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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°28, 20 juillet 2009  >  Premier pas d’un long processus visant à engager le monde sur une nouvelle voie de solidarité, de stabilité et de durabilité [Imprimer]

Premier pas d’un long processus visant à engager le monde sur une nouvelle voie de solidarité, de stabilité et de durabilité

Discours de Miguel D’Escoto Brockmann, président de l’Assemblée générale des Nations Unies sur la mise en œuvre du document final de la «Conférence de l’ONU sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement»

Excellences, chers collègues auprès des Nations Unies, chers représentants des sociétés civiles, chers frères et sœurs,

Nous sommes arrivés au milieu de la troisième journée de cette Conférence historique sur la crise financière et économique mondiale et son incidence sur le développement. Je vous félicite tous d’avoir lancé avec succès cet échange de vues sur la crise écono­mique mondiale qui se poursuit autour de nous et d’avoir entamé un examen en profondeur sans précédent du système financier et écono­mique international.
Le monde a eu l’occasion d’entendre la voix du G192. Tous les membres de l’Assemblée générale ont eu – et ont toujours – la possibilité d’exprimer leur point de vue. Aujourd’hui, nos efforts ont abouti à l’adoption par consensus d’un document final qui représente un premier pas d’un long processus visant à engager le monde sur une nouvelle voie de solidarité, de stabilité et de durabilité.
L’Assemblée générale des Nations Unies, le G192, s’est imposée comme la principale tribune pour les débats sur les problèmes financiers et économiques mondiaux et c’est en soi une réussite importante. En outre, elle a été chargée de suivre ces questions en créant un groupe de travail à composition non limitée.
Les questions à suivre vont de l’atténuation de la crise – au moyen notamment de me­sures incitatives globales, de droits de tirage spéciaux (DTS) et de monnaies de réserve – à des sujets comme la restructuration du système financier et économique, notamment par la réforme des institutions financières internationales et du rôle des Nations Unies, la dette extérieure, le commerce international, les investissements, la fiscalité, l’aide au développement, la coopération, les nouvelles formes de financement, la corruption et les flux financiers illégaux, la régulation et la surveillance.
En même temps, les participants ont reconnu que la crise financière et économique ne doit pas retarder la lutte contre le changement climatique et la dégradation environnementale grâce à des initiatives visant à créer une «économie verte».
Le G192 s’est avéré capable d’aboutir à un consensus sur la convocation et les modalités de cette Conférence et sur un important document final qui aborde des questions essentielles pour l’humanité. Il a également été en mesure de préciser comment faire avancer le processus sur la base du plan d’action établi dans le document final.
Nous avons vécu trois jours d’un travail très efficace et maintenant que le document final a été officiellement adopté, il convient de saluer les efforts des uns et des autres et de féliciter tout particulièrement les deux facilitateurs des négociations: Frank Majoor, représentant permanent des Pays-Bas, et Camilo Gonsalves, représentant permanent de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Naturellement nous adressons nos remerciements les plus chaleureux au président de la Commission d’experts qui a été si bien coordonnée par le professeur Joseph Stiglitz.
Nous sommes heureux, mais pas complètement satisfaits. D’autres crises se des­sinent à l’horizon, celles de l’eau potable, du réchauffement climatique, de l’alimentation, de l’énergie et la crise humanitaire qui affecte des millions de nos frères et sœurs, en particulier des enfants souffrant de la faim et de la soif.
Nous devons unir nos forces afin de faire face à ces crises. Les propositions que nous avons adoptées aujourd’hui vont dans cette direction mais il reste beaucoup à faire.
Nous sommes encouragés par les manifestations de la volonté politique d’endosser la responsabilité partagée de coopérer, mais nous ne serons pas satisfaits tant que ces questions urgentes ne seront pas résolues.
Mon rôle de Président de cette Assemblée générale qui réunit des représentants de tous les peuples du monde est de vous inviter à voir au-delà des questions écono­miques d’aujourd’hui et de conserver l’espoir dans l’avenir commun de la Terre et de l’humanité.
Nous pourrions nous demander ce qui nous attend. Pas nécessairement en termes d’économie mais d’humanité. Où allons-nous? A ce stade, il est improbable que quiconque, tout sage qu’il est, puisse répondre avec certitude à cette question. Mais même en l’absence de réponses, nous pouvons tous chercher à créer le consensus qui nous mènera vers un avenir prometteur pour nous et pour la Terre.
