Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°38, 22 septembre 2008  >  Un avenir sans OMC [Imprimer]

Un avenir sans OMC

par Reinhard Koradi, Dietlikon

Pourquoi les peuples se laissent-ils imposer une forme d’économie qui les prive de toute liberté décisionnelle et de toute marge de manœuvre dans la réalisation de leurs politiques économiques et sociales?
Il ne faut pas que les gouvernements, les représentants du peuple, les citoyens et les citoyennes se soumettent de manière pusillanime aux diktats de l’OMC. Il faudrait fixer des limites claires – conformes aux besoins fondamentaux des économies nationales – à cette organisation qui se met sans réserve au service des riches et des multinationales. Le libre-échange mondial que l’OMC fait avancer brutalement menace les bases existentielles des peuples et viole massivement leur droit à l’autodétermination.
Pourtant les représentants des gouvernements et les lobbyistes vantent le libre-échange et la libéralisation de la production et de la commercialisation des marchandises et des services comme étant une arme ab­solue contre la pauvreté et la faim. On propage l’idée selon laquelle la croissance écono­mique apporte la prospérité. Mais ce que nous voyons est une réalité toute différente, une sombre réalité. Les riches s’enrichissent alors que la pauvreté et la faim touchent de plus en plus de personnes. La concurrence, propice aux innovations, entre les divers systèmes économiques (économie de marché, économie sociale de marché, systèmes démocratiques et dictatoriaux) est éliminée. En lieu et place d’une réelle concurrence portant sur l’efficacité et la qualité, nous assistons à un processus de nivellement et d’harmonisation qui étouffe tout progrès et appauvrit l’homme et la nature. Les structures d’une économie compétitive vitale et humaine (dimensions des entreprises et structures des secteurs industriels hétérogènes dans des espaces restreints, dont on peut se faire une idée d’ensemble) ont été balayées par les raz de marée provoqués par les flux financiers et les marchés sont monopolisés par les multi­nationales.

Une économie humaine

Ces dernières années, l’économie des capitaux a supplanté l’économie nationale. L’économie fondée sur les besoins des hommes à l’intérieur des pays (ce qui n’exclut d’ailleurs pas des activités économiques par-delà les frontières) a cédé la place à un système économique néolibéral orienté unilatéralement vers la production de richesses. Un profond changement de valeurs a eu lieu. Maintenant, l’homme doit servir l’économie en tant que facteur de production et de consommation. Ceux qui ne répondent pas aux exi­gences économiques sont écartés. Tout ce qui vit doit être utilisé de manière commerciale et devenir plus efficace. On adapte au marché grâce à des réformes et à des restructurations les institutions et les domaines d’activités qui avaient pour objectif le bien commun et la solidarité entre les hommes. On veut retirer au peuple le contrôle des approvisionnements de base, qui garantissent les besoins existentiels des hommes, et l’abandonner au marché. Selon les néolibéraux, l’Etat et les communes ne sont pas capables de diriger des entreprises de manière rentable et ils demandent que l’on abandonne les approvisionnements de base à des entreprises privées. Or il faut dénoncer cette argumentation comme étant une attaque dissimulée dirigée contre les Etats nations. Un approvisionnement intact et efficace renforce la solidarité entre les hommes et constitue le ciment nécessaire entre les nations.
La théorie économique néolibérale ne voit dans les approvisionnements de base qu’un marché d’avenir possédant un potentiel de croissance considérable. Les entreprises privées – surtout leurs bailleurs de fonds – ont pour unique objectif de s’emparer de ces approvisionnements afin de s’enrichir très vite. Or dans ce secteur, les privatisations sont en totale contradiction avec la mission publique consistant à mettre les produits et les services à la disposition de tous les hommes, indépendamment de leur pouvoir d’achat. L’optimisation du profit par des monopoles supprime sans offrir de contrepartie l’exigence démocratique de participation, d’égalité des chances, de solidarité et de subsidiarité. L’argument du désendettement des communes que permettent les privatisations ne résiste pas à un examen approfondi. Les infrastructures (chemins de fer, poste, réseau routier, etc.), l’approvisionnement en énergie et en eau, l’école et la santé publique doivent être aux mains de l’Etat. Les pouvoirs publics ont prouvé leur capacité à diriger des entre­prises avec succès. Le succès obéit ici à d’autres critères et est évalué uniquement par les citoyens responsables. Il y a certainement d’innombrables exemples qui le prouvent.
La Suisse, par exemple, pays pauvre en ressources naturelles, a fondé sa puissance économique sur le développement prévoyant et responsable du secteur public. Le libre accès des citoyens aux biens publics vitaux (qui d’ailleurs sont financés par les taxes et les impôts) n’a pas seulement renforcé la solidarité dans le pays, mais a aussi ouvert un espace à la pensée et à l’action entrepreneuriales. Avec les ravitaillements de base, il a posé la première pierre d’une Suisse compétitive. Cette compétitivité a son origine notamment dans l’accord de paix entre les partenaires sociaux et la sécurité qui en résulte ainsi que dans la volonté et la capacité de travailler ont ancrés dans l’esprit de la population active. Si l’on complète ces conditions par la responsabilité individuelle et la solidarité, l’économie peut accomplir ces missions au sein de la communauté et ap­porter à tous les citoyens une meilleure qualité de vie. Or cela ne peut être réalisé que dans un cadre restreint et national et nécessite une politique économique qui vise sérieusement une répartition équitable des revenus, le plein emploi, la sauvegarde de l’avenir, des prix stables et des budgets équilibrés. L’ordre économique global néolibéral ne peut pas répondre à ces exigences. Il n’y a donc qu’une chose à faire: le refuser catégoriquement.

Eliminer l’OMC, catalyseur de la mondialisation

Le monde financier des riches a trouvé dans l’OMC un partenaire puissant pour la commercialisation globale. Ainsi, les Etats perdent le moyen de déterminer librement l’orientation économique de leurs pays. La mondialisation et la privatisation pillent les biens publics. La prise en charge des missions publiques par des entreprises privées est un cheval de Troie. Elle met les citoyens sous tutelle, elle retire aux autorités leurs responsabilités et anéantit le bien public. Trop souvent des entreprises publiques sont bradées. La plupart du temps ce sont des trusts qui se chargent de l’énergie, de l’eau, du réseau ferroviaire, des hôpitaux et d’autres entreprises publiques. En lieu et place de la concurrence, les citoyens subissent la perte de leur participation, l’augmentation des taxes et des tarifs et une baisse de qualité considérable.
Voilà pourquoi il faut combattre la privatisation et la libéralisation. Il faut inviter les autorités à prendre au sérieux leur mission en matière d’approvisionnements de base. Les domaines dits sensibles doivent au moins être soustraits à l’influence de l’OMC. Les approvisionnements de base n’ont pas leur place dans les accords de l’OMC. Il est du devoir des Etats de les garantir. Et s’ils sont confrontés à leurs limites, ce sont les citoyens qui doivent agir et non des entreprises privées. Il n’y a guère de domaine qui ne puisse être géré en coopérative pour le bien des personnes concernées. La responsabilité individuelle, la solidarité et l’acceptation de l’effort personnel sont plus prometteuses que l’appel aux contraintes de l’OMC et aux bailleurs de fonds privés.    •