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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°14/15, 10 avril 2012  >  «De Gaulle avait raison avec son ‹Europe des patries›»  [Imprimer]

Faisons de L’AELE une alternative

Beat Kappeler

Il faudrait faire de l’AELE une alternative – vouée à la liberté du commerce – à l’UE. Ce serait une mission créative et offensive pour la Suisse et la Norvège. Les peuples de l’UE en ont assez que les politiques nationaux cèdent toujours plus de leurs compétences à Bruxelles pour briser plus facilement les résistances. Selon «The Economist», les frais de bureaucratie, qui s’élèvent à 1000 milliards de francs par année, anéantissent les avantages du marché commun.

www.beatkappeler.info
(Traduction Horizons et débats)

«De Gaulle avait raison avec son ‹Europe des patries›»

ro. En tant que juriste et diplomate, Frédéric Walthard fut, de 1944 à 1971, «Unter­wegs für die Schweiz». Tel est le titre du deuxième volume de ses mémoires qui en comptent trois et qu’il a publié aux éditions Zeit-Fragen. Ce deuxième volume contient une quantité d’informations sur la politique européenne durant cette période. Walthard a plutôt travaillé en coulisses, mais il a toujours aidé à déterminer la politique de la Suisse avec opiniâtreté et fermeté. Sa contribution a été considérable: il a œuvré, comme il l’écrit, «au maintien de l’indépendance de la démocratie suisse face à la puissance antidémocratique et supranationale de l’Union européenne naissante.»

Les lignes qui suivent présentent des extraits de ses mémoires qui éclairent l’histoire de la fondation de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Walthard considère à juste titre le Conseiller fédéral Hans Schaffner comme le «père de l’AELE», mais, avec d’autres, il a rendu possible cette création. Il convient de rendre hommage à son travail et il faut espérer que d’autres diplomates de sa trempe qui ont les mêmes convictions et manifestent le même engagement continuent à suivre la voie de la Suisse et de l’AELE et à faire en sorte qu’une Europe des patries libre devienne réalité.

Après la Seconde Guerre mondiale, des Etats européens fondèrent une grande zone de libre-échange pour garantir la paix et la liberté, l’«Organisation européenne de coopération économique» (OECE). Pour Walthard, c’aurait été la «solution idéale».

«La solution idéale»

«A vrai dire, presque tous les membres de l’OECE étaient enthousiasmés par les négociations Maudling en faveur d’une grande zone de libre-échange: occasion idéale de réaliser dès le début l’intégration économique européenne et peut-être plus tard une unification plus profonde de l’Europe dans un cadre plus large et sur la base d’une totale égalité en droits des petits et des grands Etats membres. Evidemment, cette unification était beaucoup plus difficile à réaliser mais elle n’excluait pas en principe les décisions à la majorité pour autant qu’elles reposent également sur l’égalité des voix des Etats membres. Contrairement à la proposition de Maudling, les représentants de la Communauté des six (que nous appelions entre nous la «Bande des six») propagèrent l’idée de la voie supranationale. Cette solution, concoctée en particulier par Monnet et Schumann et défendue par Spaak, qui consistait à céder peu à peu des droits souverains à un organe de niveau supérieur jusqu’au moment où l’essentiel de la souveraineté de chaque Etat membre serait absorbée par cet organe.
Cette idée était entachée d’un défaut fondamental. Elle supposait que la souveraineté, résultat de la conscience politique et de la capacité décisionnelle suprêmes d’un pays était divisible. Or aujourd’hui encore, tous les spécialistes du droit constitutionnel et du droit international sont d’accord pour dire que ce n’est pas le cas. Si on les avait écoutés, nous n’aurions pas, après 50 ans, les problèmes que rencontre la Constitution européenne concoctée par Giscard d’Estaing. Grâce à toutes sortes d’astuces, comme le système compliqué de la subsidiarité et de la pondération des voix lors des décisions, la capacité décisionnelle suprême reste finalement concentrée sur un petit nombre d’Etats. L’unification progressive de l’Europe selon deux rythmes différents restera illusoire ou fera finalement de l’Union européenne un Etat unitaire: structure antidémocratique, édifiée de haut en bas et dominée par un des Etats membres, un groupe d’entre eux ou ensuite par un pouvoir indépendant des Etats membres et situé pour ainsi dire au-dessus d’eux.» (Vol. 2, p. 131 sqq.)

Création de l’AELE

A partir de 1960, Frédéric Walthard fut en poste à Genève où, en tant que chef de délégation adjoint auprès de l’AELE, il participa à la pose de la première pierre de cette organisation. Pourquoi était-ce absolument nécessaire? Parallèlement à l’OECE, le Français Robert Schumann et, un peu en retrait, Jean Monnet avaient, avec le soutien des Etats-Unis, fondé la Communauté européenne du charbon et de l’acier, base de l’actuelle Union européenne. Aux différents postes qu’il occupa, Walthard soutint les positions officielles de la Suisse contre cette solution supranationale. Avec d’autres pays, la Suisse voulait une grande zone de libre-échange, dans l’esprit de l’OECE, qui aurait reposé sur l’indépendance et la souveraineté d’Etats nations égaux en droits. Bien qu’on obtînt de bons résultats avec l’OECE, la «Bande des six» imposait de plus en plus sa politique supranationale agressive. Mais les partisans d’une zone de libre-échange entre pays souverains n’abandonnèrent pas la partie. L’AELE naquit presque en même temps que l’étape suivante de la Bande des six, la création de la Communauté économique européenne (CEE).
A propos de ses activités au sein du Comité permanent des Etats de l’AELE, Walthard écrit ceci: «L’essentiel de notre travail consistait à représenter la Suisse lors des réunions hebdomadaires du Comité permanent et du Conseil des chefs de délégation adjoints. Il fallait préparer ces séances et Berne nous envoyait ses directives. Il s’agissait de plus en plus de réponses aux questions et aux problèmes que nous posions à Genève avec le Secrétariat général. A vrai dire, ces réponses portaient sur tout ce qui était nécessaire pour mettre en route une zone de libre-échange efficace, c’est-à-dire la suppression des entraves commerciales de toutes sortes, notamment les droits de douane et les taxes. Le système des certificats d’origine jouait là un rôle central.
Contrairement à une union douanière où les biens et les services peuvent circuler librement à l’intérieur de frontières communes aux pays membres, dans une zone de libre-échange, la libre circulation exige des certificats d’origine qui permettent de passer les frontières maintenues entre les Etats. Dans la phase initiale des travaux, cela demanda un travail considérable. Il fallait rédiger les règlements, les règles d’exécution, les interprétations, les accords relatifs aux exceptions, corriger les défauts constatés et arbitrer les litiges, etc.» (Vol. 2, p. 178)
Ainsi, grâce à un travail de fourmi, nous avons établi les bases nécessaires au développement de l’AELE. Il convient de rappeler ce travail important en faveur d’une Europe indépendante. Genève, siège du Conseil de l’AELE, doit une fois de plus être le point de départ d’une mission humaniste et humanitaire et poser les fondements de la réalisation d’une «grande zone européenne de libre-échange» au XXIe siècle.    •
(Traduction Horizons et débats)