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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°46, 17 novembre 2008  >  Apprendre de la vie [Imprimer]

Apprendre de la vie

Des élèves aident en Roumanie

par Matthias Jenken, responsable de classe et directeur de projet

34 élèves de la 9e classe de la Freie Waldorfschule Dinslaken en Allemagne ont terminé avec succès un camp de construction de quatre semaines en Roumanie.

Les débuts

Le point de départ de ce projet d’école insolite a été le soupir d’une collègue: «La meilleure école pour les élèves de la 9e c’est quand ils n’ont pas d’école! Si nous pouvions les envoyer un an hors de l’école, ils reviendraient tout changés.» La dynamique des échanges lors de la formation continue interne du corps enseignant de la Freie Waldorfschule Niederrhein a permis de poursuivre l’idée issue de ce soupir, avant que le chœur des voix critiques entonnent leur «Mais ça n’ira pas!».
Lors des discussions sur la période de transition des classes avec un professeur principal vers le secondaire (c’est-à-dire la 9e) pour déterminer comment la réussir avec le moins de frictions possibles, deux obstacles se sont tout de suite révélés difficiles à surmonter aussi bien pour l’école que pour les élèves individuels:
Les adolescents développent des personnalités fortes et vivent avec leurs pairs dans un monde de culture de jeunes qui n’a de commun avec leur entourage familier et scolaire souvent plus que des domaines périphériques: A l’école nous n’arrivons souvent qu’avec peine à toucher les adolescents intérieurement. Dans le cadre classique de l’école nous ne réussissons souvent pas, et pas même avec des préparations intensives des cours et avec un suivi pédagogique individuel, à atteindre les élèves de sorte qu’ils ressentent un lien affectif pour réveiller leur intérêt. Souvent, durant cette période, une séparation a lieu, une divergence entre le monde de l’école (et aussi de la famille) et le monde réel, vécu des adolescents; l’abîme qui se creuse ainsi ne peut être comblé plus tard que péniblement ou même pas du tout. A cet âge (14 à 16 ans), les élèves ont à leur disposition des capacités cognitives très développées. Ils n’arrivent cependant souvent pas à passer de la pensée à des décisions ou même à des actes. Ce phénomène correspond à leur âge, mais de nos jours le danger menace de plus en plus que les adolescents dans les classes supérieures et aussi plus tard ne retrouvent pas, obstrué, l’accès à leur propre dynamisme et aux motifs moraux de leurs actes. Reconnaître clairement ce qu’il faudrait faire – et décider de ne pas le faire – ce geste est aussi présent en politique et dans la société. Reste un sentiment d’impuissance, c’est-à-dire d’embarras ou, dans le pire des cas l’indifférence. Faire le pont de l’analyse intellectuelle d’une situation à l’acte adéquat pour soi-même et pour les autres, cela ne réussit pas. Ce n’est pas seulement le monde de l’école et le vécu réel qui se séparent, mais la pensée individuelle et les actes qui divergent toujours plus.
Pendant les entretiens de la conférence dans le cadre de la formation continue interne, les collègues ont estimé que ce n’était pas suffisant d’aborder la situation décrite par de seuls changements méthodiques et au niveau du contenu dans le cadre de l’enseignement classique. Déjà pendant la conférence, et plus tard dans un groupe de travail d’enseignants et de parents, l’idée est apparue et a mûri d’élaborer avec et pour la neuvième classe un projet hors école, par exemple sous forme de camps de travail, comme projet d’entraide et de rencontre.

Attentes

C’était ce qui paraissait sensé parce qu’avec la planification se manifestait l’espoir de réaliser des intentions pédagogiques qui manquaient autrement pendant les cours. Un projet réel d’entraide pose des problèmes qui n’ont pas été imaginés par l’enseignant mais qui sont vécus immédiatement comme nécessaires et donc sensés. (Nous avouerons comme enseignants que cela ne réussit souvent pas dans des situations de cours, même bien planifiés.) Les devoirs complexes d’un tel projet demandaient une planification soigneuse et mul­tiple à laquelle s’ajoutait plus tard une phase de travail et de réalisation de manière tout à fait naturelle.
Nous avons réfléchi à quitter avec les adolescents leur entourage familier et partir pour un pays ayant une autre culture et une autre langue. Les contacts qui s’établiraient aussi avec les gens du pays par le travail en commun seraient plus proches par rapport à ce qui se produit lors de voyages touristiques. D’un séjour prolongé nous espérions justement que de telles rencontres intensives donneraient la possibilité de vivre la tolérance et l’ouverture, les différences dans les activités en commun, pas comme souvent à l’école où ces notions restent abstraites et limitées sur le plan cognitif.
Les contacts intenses avec des gens d’un autre espace linguistique et culturel, n’augmentent et ne renforcent pas seulement l’aptitude à entrer en contact et l’autonomie, mais peuvent aussi conduire à un autre regard sur sa propre vie: Dans le vécu de l’autre être humain et d’un autre monde, un regard différencié sur sa propre vie et son propre moi devient possible.

