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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°8, 1 mars 2010  >  Que faire, quand certains songent déjà à recourir à l’inflation? [Imprimer]

Que faire, quand certains songent déjà à recourir à l’inflation?

par Karl Müller

Le 15 février, la «Neue Zürcher Zeitung» publiait un article intitulé «Désendettement par l’inflation?», dans lequel elle évoquait le fait que les «marchés financiers» s’approchaient lentement du problème des dettes de presque tous les Etats industriels et qu’on était déjà en train de discuter d’une «inflation contrôlée» pour résoudre le problème.
Selon cet article, on n’aurait pas encore pris conscience du «degré de l’endettement des pays industrialisés», mais la Grèce serait à l’origine d’un début de réflexion des «marchés financiers quant à la question de l’ensemble de l’endettement des pays industrialisés».
On prend en compte également les tâches étatiques qui ne sont pas comprises dans les projets des budgets officiels, soit les assurances maladie et vieillesse. «Si les Etats devaient tenir une comptabilité comme les entreprises, estime la «Neue Zürcher Zeitung», il serait apparu depuis longtemps qu’ils sont insol­vables et en état de faillite.» En tenant compte de tous les facteurs, on constate que les pays de l’UE ont un endettement total de 500% du produit brut intérieur (PBI), les Etats-Unis en ­arrivent même à 600%. Selon ce journal «plus les dettes sont élevées, plus grand est le danger de voir bondir l’endettement, ne serait-ce que du fait des paiements des intérêts.»
Finalement l’article évoque une «possible solution» suggérée par le monde de la finance: une inflation «contrôlée». Par exemple pour les Etats-Unis: si le déficit du budget d’état ne devait atteindre chaque année sur une certaine période «que» 5,2% du PIB (ce qui apparaît bien optimiste vu les projets actuels), il faudrait une inflation de 9% pour stabiliser plus ou moins l’endettement. Cette «stratégie d’inflation» serait recommandée par des jongleurs de la finance internationaux, tels que Kenneth Rogoff du FMI ou David Blanchflower (autrefois dans la Banque d’Angleterre).
***
L’inflation est une agression frontale contre les classes moyennes. Les premières victimes de l’inflation sont ces citoyennes et citoyens qui, eux, ne pensent pas à court terme, à ramasser égoïstement le plus d’argent possible, mais bien à l’ensemble de la communauté et aux générations futures. Ce sont les spéculateurs des grandes fortunes qui profitent de l’inflation et les partisans de la stratégie d’appauvrissement. Cela fut démontré clairement par la république de Weimar. Il n’y a pas d’inflation «contrôlée» pour les populations. Dès lors que la roue tourne, on ne peut plus freiner l’accélération. Recommander l’inflation, c’est se comporter en incendiaire.
Il est toutefois possible actuellement de recommander et de vouloir l’inflation. Il suffit de se reporter aux milliards de milliards de l’argent de la spéculation, répartis dans le monde et servant d’instrument de manipulation.
L’énorme endettement des pays occidentaux industrialisés n’est pas un phénomène nouveau. Les spécialistes font entendre leurs critiques depuis des années. Des auteurs comme Wilhelm Hankel, Karl Albrecht Schachtschneider et Joachim Starbatty se sont déjà exprimés il y a un an sur l’espace euro: «Après dix années d’existence de l’euro, il ressort qu’il s’est formé un potentiel d’endettement et d’inflation, intérieur et extérieur, du fait de l’absence de convergence du développement et de la politique économiques à l’intérieur de l’union monétaire» («Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 28/3/09).
Il s’agit du fait que l’unification de la politique monétaire dans l’espace euro a conduit à un fossé s’élargissant entre les divers développements de l’économie réelle des différents pays. Ce qui fait qu’il n’y a pas de politique monétaire et économique adaptée à l’économie réelle, mais depuis des années une monnaie tenue artificiellement en équi­libre, trop gonflée pour beaucoup de pays. On le sait quant au dollar, mais il en va de même pour l’euro. Autrement dit: il y a trop d’argent pour les besoins de l’économie – mais curieusement pas accessible pour tout le monde.

On a payé plus d’intérêts qu’engagé de crédits

C’est la haute finance qui en a le plus profité. Il ne faut cesser de rappeler que la plupart des Etats, au cours des décennies passées, ont, au total, payé plus d’intérêts qu’engagé de crédits. C’est le fondement de la théorie du déficit – ce ne sont pas des investissements dans l’économie réelle.
Ce n’est pas à cause de la Grèce que les «marchés financiers» se mettent tout à coup à s’interroger sur l’endettement des pays et à crier «au voleur!». Bien au contraire, en mettant ce thème de l’endettement étatique au centre de la réflexion, sans envisager de solution constructive, il peut être «utile» pour que la haute finance engrange encore plus d’argent: au travers de la spéculation sur les monnaies contre les Etats et les peuples, et au travers de l’étau des intérêts.
Et les Etats incapables de réagir sont les proies rêvées. Surtout quand on arrive à lancer ces Etats dans des guerres, y compris des guerres économiques. Les plus forts adversaires de la haute finance sont le sens des réalités, la précaution, la paix et l’entente.
G. Edward Griffin écrit à la fin de son livre: «The Creature from Jekyll Island: A Second Look at the Federal Reserve» [Titre de la version allemande: «Die Kreatur von Jekyll Island. Die US-Notenbank Federal Reserve. Das schrecklichste Ungeheuer, das die internationale Hochfinanz je schuf»]: «La créature a grandi, elle est devenue puissante depuis sa naissance à Jekyll Island. Elle se répand depuis lors sur tous les continents et contraint les masses de la servir, de la nourrir, de lui obéir, de l’adorer.»
Hankel, Schachtschneider et Starbatty ont écrit, il y a bientôt un an: «Il n’y a pas d’alternative à la prise de responsabilité natio­nale des Etats pour combattre la crise.» Autrement dit: les peuples se trouvent placés devant la nécessité de re­prendre en mains leurs économies nationales, de chasser les baillis économiques étrangers, de reprendre une monnaie nationale – donc: de nettoyer les écuries d’Augias. Un travail herculéen – mais cela vaut mieux que d’attendre passivement l’effondrement total. On vit tout de même mieux en tant qu’être libre et actif, plutôt que comme esclave de la haute fi­nance.
Il y a beaucoup de modèles d’économies alternatives. C’est en en prenant connais­sance qu’on découvre des incitations pour s’engager soi-même.    •