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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°20, 23 mai 2011  >  Centre écologique de Langenbruck – «Durabilité et faisabilité» [Imprimer]

Réaliser des idées dans le sens du bien commun

Interview de Christoph Seiberth, gérant du Centre écologique de Langenbruck BL

thk. La question de la production d’une énergie alternative ou durable ne se pose pas seulement depuis la catastrophe de Fukushima. La hausse mondiale du besoin de pétrole représente un grand défi pour l’humanité et dans beaucoup de pays la recherche en énergies alternatives bat son plein. En Suisse également di­verses organisations et entreprises s’occupent de la recherche sur les énergies renouvelables. Le centre écologique de Langenbruck s’est justement voué à cette tâche. Depuis des décennies, on y fait des recherches et les résultats sont impressionnants. Le développement d’une voiture électrique agréable pour l’utilisation quotidienne avec le nom de «Smile» est leur dernier produit qui a atteint un écho public remarquable. Cela semble être un coup de maître et pourrait devenir un grand succès. Mais la gamme des produits du centre écologique ne s’arrête pas là, et va des petites centrales hydroélectriques jusqu’à un procédé écologique pour sécher des fruits dans les pays en voie de développement. Là, où il s’agit d’utiliser les ressources de manière sensée et durable, les collaborateurs du centre s’engagent soit dans leur propre pays ou dans la coopération pour le développement.
Le centre écologique est un exemple de ce que des gens peuvent mettre en œuvre en cherchant ensemble des solutions pour la vie quotidienne.

Horizons et débats: Qu’est-ce que c’est le Centre écologique? Quelle en est l’origine?

Christoph Seiberth: Le Centre écologique de Langenbruck est le plus ancien de la Suisse et a été créé en 1979/80. Il a été fondé sous le nom de «Zentrum für angepasste Technologie und Sozialökologie» (Centre pour une technologie adaptée et pour l’écologie sociale) comme organe exécutif de la fondation du même nom. Cela dit déjà beaucoup sur la mission de la fondation qui se cache derrière. Cela veut dire qu’on fait des re­cherches et développe des technologies adaptées. Cela comprend une possibilité d’utilisation durable d’un côté, mais aussi la faisabilité et le caractère approprié pratique. Comme il y a toujours des risques résiduels, ils devront être réduits au minimum et être supportables. De l’autre côté, il y a l’écologie sociale. Une sensibilisation face aux processus sociaux qu’on peut prendre en mains en prenant le chemin vers une société neutre en ce qui concerne les ressources. Dès le début, nous nous sommes voués à la durabilité. La protection de la nature est un des composants du modèle: social, économique et ménageant les res­sources. Nous ne développons pas de théories loin de la réalité dans une tour d’ivoire, il faut que ça soit quelque chose qui soit maniable et viable. Nous avons aujourd’hui un standard de vie auquel nous nous sommes habitués. Il ne doit pas être mis en question. Mais si on développe ce standard de façon que tôt ou tard tout s’effondre, alors cela ne va pas. Nous pensons qu’avec les bonnes décisions personnelles et soci­ales, une société neutre en ce qui concerne les ressources est possible sans perte de confort. Notre point fort c’est la durabilité et le développement de technologies et de processus de société qui sont nécessaires.

Qui étaient les fondateurs de ce centre?

La figure de proue était le professeur EPUZ Pierre Fornallaz. D’après son idée, beaucoup de savoir technologique existe qu’il faut adapter à la pratique sur la base de l’utilisation durable et l’enseigner à la population. C’était l’impulsion de fonder ce centre. En même temps, nous avons reçu un legs de Heidi Abel. Elle a été une des grandes personnalités de la Suisse qui s’est fait une renommée en cherchant des places pour des chiens et des chats sans maître. A l’arrière-plan, il y a la fondation. Mais il ne faut pas s’y méprendre, nous ne disposons pas de 20 millions de capitaux avec des intérêts, nous sommes une fondation qui récolte des fonds, et nous nous finançons surtout en vue d’un projet défini. Evidemment nous avons une base fidèle de bienfaiteurs et de membres que nous estimons beaucoup et qui nous soutiennent toujours dans nos projets. Mais cela ne représente qu’une petite partie de notre financement.

Aujourd’hui cela ne s’appelle plus «Zentrum für angepasste Technologie und Sozialökologie» mais «Centre écologique». Pourquoi ce changement de nom?