Cela me rappelle la vision d’un grand scientifique français, l’archéologue et my­stique Pierre Teilhard de Chardin. En Chine, où il a effectué ses recherches sur Homo pekinensis, il a eu une sorte de vision. Envisageant les avancées en matière de technologie, de commerce et de communications qui raccourcissent les distances et posent les fondements de ce qu’il se plaisait à appeler la planétarisation, plutôt que globalisation, il disait, en 1930 déjà, que nous assistons à l’émergence d’une nouvelle ère pour la Terre et l’humanité.
Selon lui, ce qui était en train d’apparaître était la noosphère, après le processus évolutif de l’anthroposphère, de la biosphère, de l’hydrosphère, de l’atmosphère et de la lithosphère. La nouvelle sphère apparaît maintenant, celle des esprits et des cœurs synchronisés: la noosphère. Comme on sait, le mot grec noos réfère à l’unité de l’esprit et du cœur.
Où allons-nous? J’ose espérer que nous allons tous vers l’émergence lente mais irrésistible de la noosphère. Les humains et les peuples vont se découvrir et s’accepter comme des frères et des sœurs, comme une famille, une espèce unique capable d’amour, de solidarité, de compassion, de non-violence, de justice, de fraternité, de paix et de spiritualité.
Est-ce une utopie? Certainement, mais une utopie nécessaire. Elle doit nous guider dans notre recherche. Par définition, l’utopie est inaccessible, mais elle ressemble aux étoiles: elles sont inaccessibles, mais que serait le ciel nocturne sans elles? L’obscurité serait totale et nous serions désorientés et perdus. De même, l’utopie donne une direction, un but à nos vies et à nos luttes.
Donc la noosphère est la prochaine étape de l’humanité. Permettez-moi une petite digression. Si, à l’ère des dinosaures qui peuplaient la Terre il y a plus de 100 millions d’années et disparurent il y a quelque 65 millions d’années, un observateur hypothétique s’était demandé quelle serait la prochaine étape de l’évolution, il aurait probablement pensé: la même chose, en plus grand. En d’autres termes, des dinosaures encore plus grands et plus voraces.
Mais cette réponse aurait été fausse. Cet observateur n’aurait jamais imaginé qu’un petit mammifère pas plus grand qu’un lapin, vivant dans la cime des arbres, se nourrissant de fleurs et de pousses et tremblant d’être découvert par un dinosaure, allait finalement devenir notre ancêtre.
C’est de cette créature qu’a émergé, des millions d’années plus tard, quelque chose de tout à fait nouveau, possédant des caractéristiques tout à fait différentes de celles des dinosaures, doté d’une conscience, d’une intelligence et capable d’aimer: les premiers êtres humains dont nous descendons, nous autres réunis ici.
Ce n’était donc pas la même chose en plus grand. Il y avait eu rupture, nouvelle étape.
Je crois profondément que nous sommes aujourd’hui au seuil d’une nouvelle étape du processus évolutif: une étape vers une famille humaine unifiée avec elle-même ainsi qu’avec la nature et la Terre.
Je suis tenté de reprendre le fameux «I have a dream». C’est vraiment un rêve, un rêve merveilleux, splendide, heureux.
Cette nouvelle étape sera axée principalement sur la vie sous toutes ses formes, l’humanité et tous ses peuples et groupes ethniques, la Terre comme une mère, avec toute sa vitalité, et une économie qui crée les conditions matérielles permettant de réaliser tout cela. Nous aurons besoin du capital matériel que nous avons accumulé mais l’accent sera mis sur le capital humain et spirituel dont les fruits les plus salutaires sont la fraternité, la coopération, la solidarité, l’amour, la justice économique et écologique, la compassion et la capacité à coexister sans problèmes malgré toutes nos différences dans notre maison commune, la Terre nourricière, vaste et généreuse.
On dit que Jésus, Bouddha, saint François d’Assise, Rumi, Tolstoï, Gandhi, Dorothy Day, Martin Luther King et bien d’autres grands prophètes et maîtres d’hier et d’aujourd’hui dont chaque pays, chaque culture possède un exemplaire, étaient en avance sur leur temps en s’engageant dans cette nouvelle voie.
Ils sont tous nos maîtres les plus formateurs, nos guides qui attisent la flamme de l’espoir et nous assurent que nous avons encore un avenir, un avenir heureux pour nous tous.
Comme l’a dit très justement notre cher frère Joseph Stiglitz, «l’héritage laissé par la crise économique et financière sera une bataille mondiale d’idées».
Je suis convaincu que les idées nouvelles, les visions nouvelles et les rêves nouveaux galvaniseront nos esprits et nos cœurs. Les anciens dieux meurent et de nouveaux dieux émergent qui ont la vigueur des nouveau-nés. Mes réflexions ont pour objectif d’apporter de l’énergie et de l’enthousiasme dans cette bataille d’idées et de visions.
Si l’on veut que les humains fassent un saut qualitatif en avant, nous devons cesser de vouloir être les maîtres de la Création et nous rappeler que nous n’en sommes pas les propriétaires mais seulement les gardiens, ce qui, après tout, n’est pas peu de chose.
Ce n’est qu’en acceptant le fait que nous sommes des gardiens et non des propriétaires et qu’un jour, nous devrons rendre des comptes sur notre intendance que la noblesse de notre humanité transparaîtra.
Je vous remercie de votre attention.    •

