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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°42, 20 octobre 2008  >  Il faut un plan de sauvetage contre la faim dans le monde [Imprimer]

Il faut un plan de sauvetage contre la faim dans le monde

A propos de la Journée mondiale de l’alimentation (16 octobre 2008)

par Eva Maria Föllmer-Müller

A l’occasion de la Journée mondiale de la faim, le 16 octobre* dernier, la Welthunger­hilfe allemande et l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) ont présenté à Berlin l’Indice de la faim dans le monde 2008 (WHI 2008). Les chiffres de cette année sont bouleversants. Dans 33 pays règne une grave ou très grave famine. Les plus touchés sont la République démocratique du Congo, l’Erythrée, le Burundi, le Niger et la Sierra Leone. De toutes les régions du monde, c’est l’Afrique subsaharienne qui est la plus touchée, suivie de l’Asie. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans le monde, le nombre des personnes souffrant de la faim est passé de 854 à 923 milllions.
La présidente de la Welthungerhilfe Ingeborg Schäuble a déclaré à ce sujet: «Presque un milliard de personnes souffrant de la faim sont une honte pour l’humanité. Contrairement aux banques, elles ne sont pas responsables de leur misère. Le changement général de conception du rôle de l’Etat et de la communauté internationale provoqué par la crise financière doit s’étendre à la crise alimentaire. Le monde a besoin d’un plan de sauvetage contre la faim. Aussi demandons-nous une augmentation des moyens destinés au développement de l’agriculture dans les pays en développement d’au moins 10 milliards d’euros par année ainsi que la création de conditions commerciales équitables. […] Si la crise alimentaire mondiale était prise aussi au sérieux que la crise des marchés financiers, nous aurions trouvé une solution depuis longtemps. Or elle est bien pire que la crise financière car elle menace des millions de vies humaines. De plus en plus de per­sonnes ne peuvent plus s’accorder qu’un repas par jour. Les plus touchés sont les enfants, les vieux et les plus faibles.»
Depuis des mois, on parle et on écrit beaucoup de choses à propos de l’augmentation considérable des prix des denrées alimentaires et de ses effets sur la faim dans le monde. Mais la situation ne s’est guère améliorée. Au contraire: selon l’étude récente intitulée «Double Edged Prices» publiée le 16 octobre par l’organisation humanitaire Oxfam, en l’espace de 14 mois, par exemple, «le prix du riz a augmenté de 66% au Bangladesh. Au Sénégal, celui du blé a augmenté de 100% et en Somalie de 300%. Ce sont les multinationales de l’agro-alimentaire et les chaînes de supermarchés qui ont profité de cette hausse considé­rable et non pas les paysans des pays concernés.» «On aurait pu penser, déclare Marita Wiggerthale, spécialiste du commerce d’Oxfam Deutschland, que les millions de petits paysans des pays pauvres profiteraient de la hausse récente des prix de l’alimentation, mais ce n’est pas le cas.»
Les réactions à la crise financière mondiale montrent que les gouvernements sont en mesure d’agir très rapidement mais qu’en est-il lorsqu’il s’agit de mettre à la disposition de ceux qui ont faim les moyens nécessaires à leur survie? C’est pourquoi Marita Wiggerthale remarque à juste titre qu’«alors que l’on trouve des milliards pour pallier la crise financière, il semble qu’on oublie la crise alimentaire mondiale».
Il était déjà suffisamment inquiétant de constater qu’il y a quelques semaines, on n’avait promis que 12,3 milliards de dollars pour apaiser quelque peu la détresse de ceux qui ont faim, mais on apprend que seul un milliard a été versé.
Cependant on continue de pratiquer l’ouverture des marchés et le dumping sur les prix agricoles. Selon Wiggerthale, «les Etats membres de l’UE contraignent les pays pauvres du groupe Afrique-Caraïbe-Pacifique (ACP) à ouvrir leurs marchés aux produits, investissements et services d’Allemagne et des autres pays de l’UE.» La conclusion de l’accord de libre-échange met en péril la sécurité alimentaire de ces pays pauvres.
Oxfam demande le soutien de la production durable de produits alimentaires, l’encouragement des petits paysans, des politiques commerciales équitables et une protection sociale pour les pauvres.
Le directeur général de la FAO Jacques Diouf a insisté sur le fait que les gouvernements des pays donateurs ne devraient absolument pas réduire leurs aides au développement en réaction à la crise financière.
Le pape Benoît XVI a déclaré, dans son message adressé à Jacques Diouf (cf. encadré à la page 1), qu’il existe aujourd’hui dans le monde suffisamment de «moyens et de ressources» pour nourrir chacun. Il demande une collaboration internationale qui, face aux catastrophes naturelles et à la crise financière, accorde la priorité à la dignité de l’homme. Il convient avant tout «d’éliminer les raisons qui empêchent un respect authentique de la dignité de la personne.»
Le Département suisse de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) insiste sur le développement de la conscience individuelle lorsqu’il s’agit d’éliminer la faim et la pauvreté, mais on a également besoin de l’engagement politique d’une Suisse solidaire qui mette sa richesse à la disposition d’un monde plus juste.
L’organisation humanitaire protestante Pain pour le prochain a déclaré à propos de la crise alimentaire actuelle: «Cet automne, il semble que l’opinion se préoccupe plutôt de la survie du système bancaire que de la faim dans le monde. Dans les débats publics, même des banquiers purs et durs demandent un contrôle accru de la part de l’Etat, des règles internationales et des mécanismes protecteurs. Et c’est nécessaire quand on songe que la spéculation est un facteur d’augmentation considérable des prix des denrées alimentaires.»
On est bouleversé et scandalisé d’apprendre que la République démocratique du Congo est un des pays les plus touchés par la famine quand on connaît ses possibilités agricoles: il possède des terres fertiles qui permettraient de nourrir toute la population d’Afrique et d’Europe (cf. Horizons et débats no 27 du 7 juillet), si la soif de matières premières des pays industrialisés n’empêchait pas un développement normal. Il n’y a pas de loi naturelle qui veut que les hommes souffrent de la faim. La famine est provoquée et on peut l’éliminer si l’on en a la volonté politique.    •

*    La Journée mondiale de l’alimentation a été instituée le 16 octobre 1979. C’est le jour où l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a été créée dans le but de garantir la sécurité alimentaire dans le monde.