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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°2, 17 janvier 2011  >  Vol de terre en Afrique [Imprimer]

Vol de terre en Afrique

L’exemple de l’Ethiopie

Antje Diekhans, correspondante pour l’Afrique orientale et centrale de la radio allemande ARD, s’exprime dans une contribution pour la radio suisse alémanique «DRS international» de la manière suivante: «En Ethiopie, un véritable bradage des terres arables a commencé. Les investisseurs viennent de partout pour s’approprier une partie des terres arables, car, à l’encontre de la réputation de l’Ethiopie d’être un pays de famine, le sol y est très fertile. Presque tout y croît: le blé, le riz, de multiples sortes de fruits et de légumes.»
Un jeune Indien a été engagé pour créer une grande entreprise avec 2000 à 3000 hectares. Il a déjà 1000 hectares à disposition. D’abord il voudrait y produire de l’huile de tournesol et de palmier, qui ne seront cependant pas destinées au marché éthiopien: «Nous exporterons vers l’Inde et aussi vers quelques pays européens et arabes» déclare-t-il à la journaliste radio. Le fermage s’élève à 10 euros par hectare – par an.  
Antje Diekhans: «D’autres entreprises indiennes se sont installées depuis longtemps en Ethiopie. L’exemple le plus connu, c’est celui du groupe Karoturi, le leader actuel du marché mondial des fleurs. Une bonne partie des millions de roses qui se vendent dans les supermarchés pousse ici. Depuis un certain temps, Karoturi s’est emparé du business d’exportation du riz, du sucre et du blé. Maintenant ce seront des terres arables pour le bio diesel qui s’y ajouteront. C’est difficile de savoir combien de terres Karoturi cultive actuellement en Ethiopie. Ce seraient environ 300 000 hectares, en peu de temps peut-être déjà le double. Les projets de Sumit Agaval paraissent presque modestes en comparaison.» […]
«Le développement économique, c’est l’argument principal du gouvernement pour l’accaparement des terres. Les taux de croissance de 10% semblent finalement lui donner raison. Mais au moins quelques-uns restent déjà maintenant sur le carreau en Ethiopie. Devant une petite cabane dans l’Ouest du pays, il y a Gidi Megale, un homme courbé. Il a 58 ans, mais après des années de travail dans les champs, il a l’air plus âgé. Le paysan a bossé tout au long de sa vie pour nourrir sa femme et ses huit enfants. Maintenant qu’il voudrait travailler moins dur et d’une manière plus relaxée, il est devant la faillite.
Gidi Megale: «Rien ne m’est resté. Toutes mes terres m’ont été enlevées par le gouvernement et données au grand fermier. Mes enfants ont quitté la maison et cherchent à gagner leur vie ailleurs. Dans les beaux temps, j’avais 5 hectares de terrain. Nous  pouvions en vivre. Maintenant nous n’avons plus rien. Je ne pourrai rien donner à mes enfants. Je suis un rien du tout.»
Antje Diekhans: «Gidi Megale habite dans une région de l’Ethiopie qui, maintenant, est en grande partie entre les mains d’investisseurs d’Arabie Saoudite. Comme dans leur propre pays, on ne peut pas cultiver assez pour approvisionner la population, le roi Abdullah a donné le mot d’ordre: «Partons vers l’Afrique!» Les Saoudiens se sont assuré des terres au Soudan, en Tanzanie, en Egypte et au Maroc. Mais leur partenaire majeur dans les affaires concernant les terres, c’est l’Ethiopie. Lorsque, l’an dernier, la première livraison de riz en arriva, le roi Abdullah a fixé une conférence de presse. D’une manière triomphante, il a laissé couler les grains de riz dans ses mains, – un signe donné à sa propre population qu’elle ne doit plus craindre la faim. Peu importe à quel niveau montent les prix au marché mondial, – l’Arabie Saoudite pourra s’approvisionner de manière autosuffisante. On a promis de verser une indemnité au fermier Gidi Megale parce qu’il a dû abandonner sa terre. De plus, on a dit que la région entière profiterait des méthodes de culture modernes des Saoudiens. Jusqu’à présent, cependant, Gidi Megale déclare qu’il n’a rien remarqué.
Gidi Megale: «Le temps est passé, mais jusqu’à présent, personne ne s’est montré qui soit intéressé à nous parler. La seule chose que je demande encore au gouvernement c’est qu’il me rende un petit champ à moi. Il ne doit pas être grand, je ne veux qu’un lopin de terre suffisant pour survivre.»
Nombreux sont ceux qui y voient une nouvelle forme du colonialisme, un deuxième «Scramble for Africa» (bousculade pour l’Afrique) comme on appelait la course des Européens pour gagner les richesses de ce continent au XIXe siècle. Cette fois-ci, il s’agit du sol en tant que tel et non pas des matières premières. D’autres pays et des entreprises privées veulent de nouveau se partager l’Afrique entre eux. Selon les indications des Nations Unies, ils ont acheté ou affermé environ 20 millions d’hectares de terres sur le continent, ce qui est une estimation plutôt conservatrice. Cela pourrait aussi être 50 millions d’hectares, la moitié de toutes les terres arables de l’Union européenne.     •

