de Hesse. Ce qu’il faut actuellement, ce n’est pas seulement la pure lutte contre les symptômes, mais une volonté politique créative de réformer et de s’attaquer enfin aux véritables causes, structures et conditions de la grande criminalité. Tout le reste n’est que manœuvres de diversion et actes populistes qui contredisent eux aussi les principes de l’Etat de droit.»     •

© Rolf Gössner, avocat et journaliste, membre et porte-parole de la Commission de gestion des Affaires intérieures du parlement de Brême. Spécialiste des questions de procédures législatives du Bundestag et des Parlements régionaux. Coéditeur du «Rapport sur les droits civils et humains en Allemagne» qui lui a valu la médaille Theodor-Heuss en 2008. Membre du jury d’attribution des «BigBrother­Awards». Auteur de nombreux ouvrages sur les droits civils et humains dont le dernier est intitulé «Menschenrechte in Zeiten des Terrors» (Hambourg, 2007)