Planification

Les idées du projet se sont concrétisées au fur et à mesure dans le groupe de travail parents-enseignants avec les adolescents de l’association «Steinschleuder e.V.» (une organsation de jeunes qui conduit de façon autonome des projets de développement dans des pays du tiers monde: www.steinschleuder.de). Peu avant les vacances d’été 2003 lors d’une grande soirée avec les parents, le groupe a présenté les contours du projet à la communauté de l’école. Le projet a obtenu l’approbation de la majorité et le groupe a été très encouragé à commencer la planification concrète à partir de l’année scolaire suivante.
Le projet a vraiment pris son envol lorsque, après les vacances d’été, les parents d’un élève de la 9e classe sont venus à l’école avec la proposition concrète d’un projet. Ils connaissaient quelqu’un qui etait en contact avec un petit village dans l’est de la Roumanie.
Après des récits passionnants et beaucoup de coups de fil, un groupe de trois enseignants avec les parents parlant le roumain et deux élèves, ont visité pendant les vacances d’automne 2003 la commune de Dezna dans le district gouvernemental d’Arad en Roumanie pour examiner la faisabilité du projet.
Dezna est un petit village, environ 90 km au nord-est d’Arad. Les 1500 habitants vivent surtout de l’agriculture dans des conditions très simples. L’école élémentaire et le jardin d’enfants étaient menacés de fermeture par les autorités scolaires à cause des installations sanitaires tout à fait insuffisantes. Pour plus de 80 enfants (classes de première à la huitième) et leurs enseignants il y avait dans la cour de l’école une petite fosse d’aisance et trois latrines. La situation au jardin d’enfants à côté était encore plus misérable.
La requête la plus importante de la commune, et donc le projet principal, était la construction d’une petite aile sanitaire comme annexe à l’école, ainsi que la rénovation et la transformation de certaines pièces du jardin d’enfants en espaces sanitaires. A part cela, il y avait d’autres travaux de rénovation qui semblaient être aisément praticables avec des élèves. La commune roumaine était contrainte par l’Etat de construire ces installations, elle ne disposait cependant pas des moyens financiers nécessaires. (Dans l’école de la commune voisine de Moneasa, nous avons pu visiter le chantier d’une construction semblable qui avait été construite à l’aide de dons des Pays-Bas. Ainsi nous avons pu estimer que la nature et la grandeur des travaux pouvaient se réaliser par nous et avec l’aide des élèves.)
Pendant cette visite durant les vacances d’automne, dans beaucoup d’entretiens (avec divers interlocuteurs, dont le préfet du district gouvernemental) le besoin d’aide, mais aussi la volonté des habitants du village à la coopération se sont révélés évidents. Ainsi il a fallu un certain temps jusqu’à ce que nos interlocuteurs réalisent que nous ne voulions pas simplement aider financièrement, mais travailler avec les adolescents de façon active. Cela leur paraissait impensable au début. La commune a accepté de faire, dans le cadre de ses possibilités, les travaux préalables, de mettre à disposition les outils et des travailleurs spécialisés, c’est-à-dire des maîtres artisans pour avoir des directives et une aide compétente. La direction de l’école roumaine a projeté que leurs élèves aînés (huitième classe) travailleraient avec nos élèves, malgré les examens en vue. Heureusement, pour l’hébergement de notre groupe de voyage, Tabna Dezna, une sorte de village de jeunes avec beaucoup de petites cabanes sur un terrain étendu, était à notre disposition. Le maire du village avait discuté avec la direction du village de jeunes pour que nous y soyons logés gratuitement et que nous n’ayons à participer qu’aux frais de nourriture.
Après le rapport du groupe de préparation, la direction et le corps enseignant ont décidé la réalisation du camp de travail comme projet de l’école.

