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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°27, 7 juillet 2008  >  Avoir faim – aux USA [Imprimer]

Avoir faim – aux USA

La crise alimentaire se manifeste aussi aux USA: 35 millions de personnes sont en souci pour leur prochain repas. En Virginie, une «ferme de volontaires» cherche à donner un coup de main.

par Thomas Spang, Woodstock/Virginia

hd. Un scandale absolu. Un signe du mépris de l’homme qui ne pourrait pas être plus clair. Les USA, le pays le plus riche du monde, qui dépense annuellement des centaines de milliards de dollars pour l’armement pour consolider sa domination dans le monde et assu­jettir les autres pays par la guerre, laisse souffrir de la faim ses propres citoyens. Il y a de plus en plus d’Américains qui ne peuvent plus se payer de légumes frais, de fruits ni de pain complet. La sous-nutrition et la malnutrition en sont les conséquences, dont surtout les enfants et les personnes âgées sont ­victimes.
Thomas Spang, correspondant du quotidien suisse «St. Galler Tagblatt» présente ci-dessous une ferme de volontaires en Virginie, qui donne un coup de main. Son rapport montre ce que l’initiative personnelle peut réaliser, et rend encore plus évident qu’il faut assurer le ravitaillement d’aliments sains, à un niveau régional, face à la pénurie mondiale de vivres.

Avec précaution, un homme de haute stature gratte le sol en terre battue de sa hache. «Ce qui est rond et vert, ce sont les oignons, le reste, c’est de la mauvaise herbe», explique Mike Smith, expert en la matière, à son Pasteur Ann Ross; celle-ci travaille au champ, à côté de lui. Tout comme quatre autres membres d’une paroisse protestante voisine, sise à Elkton, dans l’Etat américain de Virginie; tous deux enlèvent les mauvaises herbes dans le champ d’oignons de la «ferme des volontaires». La terre est à Bob Blair, qui a mis au service des affamés, il y a cinq ans, sa ferme qui se trouve sur un site idyllique au pied des Appalaches. C’est une terre fertile où les pommes de terre poussent aussi bien que les pastèques, les haricots, les concombres et les betteraves rouges. Ce sont des légumes riches en matières nutritives qui manquent dans le menu des pauvres et qui sont des marchan­dises dont manquent les banques alimentaires destinées aux personnes dans le besoin.

Des légumes et des fruits pour les personnes dans le besoin

«Nous avons un problème mondial de la faim qui s’aggrave chaque jour également dans notre pays», explique le monsieur aux cheveux gris argentés qui fait en personne les honneurs au groupe ecclésiastique, comme la plupart des quelques 5000 volontaires qui trouvent le chemin de la «ferme des volontaires» par les routes secondaires de l’autoroute 81, jusqu’en fin d’année. Durant la semaine des pensionnaires et des idéa­listes donnent un coup de main, le week-end ce sont des familles et pendant les va­cances des groupes de collégiens et des écoliers. «Ce n’est pas la ferme de Bob Blair», souligne l’ancien collaborateur de l’autorité chargée des mesures de prévention contre les catastrophes en s’adressant aux visiteurs. «Ici nous faisons une œuvre communautaire.»
L’idée extraordinaire est venue à l’esprit de Bob Blair pendant la nuit. «C’était mon ordre de marche», dit cet home croyant qui s’était réveillé un matin en voyant mentalement un plan détaillé devant lui. Bob vendit les arbres de Noël qu’il avait plantés sur sa terre, la transforma en champs et cultiva les deux premiers hectares avec quelques volontaires. Cette année, les aides cultivent huit fois la superficie de l’année dernière, espérant qu’ils pourront fournir plus que les 60 000 morceaux de légumes qu’ils avaient livrés à la banque alimentaire locale, l’année de sécheresse passée.
«L’aide de cette ferme est urgente», souligne Ruth Jones de la «Blue Ridge Area Food­bank» qui donne un coup de main à environ 130 000 personnes en Virginie. Depuis le mois d’octobre, le nombre des demandeurs d’aide est monté d’un tiers dans les 430 dépôts. «Une véritable épidémie», déplore Jones.

La misère s’accentue

En même temps, le gouvernement a réduit ses allocations de 4 millions de livres de vivres en 2004 à seulement un million aujourd’hui. Les producteurs sont avares en marchandises rares gratuites et forcent les organisations humanitaires à faire des achats supplémentaires. «La crise mondiale arrive actuellement chez nous», déclare Jones. Blair raconte à ses volontaires un exemple qui s’est déroulé au Crozet, un endroit pittoresque au milieu des collines vertes de la Virginie où la prospérité et la faim voisinent. La demande d’aide alimentaire immédiate dans les deux dépôts locaux était montée si dramatiquement que les gens devaient s’en retourner en ayant encore faim.
Dans leur détresse, le nombre de gens qui s’adressent directement aux entrepôts régionaux – tel celui de Winchester où les produits frais de la «ferme des volontaires» sont entreposés – augmente. «Aujourd’hui, nous avons ravitaillé six familles avec des caisses alimentaires», raconte Mary-Jane Dlaine, qui a trié les marchandises de son magasin selon l’origine des dons. La chambre froide destinée à la viande, aux légumes frais et aux fruits est vide. Avec joie, elle attend la première liv­raison de petits pois que Bob Blair a avisée pour les prochains jours.
Avec ses livraisons, la «ferme des volontaires» bouche un trou que toutes les banques alimentaires connaissent aux USA. «La faim, dans un pays riche tel que les USA s’exprime par une sous-nutrition et une malnutrition, un phénomène qui conduit paradoxalement à un taux élevé d’obésité et de diabète», explique Blair. Les victimes en sont les enfants, les personnes âgées et ceux que l’on appelle les Working poor.

Assez de volontaires

Face à la dimension du problème, Blair qui a l’expérience de plus de 400 opérations de sauvetages, se sent dépassé. Souvent il se fait du souci à cause de l’avenir de l’œuvre communautaire. Mais à chaque fois, des donateurs se trouvent qui font de nouveau avancer ce projet unique. Comme l’année dernière, lorsqu’un don aida à acheter un tracteur plus performant.
Mais l’afflux de volontaires ne semble pas se tarir. Chrissy Jenkins et Linda Bueckling, les seules mains-d’œuvre rémunérées à la ferme, font la coordination de l’intervention par Internet et téléphone. «Il y a toujours une tâche à trouver», déclare Blair. «L’expérience de pouvoir donner soi-même un coup de main fait la différence», c’est ainsi qu’explique la femme pasteur Ann Ross la motivation de la paroisse d’Elkton à aider ici. «C’est bon pour le corps et pour l’âme», ajoute Mike, qui, en tant que technicien de laboratoire, a pris un congé pour donner un coup de main à la «ferme des volontaires». Signer un chèque, c’est tellement plus simple.»     •

Source: St. Galler Tagblatt du 21/5/08
(Traduction Horizons et débats)