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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°24, 11 juin 2012  >  A propos de Didier Burkhalter, de Chicago, de la «cyberdefence» de l’OTAN et des agendas nébuleux [Imprimer]

A propos de Didier Burkhalter, de Chicago, de la «cyberdefence» de l’OTAN et des agendas nébuleux

Pourquoi le droit international, la politique de paix et la démocratie directe vont ensemble

me. Bientôt, aura lieu le référendum sur un complément de la Constitution suisse. En cas d’acceptation, le peuple suisse pourra à l’avenir voter sur beaucoup de traités de la politique extérieure, avant que le gouvernement ne puisse les mettre en vigueur. L’histoire contemporaine montre à quel point ceci est nécessaire.
Récemment, le ministre des Affaires étrangères de la Suisse neutre a tenu un discours éminent lors du sommet de l’OTAN à Chicago. Intermède. Relisez la phrase précédente. Ne vous intrigue-t-elle pas?
Le ministre suisse des Affaires étrangères parle de manière éminente à un congrès de l’OTAN, pas au CICR ou à l’ONU, non, mais devant une alliance belligérante. On aurait à la rigueur attendu le ministre de la Défense, qui, lui, est cependant resté à la maison.
Qu’entendons-nous de plus de Chicago? Didier Burkhalter veut collaborer étroitement avec l’OTAN au sujet de la «cyberdefence» (Y a-t-il aussi un mot pour cela dans notre langue du pays?). Pour cela, la Suisse avait été invitée comme l’un des cinq «pays privilégiés». De plus, selon le texte du discours en anglais, il salue «more flexible format in the partnership with Nato» (des formes plus flexibles du partenariat avec l’OTAN). Ensuite, il veut sensibiliser l’OTAN aux droits de l’homme. Y croit-il? Le Suisse veut influencer le cours de la machine de pouvoir des USA en direction des droits de l’homme? Que c’est mignon. On suppose plutôt déjà le nouveau discours des droits de l’homme. On parle plutôt du concept R2P (Responsibility to protect), donc du prétexte de soutenir la population civile pour pouvoir intervenir dans les guerres civiles d’autres Etats.
Mais continuons à lire le discours de Chicago: Le ministre des Affaires étrangères veut soutenir en Afghanistan la «good Governance», donc «la bonne gouvernance». Pourquoi s’engage-t-il pour une «bonne gouvernance» et pas pour un «good Government», c’est-à-dire pour une «une bonne administration et un bon gouvernement»?
Nous devrions réfléchir sur ce discours, car la coopération plus étroite avec l’OTAN dans un format plus flexible ne peut que signifier: une soumission plus étroite à une alliance qui a mené illégalement une guerre d’attaque en Yougoslavie, et dont les membres ont ignoré brutalement tout droit international en Afghanistan et en Libye, et qui devraient être condamnés d’après les principes du Tribunal de Nuremberg. Cette invitation de l’OTAN est pour un Etat neutre une couleuvre à ne pas avaler. A la question de savoir si ceci serait dans la voie d’un abandon de la neutralité et d’un rapprochement à l’OTAN, un porte-parole du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) a dit: «Juste le contraire.» Comment? Le contraire signifierait davantage de distance par rapport à l’OTAN, la réponse est donc boiteuse.
Le beau ministre des Affaires étrangères, flatté d’être considéré comme le George Clooney du gouvernement du pays, nous sert un cocktail au goût étrange. Cela vaut la peine d’étudier le texte du discours exactement sur le site du DFAE* et d’exiger du ministre des Affaires étrangères l’honnêteté intellectuelle et de la compétence historique. Avec le nouveau concept de la «Smart Defence», l’OTAN est sur la même voie que l’UE: Elle affaiblit les Etats nationaux. Mais cela mène trop loin maintenant. En tout cas, l’exemple montre que la politique extérieure doit être soumise au peuple, sinon des individus nous induisent en erreur avec leurs faiblesses.

