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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°26,25 juin 2012  >  Les problèmes doivent être réglés à la table des négociations [Imprimer]

Les problèmes doivent être réglés à la table des négociations

Syrie

«Il ne faut pas intervenir militairement de l’extérieur»

Un entretien du magazine «Zaman» avec le professeur Hans Köchler de l’université d’Innsbruck concernant le conflit de la Syrie

Zaman: A propos du conflit de la Syrie.

Professeur Hans Köchler: Je mets en garde contre une intervention étrangère, parce que des problèmes qui proviennent des rapports entre des groupes sociaux et religieux et qui sont dus aux différences et aux tensions de politique intérieure existant depuis des dizaines d’années, ne peuvent pas être résolus militairement. Un conflit de ce genre ne peut être résolu durablement qu’à l’intérieur du pays. L’étranger devrait essayer de jouer un rôle constructif, il pourrait éventuellement assumer le rôle neutre d’un médiateur. A mon avis, cela serait la mission de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU. […]

L’UE a reconnu le groupe d’opposition comme représentant. Cela revient à une intervention dangereuse dans une situation totalement confuse, n’est-ce pas?

Cela me semble problématique. Précisément, il y a différents groupes qui se querellent maintenant,  respectivement qui sont aussi impliqués dans des affrontements militaires. On ne devrait pas s’y mêler de l’étranger. Cela est ma devise. On peut néanmoins rester en contact avec des groupements différents et dialoguer avec eux, mais on devrait être prudent quant à la reconnaissance de ces groupes comme représentants officiels. Il faut surtout prendre en considération: La configuration de la politique mondiale contient un conflit, au sujet duquel les puissances primordiales au sein des Nations Unis n’ont pas une estimation unanime. […]

L’Iran et le Liban sont déjà à la table des négociations et veulent aider à trouver une solution. Il est vrai que lors d’une intervention militaire, il y aurait davantage d’effusion de sang.

Justement. Il faut également tenir compte du fait que le conflit de la Syrie pourrait devenir vite un conflit régional. Il peut sans doute déborder les frontières, et là il faut faire très attention que l’on ne joue pas avec le feu, bien que la situation soit grave. Si l’on intervient de l’étranger – s’il n’est pas possible de le faire de manière impartiale – on rendra la situation encore plus difficile. La question est de savoir comment l’on pourrait intervenir de l’étranger d’une manière impartiale et stabilisatrice. Une action impartiale pourrait par exemple être humanitaire, comme le fait le Comité international de la Croix rouge – ce sont là des procédures toutes claires, et là, il s’agit de l’aide humanitaire. Mais si la situation se présente de telle sorte que l’on soutient l’opposition contre le gouvernement ou l’inverse, on monte le problème en épingle. La Syrie n’est pas un petit Etat quelconque, qu’on peut traiter grossièrement comme ça et dont le destin est décidé autour d’une table ronde à Paris, à Londres ou ailleurs. […]

Selon vos propos, on ne peut pas attendre des solutions à court terme en Syrie.

[…]
Ce qui me préoccupe aussi, ce sont les relations entre le monde islamique et l’Europe: Comment sera la situation des chrétiens? Beaucoup ont très peur de ne plus avoir d’avenir en Syrie – après ce qui s’est passé en Iraq. Cela aura des répercussions graves sur les relations avec l’Ouest. Ce problème est tellement complexe qu’il faut vraiment être très prudent. […]

Vous visitez souvent des pays islamiques comme par exemple le Katar. Dans la Ligue arabe également, il n’y a pas d’unanimité en ce qui concerne la Syrie. La région est aujourd’hui de nouveau très complexe. La situation en Egypte aussi.

[…]
Comme cela se présente en ce moment, le problème dans le monde arabe et au Moyen Orient est bel et bien que, lors de la colonisation, toute la région a été soumise de l’extérieur à un réaménagement. Les Etats qui existent maintenant sont à bien des points de vue le résultat de l’intervention des grandes puissances de jadis – des puissances coloniales, surtout la Grande-Bretagne et la France. Presque pendant un siècle entier, tous ces peuples ont été dominés de l’extérieur. Ils étaient exposés à cette politique «divide et impera» (diviser pour régner). Cela est bien la situation depuis la fin de l’Empire ottoman. La dernière situation plus ou moins équilibrée, pendant laquelle les peuples pouvaient encore s’exprimer, était probablement l’époque où l’Empire ottoman existait encore. Mais il s’est achevé brusquement. Les nouvelles structures politiques impliquaient de s’orienter vers les centres de pouvoirs spécifiques, par exemple Paris ou Londres. Les nouvelles structures politiques ne permettent apparemment pas aux hommes, ou plutôt pas encore aux hommes de la Ligue arabe, l’apparition unie et coordonnée ni la réalisation des intérêts communs.

Quelle est la probabilité que les USA ou Israël agressent l’Iran?

[…]
Maintenant, c’est évidemment une période dangereuse avant les élections aux Etats-Unis. Jusque-là, surtout un acteur, c’est-à-dire Israël, a une marge de manœuvre spéciale. Après les élections, cette marge de manœuvre se réduira de nouveau, surtout si l’actuel président est réélu. Une agression contre l’Iran serait, selon moi non seulement, une atteinte au droit international, mais on verserait encore plus d’huile sur le feu régional. Elle déstabiliserait tout dans un vaste espace.    •

Source: Zaman du 20/3/12, journaliste: Seyit Arslan
(Traduction Horizons et débats)