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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°4, 28 janvier 2008  >  L’initiative contre le bruit des avions de combat ne conduira pas à la mort de l’aviation militaire [Imprimer]

L’initiative contre le bruit des avions de combat ne conduira pas à la mort de l’aviation militaire

Votations fédérales du 24/2/08

Il importe peu d’où vient cette initiative populaire. Il faut souligner qu’il serait bon que Berne prenne, en matière de questions militaires, plus au sérieux les initiatives populaires et les référendums, et surtout qu’elle les traite de façon plus correcte. Il semble que le fait que le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) n’ait pas cru bon de présenter un contre-projet à l’initiative et se soit contenté d’une majorité parlementaire, provient de son manque de sensibilité envers la population. Cela est confirmé par les prises de position et les contributions des médias au cours des semaines passées et de ces derniers jours. On y trouve, comme lors du débat sur Armée XXI, la même prétention du monopole de la vérité, dans ce combat contre l’initiative. Il semble bien qu’on cherche à mettre les partisans de l’initiative au «coin» en entonnant déjà le «chant de la mort» de l’aviation militaire. Est-ce vraiment nécessaire?
Après le bide que fut Armée XXI, il serait bon de traiter cette initiative en tant que chance pour l’armée, car l’aviation militaire n’est pas la seule composante de la sécurité de notre pays; tant les partisans que les adver­saires devraient le savoir. Le souci pour les emplois, la souveraineté et la neutralité, les possibilités d’entraînements correctes, les options stratégiques, tous ces domaines nous regardent, et pas «seulement» l’aviation militaire. Le chef du DDPS avait déjà entendu ces arguments lors de la campagne pour Armée XXI, mais il les avait ignorés, voire refoulés. Ne remarque-t-on de nouveau pas que l’armée n’est plus soutenue par une bonne partie de la population? Dans l’Oberland bernois on lutte pour y installer des emplois; on a enfin pris conscience de ce problème! Est-ce que ce sont véritablement les motifs de l’initiative?
Qu’en est-il, dans notre pays, du soutien à notre armée? Qu’en pensent les citoyennes et les citoyens des régions où le DDPS a supprimé des emplois? Là, où des aérodromes ont été laissés à la «nature» et des arsenaux fermés? Est-ce que les emplacements de l’armée aérienne ont été choisis si correctement qu’il n’est pas pensable d’envisager une adaptation, avec les conséquences à prévoir? Lorsqu’on se donne la peine de consulter une carte de la Suisse, on remarque que les emplacements actuels ne sont distants les uns des autres que d’une centaine de kilomètres. Est-ce vraiment correct du point de vue stratégique et de la formation des pilotes? Il est vrai que le DDPS et les Commissions de la politique de sécurité parlementaires pourraient se plaindre de la situation financière de l’armée lors d’adaptations. N’y a-t-il pas des positions dans le budget du DDPS qu’on pourrait réexaminer? Peut-être les coûts des «troupes de mercenaires»?
Les responsables de l’aviation militaire feraient bien, en la circonstance, et au cas où leurs pilotes pourraient continuer de s’exercer dans les régions touristiques, de vérifier s’ils peuvent compter sur la compréhension et le soutien des «spectateurs au sol». Heureusement que les responsables du DDPS ne remettent pas encore en question l’importance des exercices de l’aviation militaire en relation avec les difficultés topographiques et météorologiques telles qu’elles se présentent dans notre pays. Pas plus que le fait que notre pays est trop petit pour y permettre une formation de pilotes. Il est parfaitement exagéré de prétendre que notre aviation militaire disparaîtrait en cas d’acceptation de l’initiative.
Nous nous retrouvons au point où il faut réfléchir à la stratégie et aux moyens de l’armée, et pas seulement de l’aviation. Nous autres, citoyens et citoyennes de ce pays, avons le droit d’exiger, quel que soit le résultat de la votation, que les responsables de notre armée révisent la doctrine d’engagement dans le sens d’une solution durable et d’envisager des adaptations. Cela pourrait signifier le déplacement de parties des entreprises actuelles à des emplacements adéquats. On ne manque pas de possibilités, du fait que les anciens aérodromes militaires se trouvent toujours sur la carte du pays.
Cela demanderait toutefois de la part du DDPS le courage de reconnaître les erreurs commises et de les corriger. Ce n’est pos­sible, cependant, que dans la mesure où dans ce département on se mettrait à adopter une façon démocratique de penser et que les politiciens choisissent les membres des Commissions de la politique de sécurité parlementaires selon leur connaissance de l’armée. Des membres de ces commissions qui n’auraient pas oublié à quoi sert l’armée et combien elle doit être ancrée dans la population. L’armée en profiterait à long terme du fait qu’elle serait mieux comprise et acceptée et qu’elle pourrait se présenter de façon plus assurée.

Albert Vincenz,

colonel à la retraite et ancien commandant du régiment d’infanterie 60