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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°51, 10 décembre 2012  >  «Pour permettre aux jeunes de se former et de recommencer à travailler la terre» [Imprimer]

«Pour permettre aux jeunes de se former et de recommencer à travailler la terre»

Patoinos – un projet pour relancer l’agriculture

Interview de Josef Zisyadis (2e partie)

hd. La Grèce n’a pas (encore) le droit de sortir de l’euro, la crise doit persister. Ce n’est qu’ainsi que la folie des «crédits d’urgence» et les programmes d’austérité qui y sont liés, et qui sont à la charge du peuple grec, peuvent être maintenus. Les grand profiteurs en sont les spéculateurs des grandes banques du monde et les industries de l’armement des Etats-Unis, de l’Allemagne et de la France (cf. «Horizons et débats» no 47 du 12/11/12, p. 2: «Et l’Europe n’a pas honte») qui continuent à extorquer de l’argent des pays de la zone euro pour renflouer leurs caisses. La facture pour les contribuables de ces pays, qui peuvent être obligés à débourser des milliards supplémentaires suite au MES, suivra: davantage d’impôts ou la réduction des pensions et des prestations sociales de l’Etat. Mais ce sera pour après les prochaines élections …
Pendant que les gouvernements sont ou veulent être incapables de trouver de véritables solutions, des citoyens se mettent à entreprendre ce qui leur est possible et ce qui correspond au bon sens et à l’intérêt commun: ils ne misent pas sur les investisseurs étrangers et les «marchés mondiaux» ou sur le déferlement interminable de touristes, mais en première ligne sur leur propre force, leur environnement local et ils unissent leur tradition et leur expérience avec les connaissances actuelles et les possibilités de développer une économie régionale, qui redonne un revenu et des perspectives aux habitants de la région. Josef Zisyadis, double national grec et suisse et ancien conseiller national, a initié un tel projet sur l’île de Patmos. Cela pourrait faire école – pas seulement en Grèce.
La première partie de cet entretien a paru dans «Horizons et débats» no 45 du 29/10/12.

Horizons et débats: Vous avez dit, que vous êtes passionné du destin de Patmos depuis plus de 25 ans. Qu’est-ce que cela veut dire?

Je suis Grec et Suisse. Mais je suis né à Istanbul, je n’ai pas de parentés en Grèce. Il y a 25 ans, je suis allé par hasard en vacances à Patmos. J’y suis resté. Chaque été, je suis à Patmos. Au début, c’était pour les vacances avec la famille. Plus tard, quand je n’allais plus à la plage, j’étais surpris de voir cette île: une très belle île, mais qui a complètement laissé tomber son agriculture. Pourquoi? C’est clair, parce que le tourisme a tout changé sur l’île. Mais, c’est assez simple de voir que toute l’île était travaillée, il y a 50 ans, tous les petits endroits étaient travaillés, il y a des petits murs partout, et maintenant, il n’y a plus rien. Alors, pour moi c’était clair, évident, que j’allais essayer de trouver un projet pour relancer l’agriculture. Il y a déjà 15 ans.
Cela m’a pris beaucoup de temps pour trouver un terrain, parce que personne ne voulait m’en louer. Les gens là-bas louent des chambres. C’est ce qu’ils font. Ils louent des chambres de mars, avril jusqu’en octobre. Après ils demeurent, ils regardent la télévision, ils boivent des verres … Il n’y a plus d’activité particulière, il n’y a plus de culture vivrière, plus rien. Il y a encore deux familles qui font un peu de tomates, quelques aubergines. C’est tout. On peut avoir des tomates de Hollande, des citrons d’Argentine. Patmos était une île qui était auto-suffisante, il y a 50 ans, et qui a tout fichu en l’air. Beaucoup de gens sont partis pour l’étranger, en Australie, aux Etats-Unis. Maintenant, c’est une île de 3000 habitants.
Voilà, et petit à petit, le projet Patoinos a commencé. Personne ne voulait me louer du terrain. En Grèce, c’est difficile. Ils gardent le terrain, comme partout. Il n’y a pas de grande propriété. Ils vendent de temps en temps, quand il faut payer les études des enfants, ou pour un mariage. Ils ne sont pas habitués à louer, ils en ont même peur. Souvent, ils disent d’abord oui, mais après ils pensent: ah, et au bout de dix ans, on arrivera plus à le déloger. Puis j’ai demandé au Monastère Saint-Jean de Patmos. Eux aussi, ils ont pris beaucoup de temps – dix ans ! – avant de se décider. Mais maintenant, ils sont contents de cette décision.