Préparatifs

Pendant toute la période de planification, il était important pour nous d’envisager ce voyage comme projet de l’école entière. Tous les élèves ont été informés, toutes les classes ont aidé aux préparatifs. La 9e classe a ensuite réalisé le projet concret. Comme base de financement, toutes les classes ont organisé en automne 2003 une journée d’action. Ils n’avaient pas classe officiellement mais ils ont récolté de manières diverses de l’argent pour le projet. Quelques élèves ont travaillé et donné leur gain, d’autres ont fait des bricolages et contribué avec les recettes de la vente, d’autres encore ont, avec l’autorisation des autorités, servi du café et des gâteaux dans la zone piétonne et collecté des dons avec un stand d’information. Le résultat a amené une première résonance positive pour notre projet dans la presse – et 8550 euros. D’autres actions pour récolter des dons, des ventes et à la fin de la période de la collecte, plusieurs courses de collecte de classes entières ainsi qu’un grand marché de vêtements d’un groupe de parents ont produit en tout presque 15 000 euros de dons – et donné à presque tous les élèves le sentiment de participer au projet.
La 9e classe s’est préparée de façon spécialement intensive au voyage en Roumanie. Lorsque les élèves ont entendu parler pour la première fois de cette idée de projet l’ambiance a oscillé entre rejet et horreur – «Bien du plaisir, mais moi je n’irai jamais!» – et un esprit d’entreprise vite éveillé. Après beaucoup de discussions, aussi avec les deux élèves qui avaient participé au voyage de préparation, à travers des discussions sur le pays et le projet de travail à Dezna, l’ambiance d’abord sceptique a lentement changé. Un week-end passé avec les adolescents de la «Steinschleuder» – pendant lequel les élèves ont beaucoup appris sur les projets d’entraide au tiers monde – a beaucoup aidé. Beaucoup d’actions de collecte de dons de la classe ont aidé le projet à devenir leur projet dont ils étaient fiers. Mais au courant de la semaine avant le départ quelques élèves ont encore demandé si l’on ne pouvait pas annuler ou au moins raccourcir le voyage …

Et c’est parti!