Il y a trente ans, lorsque nous avons reçu ce bâtiment du canton de Bâle-Campagne nous l’avons rénové énergétiquement, ce que nous avons accompagné scientifiquement. Regardez ces fenêtres, elles ont une valeur histo­rique car ce sont les premières fenêtres à triple vitrage. C’étaient à l’origine deux fe­nêtres et on y a rajouté un nouveau vitrage. La perte de chaleur a ainsi pu être massivement réduite. C’était le véritable début d’un vitrage d’isolation. Dans le domaine de l’isolation thermique nous avons coopéré avec différents partenaires de la recherche et de l’économie. L’utilisation énergétique d’un jardin d’hiver et l’essai d’isolations thermiques transparentes en faisaient partie. C’était à l’époque les débuts. Lorsqu’aujourd’hui vous allez voir un constructeur de fenêtres, il peut choisir parmi des centaines de vitrages isolants très efficaces. Cela a débuté ici, parmi beaucoup d’autres choses. Il faut développer des produits pour le marché. Cela a toujours été très important pour nous. C’est la raison pour laquelle il existe aujourd’hui toute une série d’entreprises «spin-off» du Centre écologique.
Des jardins d’hiver, par exemple, ne pouvaient pas être comptés dans le volume de construction. Du côté énergétique nous avons pu démontrer qu’ils sont très efficaces s’ils ne sont pas chauffés.
Au début, la récolte de l’eau de pluie en faisait aussi partie. Est-ce qu’on peut faire une lessive avec l’eau de pluie? C’était un des thèmes d’origine, donc fondamentalement écologique. Et la population ici dans la vallée a toujours parlé des «écolos» là-haut et c’est ainsi qu’on a changé le nom d’origine en ce nom populaire de Centre écologique. Mais le nom est aussi l’expression de notre image. Nous avons deux composantes: l’une est technique et l’autre sociale. Cela veut dire l’implantation d’innovations dans des processus de société, dans la législation et dans une production économique. Et cela n’a pas changé jusqu’aujourd’hui. Nous disposons d’une liste de données pionnières. Par exemple la première installation d’éoliennes en Suisse, branchées sur le réseau pour la production de courant qui a été mis sur le réseau. Et cette installation est en service depuis 25 ans. Aujourd’hui, des installations immenses sont projetées, par exemple dans le Jura. Et il est important pour nous que ces idées soient sensées et qu’elles puissent être réalisées dans le sens du bien commun. Naturellement il y a aussi des projets qu’on a laissés tomber, mais nous avons actuellement encore beaucoup de «spin-off» qui fonctionnent bien.

Est-ce que vous avez aussi des partenaires avec qui vous coopérez?

Oui, nous en avons. Quand je regarde le service technique, il y a deux manières de réaliser des projets. D’un côté les représentants des entreprises viennent chez nous lorsqu’ils veulent développer leurs produits dans le sens de la durabilité, par exemple ils voudraient que leur machine soit plus efficace. Nous examinons le cas pour voir si nous pouvons y apporter une contribution substantielle. On se met d’accord et nous acceptons le projet de recherche et de développement.
L’autre possibilité est lorsque nous voyons une nécessité existante et que nous pensons devoir subvenir. Depuis trente ans, nous coopérons avec différentes institutions de recherche et avec des associations faîtières, comme par exemple l’Institut Paul Scherer, avec des hautes écoles spécialisées et des entreprises, avec l’association faîtière des fumistes etc. Nous faisons aussi partie du Réseau Brennet et dans cet environnement on cherche les partenaires de compétence avec lesquels on peut réaliser l’idée conçue. La réalisation sera financée par la Promotion économique, la Commission pour la technologie et l’innovation (CTI) et autres. Ou bien nous recevons des fonds pour la recherche de l’Office fédéral de l’énergie, qui nous soutient depuis des années par rapport à des projets.

Est-ce que vous avez des projets concrets à réaliser avec des élèves ou d’autres jeunes gens?

Là nous avons toute une série de projets. Ce que nous réalisons le plus souvent sont les journées dédiées à l’énergie. Elles sont présentées de façon modulaire. Un module par exemple a pour sujet l’énergie grise et la consommation, ou bien l’énergie au quotidien. On peut les composer d’après des thèmes. Nous allons dans les écoles. Ça c’est très important. Le tout s’oriente selon le vécu des jeunes, c’est-à-dire avec une approche lu­dique de la matière.