Les travaux pour le projet Patoinos ont déjà commencé?

L’année passée, on a planté la moitié des vignes. Après tout, c’est petit, ce n’est pas un grand projet. Il ne faut pas beaucoup de vin sur cette île. D’abord, il n’y a pas que la viticulture, il y a aussi de l’huile d’olives. Il y aura aussi des tomates, il y aura aussi des figues. Bref, c’est un projet agro-écologique d’ensemble pour redonner une image agricole à Patmos. Pour permettre aux jeunes de se former et de recommencer à travailler la terre.

C’est pour ainsi dire un contre-point à la mondialisation.

Je pars dans un mois pour installer le pressoir qui servira à faire de l’huile d’olives. Il y a 1500 oliviers sur l’île. Depuis des années, ils ne récoltent plus les olives, parce qu’il n’y a plus rien pour faire de l’huile. Alors on va recommencer à en faire. On va inviter les gens à venir faire leur huile. La machine sera là. J’ai trouvé quatre sponsors: 20 000 euros pour acheter la machine, ce n’est pas très cher.

Et pour mettre en bouteilles?

On fera cela aussi sur place. Nous avons une collaboration avec un groupe écologique, ici dans la région, qui a déjà récolté 800 graines différentes: tomates, aubergines, concombres etc. Donc nous allons faire une banque de graines gratuite. On pourra prendre des graines une année et les rapporter l’année prochaine. Ainsi elles continueront à vivre. Actuellement toutes les graines viennent de Hollande. Ce sont des graines dont on ne sait exactement ce que c’est, elles sont toutes hybrides. Celles que nous avons trouvées dans les îles autour de Patmos, ce sont d’anciennes sortes de graines qui ont été conservées. Ça c’est aussi une partie très intéressante du projet.

Cela sert à la souveraineté alimentaire, ainsi on peu éviter la dépendance des grandes entreprises, des multinationales.

Oui, tout à fait. Un autre aspect, c’est l’école du vin. On parle beaucoup de viticulture biodynamique, c’est aussi une forme de viticulture spéciale. Alors, je veux essayer de faire de Patmos la première île bio de toute la Grèce. Ce ne sera pas bien compliqué, car il y a seulement nous et les deux familles qui font des légumes. Si j’arrive à les convaincre, nous serons la première île bio de toute la Grèce. Au niveau de l’image, c’est important. Bien sûr que cela représente aussi du travail et cela prend son temps. Dans la vigne, nous avons commencé à travailler avec l’ortie. Les gens ont trouvé cela bizarre. Mais maintenant, les autres commencent à s’y mettre aussi. Cela va venir, tout doucement. Le projet a déjà suscité beaucoup d’enthousiasme dans toute la Grèce. Parce que c’est un projet intéressant pour un futur alternatif. Et puis je suis parti sans argent, je n’ai pas de fortune. On a vendu jusqu’à présent 150 plants de vigne. Nous faisons des soirées de soutien. Bref. Le but c’est de vendre 2000 plants de vigne. Avec 2000, on peut faire une cave et tout est auto-suffisant.

Nous vous remercions de cet entretien.    •

Ce plant de vigne vous attend …

Vous pouvez soutenir le projet Patoinos de la manière suivante:
Vous devenez propriétaire d’un
ou de plusieurs ceps pour 250 francs (200 euros) chacun.
Toute personne qui aura sou­scrit recevra quelques bouteilles du Domaine de 2016 à 2025.

Courriel: info(at)patoinos.ch
Site: www.patoinos.ch