A propos de l’histoire de la politique extérieure et de l’arbitraire

Des personnes extérieures s’étonnent que, dans le pays de la démocratie directe, on puisse se prononcer par vote sur beaucoup d’aspects de la vie politique dont d’autres peuples rêvent, mais pas sur beaucoup d’affaires de la politique extérieure. On peut ainsi se prononcer sur le montant des impôts, sur le système d’assurances-maladie, sur des centrales nucléaires, sur le droit de vote des femmes, l’alimentation génétiquement modifiée, même sur l’achat de nouveaux avions de combat. Par contre, on ne peut pas se prononcer par vote sur des crédits au FMI, sur beaucoup d’accords avec l’UE, sur d’étranges mises au pas globales dans le domaine de la formation comme Bologne et PISA, sur les accords d’impôt avec des pays faisant du chantage, ou sur des accords de coopération militaires comme le programme louche de l’OTAN Partenariat pour la Paix (PpP).
L’explication à cela relève comme souvent de l’histoire. En Suisse, dans les années 1860, l’initiative et le référendum, comme fonction de contrôle de pouvoir du peuple sur le gouvernement, ont été testés progressivement dans les cantons, et on les a intégrés en 1874/1891 dans la Constitution de la Confédération. A cette époque, le Congrès de Vienne de 1815, lors duquel la Suisse a expliqué la «neutralité armée perpétuelle», n’était pas si loin encore. Pour l’Etat neutre na­tional, la politique extérieure était insignifiante à cette époque. Jusqu’en 1887, il n’y avait même pas de ministre des Affaires étrangères. Le président de la Confédération était aussi en alternance annuellement le ministre des Affaires étrangères. Le Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) n’a aussi été créé qu’après 1887 comme département. Donc, personne ne pensait à cette époque à ancrer une participation différenciée du peuple dans la Constitution à propos de décisions «aussi insignifiantes» que celles relatives à la politique extérieure. C’est seulement en cas de questions tout à fait fondamentales, comme par exemple l’adhésion à part entière à des pactes militaires (OTAN) ou les organisations supranationales (UE, FMI, ONU), qu’une votation populaire doit avoir lieu.
Après la Seconde Guerre mondiale, la politique extérieure a augmenté de manière fulgurante dans sa signification avec la création de l’ONU etc. et encore plus après la chute du rideau de fer en 1989.

Des projets non-déclarés dans des accords internationaux sont étalés au grand jour lors des votations populaires

Après cette époque-là, le gouvernement suisse a pris beaucoup de décisions qui ont intrigué beaucoup de gens de manière désagréable. Un exemple: Dans les années 1990, une demande d’adhésion l’UE a été déposée sur initiative individuelle à Bruxelles (entre-temps, des votations sur l’adhésion à l’UE ont été refusées plusieurs fois par environ 75% des voix). De même, le document d’adhésion au programme de l’OTAN Partenariat pour la Paix, a été signé par le conseiller fédéral de l’époque, Flavio Cotti, malgré des protestations parlementaires. Ceci est peu compatible avec la neutralité. Dans beaucoup d’autres dossiers, le gouvernement a négocié de façon complaisante, s’est fait rouler et n’a pas informé entièrement la population.
C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, on éprouve la participation manquante du peuple à des accords internationaux comme lacune. La politique extérieure est l’une des dernières «réserves de l’arbitraire de nos conseillers et conseillères fédéraux»: ils peuvent agir presque sans partage du pouvoir avec le peuple. Ce n’est pas bon, et cela devrait être corrigé. Les accords internationaux peuvent enfreindre des principes et des attitudes essentiels de la population. Un rapprochement de plus avec l’OTAN affaiblit le droit international. Le droit international est la protection des petits Etats contre le pouvoir des grands. Celui qui veut la politique de paix aussi dans la politique extérieure, qui exige du gouvernement qu’il explique les projets de la politique extérieure, qui veut garder lui-même le dernier mot concernant la politique extérieure, et qui déteste les agendas secrets, celui-là devrait dire oui à cette initiative populaire.    •
*    www.eda.admin.ch/eda/fr/home/dfa/head/speech/single.html?id=44626