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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°7, 18 février 2013  >  Les cyniques du terrorisme – au Mali contre, en Syrie avec Al-Qaïda [Imprimer]

Les cyniques du terrorisme – au Mali contre, en Syrie avec Al-Qaïda

L’Occident doit mettre un terme à ce pacte cynique avec les terroristes

par Jürgen Todenhöfer

Quand l’Occident est entré en Afghanistan, son objectif avoué était la victoire sur le terrorisme international. C’est le contraire qu’il a atteint. Depuis le 11-Septembre, dans le monde entier, le nombre d’attentats-suicides a augmenté considérablement. Pour chaque terroriste tué, des douzaines de nouveaux se sont levés. Les guerres antiterroristes sont des programmes à produire le terrorisme.
Entretemps, le monde islamique grouille de terroristes nationaux et de «djihadistes ambulants» étrangers. Ils sont surtout financés par des organisations privées en Arabie saoudite. Ceux-ci ont intérêt à répandre leur islamisme radical wahhabite salafiste auquel n’adhèrent, mondialement, que deux pourcent des musulmans.
Contrairement à ce que l’alarmisme des hommes politiques occidentaux laisse supposer, l’Europe a jusqu’à maintenant pratiquement été épargnée par le terrorisme d’Al-Qaïda. D’après Europol, en 2010, seulement trois des 249 attaques terroristes réussies ou tentées ont eu des motifs islamistes. En 2011, aucune des 174 attaques en Europe n’était motivée par l’islamisme. La plupart des auteurs étaient des séparatistes ou des extrémistes de gauche.
Nous ne devons pourtant pas laisser le monde musulman seul avec son problème du terrorisme. Finalement, c’est la politique agressive de l’Occident durant des siècles envers le monde musulman qui est la cause principale de ce fléau. La Palestine, l’Afghanistan et l’Irak ne représentent que les exemples les plus récents de cette politique fatale.
Ce sont les sponsors du Golfe soutenant le terrorisme qui sont responsables de la propagation épidémique du terrorisme. Al-Qaïda ne saurait pas survivre sans l’argent saoudite. Mais l’Occident n’ose pas faire face à ce problème central de la lutte antiterroriste. Il prétend que la monarchie saoudite a conclu un pacte quasi mafieux avec les parrains du terrorisme. C’est seulement aussi longtemps qu’elle ne dérange pas ces cercles, qu’elle sera à l’abri d’attaques terroristes. Sa retenue envers les instigateurs du terrorisme serait donc compréhensible. L’Occident serait largement dédommagé pour sa compréhension par du pétrole.
Cependant le pétrole n’est pas la seule raison pour laquelle l’Occident ne s’occupe pas de l’Arabie saoudite, c’est-à-dire de l’arrière-pays du terrorisme. Le terrorisme islamiste s’est avéré être un prétexte utile pour justifier des offensives à caractère militaire. Après la chute de l’Union soviétique, il est devenu le spectre le plus important des USA, bien que Colin Powell se soit plaint encore en 1991 «de ne plus avoir assez de voyous».
Mais quand l’Occident mène ou exige des guerres antiterroristes, il s’agit de tout autre chose. En Afghanistan, c’est la position centrale géostratégique en Asie; en Irak, c’est le pétrole; dans le conflit avec l’«Etat terroriste», soi-disant accro du nucléaire, l’Iran, il s’agit de l’hégémonie au Moyen-Orient. Au Mali, par exemple, il s’agit de l’Uranium du pays voisin du Niger. S’il n’y avait, dans l’ex-colonie «Afrique occidentale française» que du sable, les Touareg, les terroristes ou les Maliens pourraient se quereller autant que cela leur plaît. Paris n’interviendrait jamais. On y sait exactement que «la guerre contre le terrorisme» ne combattra jamais le terrorisme islamique, mais l’attisera, au contraire. Mais qu’est-ce que cela vaut, comparé à un approvisionnement assuré de la France en électricité au moyen de l’uranium africain?
Mais c’est en Syrie que le cynisme de la politique occidentale contre le terrorisme a atteint son comble. Plus de 50 000 rebelles armés y combattent le régime Assad. 40 000 rebelles sont, selon les informations des opposants démocratiques, des extrémistes islamistes. 15 000 parmi eux au moins reconnaissent le front Al-Nosra, un groupuscule qui s’est séparé d’Al-Qaïda, et parmi eux des milliers de djihadistes étrangers. Si bien qu’il n’y a qu’une minorité de rebelles à se battre encore pour la démocratie. En cas de victoire des rebelles extrémistes, ce n’est pas un Etat modèle démocratique qui s’annoncerait, mais un «émirat» de fanatiques religieux avec participation d’Al-Qaïda. Pour Al-Qaïda, ce serait alors le plus grand triomphe politique depuis qu’il existe.
Les rebelles syriens reçoivent de l’argent et des armes, surtout de l’Arabie saoudite et du Qatar. Les USA sont au courant que c’est surtout l’Arabie saoudite qui est le fournisseur d’Al-Qaïda. L’Occident assure politiquement les arrières de toute la rébellion, y compris d’Al-Qaïda. De facto, l’Occident est l’allié d’Al-Qaïda. Donc, au Mali contre, en Syrie avec Al-Qaïda – on ne peut pas être plus cynique.
Assad est un dictateur. Le roi de l’Arabie saoudite et l’émir du Qatar aussi. Pour les USA, ainsi que pour les despotes de l’Arabie saoudite et du Qatar, il ne s’agit pas de démocratie en Syrie. Leur objectif est l’élimination d’un allié important de l’Iran, à leurs yeux devenu trop puissant par la guerre de l’Irak. Qu’un des peuples les plus aimables et multiethniques de l’Arabie soit brisé, cela n’intéresse pas nos «stratèges mondiaux». Ils ne s’intéressent pas non plus au fait qu’en cas de victoire des extrémistes deux millions de chrétiens pourraient perdre leur patrie.
Il y a des solutions raisonnables dans cette tragique guerre fratricide. Ce sont les USA qui en détiennent la clé. Ils devraient être prêts à négocier avec Assad. Comme jadis avec les dirigeants de l’Union soviétique. Ronald ­Reagan n’a jamais exigé qu’ils démissionnent avant d’entamer des négociations de paix.
Les USA pourraient imposer le cessez-le-feu, tant attendu par le peuple syrien, s’ils arrêtaient les livraisons d’armes de l’Arabie saoudite et du Qatar pour un certain temps. La Russie pourrait suivre leur exemple. L’armistice devrait être utilisé par Assad pour négocier avec tous les groupes de la société – y compris l’opposition en exil et les rebelles syriens qui devraient rendre leurs armes. L’objectif serait la constitution d’un gouvernement transitoire, l’élaboration d’une constitution démocratique protégeant aussi les minorités ainsi que la préparation d’élections libres, internationalement surveillées.
Assad est en état de mener une longue guerre. Tous ceux qui, depuis deux ans, ont annoncé sa chute «pour le surlendemain», se sont trompés. Ils se trompent peut-être aussi en ce qui concerne ses projets d’avenir. A mon avis, il n’a pas grand intérêt à présenter sa candidature pour 2014 – s’il y a un accord de paix correct.
Des négociations intelligentes ont toujours une chance. Il est grand temps pour l’Occident de changer de cap. Il doit en finir avec son pacte cynique avec Al-Qaïda.    •

Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

(Traduction Horizons et débats)

Jürgen Todenhöfer, né en 1940, a été, entre 1972 et 1990, député au Bundestag pour la CDU. D’abord, il était le porte-parole de la politique du développement pour son groupe parlementaire, plus tard, c’était le contrôle de l’armement qui était dans ses compétences. Après avoir quitté le Bundestag, il a été directeur adjoint du comité directeur du groupe Burda jusqu’en 2008.
Depuis 1980, il réitère des voyages aux pays en crise du monde musulman. Notamment en Afghanistan, en Irak, et récemment en Libye, en Syrie et en Iran. Il est l’auteur du livre: «Feindbild Islam – Zehn Thesen gegen den Hass» [Le spectre de l’Islam – dix thèses contre la haine].

Au Mali, les putschistes et les rebelles touareg formés par des instructeurs américains

D’après un journal, les putschistes et rebelles touareg du Mali, dont les activités avaient mené à l’occupation du Nord du pays par les islamistes, ont été formés par des instructeurs américains pour le combat contre le terrorisme.
«Ces quatre dernières années, les USA ont effectué un vaste programme antiterroriste dans la région et investi jusqu’à 600 millions de dollars pour la formation de contingents militaires au Mali», comme le rapporte le «New York Times» lundi dernier: «En mars 2012, l’afflux de combattants islamistes bien armés dans le nord du pays, en provenance de Libye, a mené au putsch de l’armée avec, en tête, le capitaine Amadou Sanogo, qui a été formé par les Américains.»
Selon le journal, les Américains n’ont pas seulement pas vu venir le putsch, mais il leur a aussi échappé que le commando des troupes d’élites a été confié aux représentants des Touareg qui entretiennent, depuis une cinquantaine d’années, un conflit avec le gouvernement central. «En avril, les Touareg ont proclamé, au nord du Mali, l’Etat d’Azawad. Les commandants de trois des quatre unités de l’armée au nord du pays ont fait défection, entraînant les hommes avec leurs armes du côté des séparatistes, renforcés par environ 1600 déserteurs.»
«L’aide des Américains s’est avérée inutile. Ils avaient fait le mauvais choix», a rapporté un officier malien au journal.»

Source: RIA Novosti du 14/1/13

(Traduction Horizons et débats)