Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°35, 5 septembre 2011  >  De quelle éducation et formation notre démocratie directe a-t-elle besoin? [Imprimer]

De quelle éducation et formation notre démocratie directe a-t-elle besoin?

par Henriette Hanke Güttinger

Les enfants et les adolescents d’aujourd’hui sont les futurs citoyens de notre Suisse basée sur la démocratie directe. L’épanouissement, le maintien et le développement de notre pays reposeront entre leurs mains. Les bases pour accomplir cette tâche doivent être fournies par l’éducation et la formation, à la maison et à l’école. Il faut former dans la famille, à l’école maternelle, à l’école obligatoire, dans les écoles professionnelles et aux universités, une génération à venir constituée de personnalités qui agiront dans la société et dans l’Etat démocratique au profit du bien commun.

Les enfants ont besoin d’éducation et de formation

C’est dans la nature de l’homme de réfléchir à l’éducation et la formation de la génération suivante. C’est pourquoi nous pouvons aujourd’hui puiser dans le fonds riche de l’Antiquité jusqu’au présent, les réponses aux questions suscitées par  l’éducation et la formation.  Il en est ainsi aussi pour l’humaniste Erasme de Rotterdam, qui a écrit en 1469: «Les êtres humains, vous pouvez me croire, ne sont pas nés mais formés.» «Elle [la nature, hg.] met au monde uniquement l’être humain dans un état frêle, nu et démuni, mais en remplacement de tout ça, elle l’a doué d’un raisonnement sensible à l’enseignement, parce que dans ce don tout est compris, si on est seulement soucieux d’une formation correspondante.» Ainsi, Erasme a remis la responsabilité de l’éducation de la génération suivante dans les mains des parents et des enseignants.

Selon Heinrich Pestalozzi, qui se situe dans la tradition de l’époque humaniste et des Lumières, l’éducation et la formation ont pour objectif «d’éveiller, de stimuler et de développer les prédispositions pour la bienveillance. Que l’on puisse considérer l’?uvre de la formation obligatoire, l’?uvre de la formation en général comme bonne ou non, dépend essentiellement du fait que l’individu apprend, dans le but de s’épanouir totalement, à travailler sur soi-même, à témoigner à ses prochains de l’amabilité et de la bienveillance, à être conscient de sa responsabilité et plein d’égards dans l’exercice de ses droits et dans l’usage de sa propriété.» C’est pourquoi, le fondement d’une société libre et démocratique est une «humanité éduquée».1 Pestalozzi en conclut: «Il existe donc une possibilité d’en finir avec ce cercle vicieux, dans lequel l’humanité traînasse entre les maux de la barbarie et le dés?uvrement: elle consiste à rapprocher les êtres humains d’un épanouissement intérieur total par une formation religieuse et éthique, civique et intellectuelle qui correspond à l’être humain.» Notre école obligatoire repose sur cette connaissance.

L’école obligatoire comme base de la démocratie directe

Avec la fondation de l’Etat fédéral démocratique en 1848, la Suisse surmonta le système féodal marqué par l’inégalité et l’injustice, après des décennies de combats et de troubles intérieurs sanglants. On accorda une grande importance aux écoles obligatoires nouvellement créées. Elles devaient permettre à la jeune génération de percevoir souverainement et activement ses droits et devoirs en tant que citoyen et créateur d’un système étatique démocratique et fédéraliste au niveau communal, cantonal et fédéral. Ainsi, l’article sur le but dans la nouvelle Loi sur l’enseignement du canton de Zurich de 1832 stipule: «L’école obligatoire doit rendre les enfants de toutes les classes, selon des principes concordants, actifs au niveau intellectuel et les éduquer à devenir des citoyens compétents et des êtres moraux et bons.»

En 1966, le Conseil de l’éducation du canton de Zurich promulgua un nouvel article pour l’école obligatoire. Le système de la formation et de l’éducation y est formulé de manière tellement bien fondée, étendue et universellement valable qu’elle possède aujourd’hui encore toute sa valeur. En voici un extrait:

«I. But de l’école obligatoire

L’école obligatoire est l’établissement commun édifié par l’Etat pour l’éducation et la formation des enfants de toutes les classes; les mêmes droits et devoirs sont valables pour tous, ainsi que les mêmes principes d’éducation et d’enseignement.

Collaborant avec les parents, l’école obligatoire a pour but la formation harmonieuse corporelle et intellectuelle de l’enfant afin qu’il devienne une personnalité aussi homogène et vigoureuse que possible.

L’école obligatoire forme le corps. […] L’école obligatoire forme la raison. […] L’école obligatoire forme l’esprit et le caractère. Elle rend le jeune esprit sensible à toutes les stimulations nobles de la vie de l’âme humaine, qu’il soit consolidé contre les influences méchantes, grossières, ignobles des penchants et des passions. Elle forme et encourage la conscience du devoir, le plaisir du travail, l’affermissement de la conviction, l’aspiration à la vérité, l’ouverture et la liberté, le sens de la fidélité, l’action dévouée et ayant du caractère. Elle forme le fondement de la capacité à l’éducation de soi-même dans le sens des revendications de l’époque des Lumières, de l’humanité et de la tolérance.

Ainsi, l’école obligatoire est un lieu de formation humaine générale. Bien sûr, elle transmet une certaine quantité de connaissances et d’aptitudes qui sont nécessaires pour un meilleur développement dans la vie. La vraie formation de l’être humain n’apparaît pas exclusivement à travers le savoir et la compétence; Son caractère essentiel repose beaucoup plus sur l’harmonie d’une vie intérieure sincère et de l’action qui s’oriente constamment vers le bien-être de l’ensemble et n’a jamais à craindre la lumière.»

En 2005, on peut lire dans l’article relatif au but de l’enseignement dans la nouvelle loi sur l’école obligatoire: «L’école obligatoire éduque dans le but de former un comportement qui s’oriente selon des valeurs chrétiennes, humaines et démocratiques.» Les contenus de ces articles de buts pourraient à l’avenir être pris comme bases sur lesquelles toutes les nouveautés et les réformes de nos établissements éducatifs doivent se laisser mesurer et juger. Ou bien comme Arthur Brühlmeier nous le soumet à réflexion dans son livre «Menschen bilden» («Former des êtres humains»): «Cela sert aussi au mieux l’économie et l’Etat, si les écoles s’occupent de la formation de l’ensemble de l’être humain et ne placent pas son utilité au centre, mais son humanité.»2         •

1  Brühlmeier, Arthur, Menschen bilden. Baden 2007, p. 226

2  ibid., p. 9