Des écoles peuvent donc s’adresser à vous et dire qu’ils organisent une semaine théma­tique, par exemple sur les énergies alterna­tives, comment faut-il s’y prendre?

Nous composons des modules adaptés à la classe d’âge et nous montrons ces thèmes aux élèves. Environ 12 000 élèves ont pu être atteints de cette façon. Le programme est aussi élaboré par l’Office fédéral de l’énergie et nous sommes en train de l’élaborer plus largement. Au début, nous avons mis le poids sur les groupes d’âge des 10 à 16 ans. Aujourd’hui nous nous adressons à toutes les catégories d’âge de l’élève de primaire jusqu’à l’adulte. Il y a eu des entreprises qui ont manifesté de l’intérêt et qui ont organisé une journée de l’énergie dans le cadre de l’excursion d’entreprise ou comme formation continue.

Vous faites ça par journées ou bien existe-il des projets plus longs?

Il y a différentes possibilités. Il y a des projets d’une journée. Mais nous avons également du matériel pour plusieurs jours. Il y a aussi la possibilité que plusieurs écoles ou classes parcourent le programme les unes après les autres. Mais cela peut aussi être un petit groupe seulement. Ce qui compte avant tout, c’est de pouvoir dans un certain sens vivre l’importance et la production de l’énergie.

Comment procédez-vous?

Un exemple est le générateur à pédales. Ce qui est spécial c’est que plus la charge qu’on accroche est lourde plus il faut pédaler. Il y a une barre avec différentes sources lumi­neuses qui ont toujours le même nombre de lux. Lorsqu’on y met une ampoule à faible consommation on ne doit pédaler que très peu. Ensuite on y allume deux spots et cela nécessite beaucoup d’énergie à pédaler. Avec cette approche ludique nous essayons de transmettre ces choses.
En plus nous donnons aussi des cours à la Migros, dans lesquels on peut approfondir certaines questions. Ce sont différents thèmes comme des articles de consommation et d’alimentation, l’énergie grise etc. dont on peut s’approcher de cette façon.

Le projet actuel c’est la «Smile». Quels sont les autres projets?

La «Smile» possède une efficacité de publicité extrême. Si je veux la classer sur notre échelle des projets, elle se trouve dans la moyenne. Nous avons beaucoup de projets décisifs qui n’ont pas d’impact public aussi important.

Par exemple?

Nous sommes très engagés dans l’utilisation de la chaleur perdue. Nous développons des machines qui peuvent utiliser la chaleur résiduelle. Nous avons des projets passionnants en ce qui concerne le gaz des dé­charges, le gaz faible, c’est-à-dire l’utilisation du gaz résiduel. Dans les décharges par exemple, il y a le grand problème qu’elles rejettent du méthane et que le méthane et 25 fois plus nuisible pour le climat que le CO2. On brûle le méthane et le transforme ainsi en CO2 moins nuisible. Mais là, on en arrive à un point où le gaz est trop dilué pour être brûlé. Mais le problème est que la décharge continue d’émettre du méthane pendant des décennies. Ça c’est quelque chose pour le Centre écologique. Cela ne va pas que le méthane soit toujours émis dans l’environnement. Nous avons développé un procédé qui permet de brûler le gaz restant extrêmement dilué, et qui peut être utilisé en plus pour la production d’énergie. Ce sont donc deux projets qui en sont issus. D’un côté la diminution du reste du gaz et de l’autre l’utilisation pour la production de courant électrique. Et c’est passionnant. Il y a un potentiel immense aussi sous l’aspect de l’économie.

Vous faites aussi des recherches dans le domaine des petites centrales hydroélec­triques?

Oui. A part la revitalisation de centrales hydrauliques abandonnées et de divers projets dans l’entourage de l’utilisation de pe­tites centrales hydroélectriques, nous avons des projets de recherche et de développement comme par exemple les turbines univer­selles P2E. Les grands tuyaux de distribution d’eau ont souvent une très grande pression. L’eau qui coule du robinet a une pression nettement moindre d’environ deux bars. Avec des puits à briser la pression et des soupapes à réduire la pression, elle est réduite à la pression nécessaire et transformée en chaleur non utilisée. Là nous avons développé une turbine qui peut utiliser cette différence de pression et la transformer en courant électrique. Cela peut être utilisé dans beaucoup de com­munes, car la plupart des communes possèdent de tels puits à briser la pression dans lesquels on peut utiliser la turbine universelle.