Source: Schweizer Radio DRS International du 7/11/10.
(Traduction Horizons et débats)

Les capitaux errants sur toute la planète favorisent la formation de bulles

ev. Jusqu’en 2020 – selon une directive de l’UE – 10% des carburants devront provenir d’énergies durables, une décision qui a donné une immense impulsion au commerce des agrocarburants – bien qu’entre-temps, diverses études mettent en cause l’argument principal d’une plus grande durabilité de ces produits. Une étude de l’Institut allemand Fraunhofer aurait prouvé que les agrocarburants à base de soja sont quatre fois plus nuisibles pour le climat que l’essence provenant du pétrole. Un nouveau standard de qualité devra à l’avenir empêcher cela: des systèmes de contrôle de CO2 et un certificat prouvant que les surfaces de ces plantations n’ont pas été déboisées exprès. Qui sera en mesure de contrôler cela?
Mais ce sont aussi les capitaux errants sur toute la planète, créés par l’énorme augmentation monétaire de ces der­nières années, qui comportent de grands dangers pour les prix des produits alimentaires. L’étude au sujet de la politique monétaire, qu’economiesuisse a publiée en novembre 2010 et intitulée «Vers un retour de l’inflation?» constate: «La politique monétaire ultra-accommodante des banques centrales favorise la formation d’une bulle des matières premières. Si l’or a déjà atteint des niveaux stratosphériques, les métaux, le pétrole et les matières premières alimentaires sont également dans le collimateur des investisseurs et feront l’objet d’une demande encore plus soutenue si la reprise de l’économie mondiale se confirme. Le renchérissement des matières premières entraîne finalement aussi celui des biens de consommation.» (p. 29)

«75% des pauvres dans le monde ha­bitent des régions rurales, et la plupart d’entre eux vivent de l’agriculture. La nécessité d’investissements plus grands et meilleurs dans l’agriculture pour diminuer la pauvreté, augmenter la croissance économique et promouvoir la durabilité écologique, était déjà apparente lorsqu’il n’y avait ‹que› 830 millions d’hommes souffrant de la faim, avant la crise des prix alimentaires. La situation est encore plus claire depuis que – pour la première fois dans l’histoire de l’humanité – plus d’un milliard se couchent le soir en ayant faim.
L’une des priorités de développement les plus importantes au monde doit être l’amélioration de la productivité des petits paysans, avant tout en Afrique. La productivité des petits paysans est fondamentale pour la diminution de la pauvreté et de la faim.»

Extrait de: Klaus Deininger et Derek
Byerlee avec Jonathan Lindsay, Andrew Norton, Harris Selod et Mercedes Strickler. Rising Global Interest in Farmland. The World Bank, Washington 2011.