Source: www.un.org/ga/econcrisissummit/stt_day26.shtml

(Traduction Horizons et débats)

«Nouvelle orientation vers des principes de justice, de solidarité et de subsidiarité»

Intervention de Mgr Celestino Migliore, nonce apostolique et observateur permanent auprès des Nations Unies

Monsieur le Président,
Le Saint-Siège se réjouit de pouvoir commenter les recommandations émergeant des débats relatifs à l’impact de la crise financière et économique mondiale sur les pays en développement. Nous saluons à nouveau l’initiative prise par l’ONU au cours des derniers mois visant à inclure l’ensemble de ses membres dans les discussions.
Nous ne devons pas oublier que ce sont les pauvres des pays développés et des pays en développement qui souffrent le plus et qui sont les moins capables de se défendre contre les effets de la crise. Dans les premiers la perte d’emplois et dans les seconds l’absence d’accès à l’emploi, à l’alimentation, aux soins médicaux de base et à l’éducation sont une réalité quotidienne décourageante. Au terme des réunions de la Commission du développement, en avril dernier, la Banque mondiale estimait que 55 à 90 millions de personnes supplémentaires allaient sombrer dans une extrême pauvreté en 2009, en particulier des femmes et des enfants. Le nombre des personnes souffrant de la faim de manière chronique devrait dépasser le milliard cette année. De plus, l’espoir de vaincre l’extrême pauvreté d’ici à 2015 grâce aux huit Objectifs de développement du millénaire, sur lesquels les dirigeants de la planète s’étaient accordés, se sont également éloignés.
En conséquence, pour le Saint-Siège, il existe avant toutes choses un fort engagement moral pour affronter ces inégalités sociales et économiques qui offensent la dignité fondamentale de tant d’habitants de la Terre. En même temps, les institutions de l’Eglise dans le monde entier ont profité de cette conjoncture pour encourager de nouvelles structures de solidarité et pour demander et encourager une nouvelle orientation des systèmes financiers et économiques mondiaux vers des principes de justice, de solidarité et de subsidiarité.
[…]
Comme la communauté internationale assume la responsabilité collective d’aider les pays en développement les plus pauvres en cette période de crise financière, il nous paraît utile de rappeler les paroles prononcées cette année par le Pape Benoît XVI à l’occasion de la Journée mondiale de la paix. Il a insisté sur le «besoin fondamental d’un sens fort de solidarité mondiale entre pays riches et pays pauvres pour affronter de manière efficace la lutte contre la pauvreté». Il s’agissait pour lui essentiellement d’un «appel moral fondé sur le bien commun de tous les êtres humains».
Dans le domaine de la finance et du commerce mondiaux, des processus sont à l’œuvre qui permettent une intégration positive de l’économie conduisant à une amélioration globale des conditions de vie. Mais, en même temps, des processus opposés marginalisent des peuples et peuvent provoquer des guerres et des conflits. Malgré la croissance considérable du commerce depuis la Seconde Guerre mondiale, il reste beaucoup de pays à faible revenu qui restent marginalisés en matière de commerce. Dans ces pays, dont un grand nombre sont situés en Afrique, il s’agit d’une question fondamentale de justice globale. La crise récente montre également combien l’activité financière peut être égocentrique et à court terme, comme elle néglige d’envisager le bien commun à long terme.
Pour terminer, nous réitérons notre appel pour que l’on donne, en ces temps de crise, la priorité aux pays les plus pauvres et qu’une approche éthique soit adoptée premièrement en économie par ceux qui opèrent sur les marchés internationaux, deuxièmement, en politique par ceux qui exercent une fonction publique; et pour que, troisièmement on permette une large participation de tous les membres de la société civile. Ce n’est qu’en adoptant une telle approche que l’on pourra réaliser une solidarité mondiale authentique.
Merci, Monsieur le Président.

Source: http://holyseemission.org/26Jun2009.html   

(Traduction Horizons et débats)