Avez-vous aussi des projets pour la coopération au développement?

La durabilité n’est possible que si les composant du social, de l’économie et des res­sources sont respectés. Pour cette raison, nous sommes très engagés avec notre savoir-faire pour l’utilisation de l’énergie de façon du­rable et efficace et pour l’utilisation des énergies renouvelables, pour soutenir les progrès des pays en voie de développement et des pays émergents dans ce sens-là. Des sources d’énergies fossiles jouent aujourd’hui un rôle central dans les processus de développement.
Nous concentrons notre engagement avant tout sur les processus relatifs au traitement de la nourriture. Nous voulons que cela apporte un avantage économique pour tous. Il s’agit pour nous de construire quelque chose d’économiquement stable avec un entourage social. En ce moment nous sommes actifs en Erythrée, au Burkina Faso et au Salvador. Il s’agit là de la transformation de fruits et de café. Les coopératives pay­sannes au Burkina Faso cultivent les mangues. Elles sont récoltées, coupées en tranches et séchées. Le séchage se fait avec du gaz. Une grande partie du bénéfice est tout de suite perdue avec l’achat du gaz. Dans le temps cela se faisait en mettant sécher les mangues sur des grilles dans des chambres. Mais le gaz est tellement chaud que les fruits d’en bas sèchent trop vite et brûlent partiellement. Pour cette raison il faut ouvrir les chambres et changer les mangues de place. Avec cela, des pollutions avec des insectes ou des œufs d’insectes peuvent arriver dans le processus. En même temps, avec le séchage, une grande partie de la récolte se perd et la qualité du produit séché est amoindrie. C’est là que nous voudrions fournir un soutien. Il en résulte un projet passionnant. D’abord nous avons fait des essais de séchage purement solaire. Le problème qui se posait alors, c’est que la récolte tombe souvent dans la période des pluies avec une très grande humidité de l’air et qu’on doit faire tourner une grande masse d’air. Il faut donc de grandes surfaces de capteurs solaires. Pour cette raison, nous avons continué à développer ce système purement solaire et nous travaillons actuellement sur la base du séchage par pompe à chaleur avec un système de chaleur tournante. Le savoir-faire nécessaire est déjà présent en Afrique car le principe n’est rien d’autre que celui du réfrigérateur. Le côté chaud du système est utilisé pour un séchage soigneux, le côté froid est utilisé pour le conditionnement de l’air. L’air est ainsi refroidi et déshumidifié. Avec cela on gagne en passant de l’eau désinfectée, et avec le froid on peut aussi rafraîchir le dépôt des fruits. Avec l’emploi de ces systèmes, nous avons atteint une qualité de pointe mondiale des fruits séchés et nous avons pu baisser les coûts de production de façon notable car il n’y a plus de coûts de combustibles fossiles. Par ensemble avec Gebana, la société qui fait le pont du paysan à vous, la commercialisation des fruits est assurée. En procédant de cette manière, nous avons trouvé une solution vraiment durable grâce à laquelle les composants sociaux, économiques et ménageant les ressources ont été respectés.

L’échangeur de chaleur fonctionne-t-il avec du courant électrique?

Oui. C’est pour cette raison qu’en ce moment même je réfléchis à la possibilité d’arriver à produire ce courant avec du biogaz, le photovoltaïque ou d’autres sources d’énergie renouvelable. Ce qui nous semble avant tout être passionnant, ce sont les déchets biogéniques produits lors de la production de biens alimentaires, et qui peuvent très bien être utilisés pour la production d’agrocarburants.

Est-ce que la coopération au développement est coordonnée par la Confédération ou bien le faites-vous de façon indépendante?

La Confédération donne les directives et poursuit ses axes essentiels. A quelques détails près nous travaillons de façon indépendante. Notre principe est d’avoir toujours un interlocuteur personnel dans ces pays, lequel fait la coordination sur place et connaît nos besoins. Nous avons décidé par principe de ne plus développer des idées depuis ici, mais de réagir à des demandes con­crètes. Vous formulez votre besoin et nous y réagissons. Ainsi l’on peut éviter de développer ici des idées fantastiques qui ne correspondraient pas aux besoins. Nous voulons, avec notre savoir-faire et nos possibilités, aider les gens sur place dans la résolution de leurs problèmes. C’est ça notre idée.

Merci beaucoup de cet entretien.

(Traduction Horizons et débats)