L’on a pu enfin partir juste après les vacances de Pâques, après une planification intensive, après d’autres soirées de parents d’élèves, après avoir réglé les nécessités techniques comme le transport en bus et les documents internationaux pour la douane, relatifs aux transports des machines-outils, après beaucoup de contacts diplomatiques et d’entretiens avec les partenaires en Roumanie: Une classe de 9e excitée a pris congé de l’ensemble de l’école lors d’une petite fête d’adieu. On a vite oublié les fatigues du trajet en bus après avoir été, 27 heures plus tard, très cordialement reçus à l’auberge de jeunesse par Domnul Georghe Neagu, le maire en charge, muni de son écharpe de fonction. Après un déjeuner copieux, les élèves allèrent à la découverte du village de jeunesse et du village proprement dit. Le lendemain matin déjà, les groupes se mirent au travail après quelques entretiens préliminaires.
Le plus important pour l’école qui accueillait, c’était la construction d’une annexe sanitaire au bâtiment principal de l’école. Quand on est arrivé, les fondements étaient déjà creusés et les murs de la cave étaient déjà bétonnés jusqu’à une hauteur de 50 cm. Les élèves ont commencé, avec les spécialistes roumains, à monter le coffrage et à couler le béton de la cave. L’on a rapidement constaté que les barrières linguistiques ne gênaient que rarement pendant le travail. Aussi bien du côté des ouvriers roumains que du côté des élèves allemands, on a pu vite se faire comprendre et montrer et expliquer ce dont on avait besoin. Il a été plus difficile de convaincre le doyen des ouvriers, âgé de 72 ans, que des élèves de 15 ans étaient tout à fait capables de couper le fer à béton de manière appropriée et de le cintrer (à la main) selon les règles de l’art! Après le coffrage du plafond, les fers qui avaient été cintrés à la main ont pu être liés et, à la fin de la deuxième semaine, quelques volontaires ont pu aider à couler le béton du plafond du rez-de-chaussée!
On a rapidement reconnu l’aide pratique qu’apportaient les élèves, si bien que les travailleurs indigènes après un peu plus d’une semaine ont renoncé à presque un tiers de leurs revendications salariales lors de négociations financières car les travaux seraient grâce à notre soutien plus vite achevés. Dans la deuxième moitié de notre séjour, les murs ont été complètement maçonnés et l’on a coulé le béton pour l’encadrement final. Lors de notre départ, la charpente en bois était prête à être mise en place.
Dans l’école maternelle, trois petites pièces ont été déblayées, on a fait de nouvelles ouvertures de fenêtres et de portes et tout a été crépi. En essayant de poser les conduites d’écoulement, on a remarqué que tout le plancher devait être refait. Après que tous les travaux préliminaires aient été achevés, les élèves ont pu carreler les premiers murs. On a acheté simultanément les céramiques sanitaires afin que les autres travaux puissent être terminés après notre départ.
Le souhait le plus cher des éducatrices était la modification du terrain en plein air. D’abord, le groupe responsable du jardin a installé un bac à sable: De beaux troncs d’arbres qui servent de sièges encadrent un terrain de jeux nettement plus grand – sur lequel s’étend un panneau solaire: Jusqu’à maintenant, c’est justement en été que les enfants ne pouvaient pas jouer dans le jardin parce que le terrain de jeux était beaucoup trop chaud sans ombre. On a rénové la balançoire et le mur d’enceinte. Avec de vieux pneus et des troncs d’arbres courbés, l’on a aménagé des possibilités de grimper. (Beaucoup d’éducatrices ont, semble-t-il, visité l’école maternelle ces dernières semaines).
Aussi bien lors des travaux concernant le terrain de jeux de l’école maternelle que lors de la rénovation des fenêtres, les élèves roumains ont commencé, après quelques jours, à nous aider avec beaucoup de courage. D’abord, une enseignante a demandé à sa classe, si elle voulait aider – et à partir de ce moment-là, de plus en plus d’élèves tentèrent de convaincre les enseignants que ce serait très important d’aider les Allemands. En réunissant leurs forces, les enfants et les adolescents commencèrent à remettre en état les fenêtres de l’école. A certains endroits, on avait de la peine à voir de quelle couleur elles avaient été peintes autrefois. Après des heures de démontage, de polissage, de pose de vitres, de masticage et de peinture, on constata que les anciennes marques d’emplacements des fenêtres et des encadrements ne correspondaient plus: Pendant presque une semaine, un groupe de travail a remis les différentes pièces les unes dans les autres jusqu’à ce que les fenêtres soient de nouveau à la bonne place.
Deux autres groupes de travail s’occupèrent d’une salle de classe qui avait bien besoin d’être rénovée: Grâce à un travail méticuleux et pénible, un groupe a remis en état les tableaux noirs. Un autre groupe a rénové le plancher: Sur toute la longueur de la salle de classe, les fondations s’étaient tassées, si bien que le parquet avait craqué et s’était bombé dangereusement. Après avoir enlevé l’ancien parquet et les restes des fondations, on a pu refaire le parterre avec trois couches de béton et de plâtre. A la fin, les élèves ont pu aider des menuisiers indigènes à poser le parquet.
Outre les contacts avec les (plus jeunes) élèves roumains, il y a eu rapidement des contacts amicaux avec les adolescents du même âge. Au plus tard à partir de la moitié de notre séjour, notre camp était un lieu de rencontre apprécié en soirée. Les barrières linguistiques ont été vite surmontées. On a perdu deux matchs de foot contre les jeunes du village. Les joueurs allemands ont apparemment été distraits par les chevaux qu’on avait mis sur le terrain pour le tondre. Lors de diverses fêtes, auxquelles la commune et l’école nous ont invités, on a même convain­cu les élèves allemands à participer aux danses populaires. Aussi n’était-il pas étonnant que, dans la semaine avant le départ, les élèves commencèrent à réfléchir à la manière dont ils pourraient repousser le voyage du retour.
A côté du travail et après celui-ci, les élèves ont gagné d’autres impressions de la vie en Roumanie, avant tout lors de plusieurs excursions dans les villes environnantes comme Arad, Timisoara et Oradea. Lors d’une visite au collège allemand d’Arad, ils ont eu la possibilité de participer à des heures de cours et de s’entretenir avec les élèves du même âge sur l’école, le temps libre et la vie quotidienne. Monsieur Szellner, le directeur de l’école allemande nous a fait revivre, lors d’une visite à travers la nouvelle ville d’Arad, l’histoire de la minorité allemande en Roumanie, mais aussi les représailles à l’époque de la dictature de Ceausescu.
Les adolescents allemands ont pu, à travers la vie au sein de la communauté villageoise de Dezna, à travers l’expérience réciproque pendant le travail et les fêtes communes, bien prendre conscience de la vie des Roumains et – en y réfléchissant – également de leur propre vie. Ils ont été très étonnés et très heureux de l’hospitalité et de la sincérité que des gens jusqu’alors inconnus leur ont immédiatement témoignées. La vitesse à laquelle la vie, le travail et les contacts humains se déroulent est tout autre que celle à laquelle nous sommes habitués en Allemagne. Après notre retour, une élève s’est plainte: «Nous voulons retourner à Dezna, ici en Allemagne c’est idiot, ici tout est réglé si parfaitement!» D’autre part, les adolescents allemands se sont vite aperçus que leurs collègues roumains ont les mêmes préoccupations qu’eux pendant leur temps libre, qu’ils téléchargent la même musique d’Internet et qu’ils s’occupent de la même manière de leur portable. Ils ont été très impressionnés par le fait qu’en Roumanie on peut se procurer tous les biens de consommation «occidentaux». Ils ont à peu le même prix que chez nous, cependant ils représentent pour les familles qui ont un revenu mensuel moyen d’environ 200 francs une toute autre valeur.

