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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°20, 19 mai 2008  >  L’OTAN et la sécurité énergétique: «notre pétrole» [Imprimer]

L’OTAN et la sécurité énergétique: «notre pétrole»

par Klaus Bitzer, professeur au département de géologie de l’Université de Bayreuth

Après que, poussé par les Etats-Unis, le secrétaire général de l’OTAN, Hoop Scheffer, eut tenté, lors de la 42e conférence sur la politique de sécurité tenue à Munich le 4 février 2006, d’établir la sécurité de l’approvisionnement en énergie comme nouveau champ d’activité de l’OTAN, une séance largement ignorée de l’opinion publique et intitulée «Sécurité de la sécurité énergétique» a eu lieu les 19 et 20 juillet 2007 à l’école de l’OTAN d’Oberammergau, au cours de laquelle les conditions cadres et les stratégies d’une intervention militaire préventive de l’OTAN ont été révélées. Le but de la conférence tenue dans un bâtiment entouré de barbelés et dont l’accès nécessitait la présentation d’un passeport était d’informer les quelque 100 participants (venant princi­palement du secteur politique et militaire de l’OTAN) de la stratégie permettant d’exé­cuter ces nouvelles tâches de l’OTAN.
L’un des deux organisateurs, Philipp Cornell de l’école de l’OTAN, a défini l’objectif dès son entrée en matière. Il s’agit de lever un tabou: le recours aux militaires pour assurer l’approvisionnement en énergie. Il convient de convaincre l’opinion publique d’admettre cet objectif. La conférence a révélé pourquoi et sur l’ordre de qui cela doit avoir lieu: «Les marchés et les investisseurs aspirent à la sécurité.» Sous une forme édulcorée, on lira les propos choquants et révélateurs des participants dans le rapport de l’OTAN consacré à la sécurité de l’énergie et à la politique de sécurité. Pendant la conférence, les participants se sont exprimés de façon beaucoup plus claire. Certaines des citations suivantes ne laissent aucun doute à cet égard.

Réservés à l’OTAN, les œufs d’or des flux énergétiques

Que l’OTAN présente les qualités requises pour assurer l’approvisionnement en énergie a été étayé par les recherches de l’économiste Mancur Olson sur l’action collective des groupes, car «de fortes coalitions ne se forment que si seuls leurs participants profitent de leurs avantages», comme l’exprime Adrian Kendry des quartiers généraux de l’OTAN. L’OTAN est une telle coalition, et ses avantages sont évidents. Assurer l’approvisionnement en énergie correspond finalement à la nécessité de maintenir le flux énergétique dont a besoin l’OTAN en tant qu’institution militaire. Ces déclarations prouvent que la sécurité de l’approvisionnement en énergie devient un objectif militaire en soi et que l’on a l’intention de se partager la proie «équita­blement». On ne peut guère considérer comme lapsus linguae le fait que plusieurs conférenciers aient parlé de «notre pétrole» ou proclamé que «nous avons cette pétrole». Bruce Averill du département d’Etat des Etats-Unis s’est montré très clair au sujet des tâches futures relatives à la sécurité des réserves pétrolifères du Moyen-Orient: «… we take care of the big golden eggs and we know where they are.» [«… nous prenons soin des gros œufs d’or et savons où ils sont.»] Il admit que l’on envoyait secrètement des spécialistes dans les pays en question, que l’on s’y entraînait pour assurer la sécurité de l’énergie sur place – description à peine voilée des activités des services de renseignements allant jusqu’au sabotage des installations des Etats au comportement indésirable.

Terreur des services de renseignements dans l’approvisionnement en énergie

L’invitation de Gal Luft, officier israélien et fondateur de la machine à penser américaine de droite IAGS, avait visiblement pour objectif d’améliorer l’apparence de cette partie future (ou déjà actuelle) des activités de l’OTAN. Les deux organisateurs de la séance étaient IAGS et l’école de l’OTAN. Le site Internet d’IAGS* propose des actions de sabotage frappant les installations de gaz liquide en Iran. Grâce à des «sabotages clandestins», l’infrastructure servant à l’extraction de gaz naturel doit être endommagée.** Le fait que l’on ne montre aucun scrupule à fréquenter un thuriféraire d’attaques terroristes contre des installations énergétiques en Iran en en faisant un des organisateurs d’une conférence de l’OTAN sur la sécurité de l’approvisionnement en énergie reflète l’ampleur des activités illégales, contraires au droit international, auxquelles l’OTAN est prête à se livrer ou s’est déjà livrée. Cyril Widdershoven, du consultant Cap Gemini, a bien souligné que l’OTAN devait être disposée à assurer l’approvisionnement en énergie de manière préventive en recourant aux forces armées: «… in the end we will have to be fighting to get our cars filled with gas.» [«… finalement, nous devrons combattre pour avoir le gaz nécessaire à nos autos.»]
A vrai dire, le public est mal informé sur cette partie des stratégies de l’OTAN. Lorsqu’il s’agit de l’approvisionnement en énergie de l’Occident, les catégories morales des politiciens occidentaux s’effacent. Aux opérations des militaires et des services de renseignements de l’OTAN s’applique le principe de Richard Nixon: «They are bastards, but they are our bastards.» [«Ce sont des bâtards, mais ce sont les nôtres.»]    •
*    www.iags.org
**    http://debatte.welt.de/kolumnen/73/periskop/27634/iran+die+kriegsoekonomie+des+islamischen+gottesstaates?page=1#comment-28768
 (Traduction Horizons et débats)