Conclusion

C’est seulement lors de la préparation concrète du voyage que l’on s’est aperçu des nombreuses difficultés qui peuvent être liées à un projet de cette ampleur. Ainsi, par exemple la communauté scolaire de Dinslaken avait récolté beaucoup de jouets pour l’école maternelle de Dezna et d’outils pour nos travaux sur place. Mais l’ambassade de Roumanie et l’ambassade allemande nous donnèrent différents renseignements sur la manière dont on pouvait faire passer ces affaires à la frontière! Finalement, nous avons caché les jouets comme cadeaux dans nos bagages personnels.
On a soulevé des questions quant à l’assistance médicale dans la campagne roumaine, des questions quant à la qualité de la nourriture, aux installations sanitaires, aux possibilités de se comprendre. Comment les adolescents allemands supporteraient-ils l’environnement étranger, la longue absence du domicile familial et le travail inhabituel? Comment pourrions-nous réagir s’ils étaient malades, s’ils avaient le mal du pays, ou s’ils avaient des problèmes psychiques?
En regardant en arrière, nous ne pouvons être que reconnaissants de la grande confiance que les parents et l’école ont apportée au projet. Nous pouvons être aussi reconnaissants du bon esprit qui a plané sur notre entreprise.
Aucune des craintes évoquées au préalable n’est apparue. Dans un cas seulement, nous avons dû avoir recours à la bonne assistance médicale locale. La coopération avec les partenaires roumains aussi bien que les traductions et la compréhension à l’aide de gestes ont bien fonctionné. Il n’y a eu aucune irritation ou agression dues à la barrière linguistique, ni de malentendu.
Le bon hébergement a contribué beaucoup à ce que tout le monde se sente vite comme chez soi. Mises à part quelques disputes, les élèves ont eu un comportement très soigneux entre eux. Dans les parties du projet où il s’agissait de travailler, la classe s’est transformée en une vraie communauté. Pour les enseignants et les accompagnateurs, le long voyage scolaire a été une expérience tout à fait positive. Trois enseignants et une étudiante de l’institut pour la pédagogie de Waldorf ont accompagné la classe tout le long du séjour, plusieurs parents d’élèves se sont relayés afin qu’il y ait toujours six accompagnateurs sur place. L’attitude envers les élèves était très détendue et aussi les mesures disciplinaires que l’on connaît lors de voyages scolaires plus courts ont été nettement moindres. La longue durée du voyage a conduit à une grande tranquillité et au calme – il y avait tellement de temps – et d’autre part, le fait qu’il fallait s’habituer et apprendre à connaître la vie sur place a fait que les élèves n’ont presque pas souffert du mal du pays.
Ce qui a certainement contribué au grand succès de ce projet, c’est le travail réalisé sur place qui a été vécu par les adolescents allemands comme important. Si nous n’avions pas aidé, les communes n’auraient pas pu s’aider elles-mêmes. Les élèves avaient à juste titre le sentiment d’être utiles, de s’engager de manière sensée pour les autres. Quelques jours après leur retour, les élèves de la 9e classe du centre scolaire ont parlé avec beaucoup d’enthousiasme de leur voyage. Lors de la soirée avec les parents, on pouvait clairement distinguer que beaucoup d’adolescents sont revenus avec un nouveau sérieux et un regard plus aigu sur l’essentiel et l’important. Au début, une journée scolaire normale ne les satisfaisait pas.
La conférence pédagogique et la direction ont décidé, après les rapports positifs, de conti­nuer à planifier dans la 9e classe des projets intitulés «Apprendre de la vie».    •
Source: Erziehungskunst no 10, octobre 2004, p. 1091, Workcamps von Schulen, 2007
(Traduction Horizons et débats)