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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°2, 18 janvier 2010  >  «Les activités de l’Etat sont plus proches du citoyen» [Imprimer]

«Les activités de l’Etat sont plus proches du citoyen»

Interview de Philipp Stähelin, conseiller aux Etats (Thurgovie)

Horizons et débats: Monsieur le Conseiller aux Etats, en ce qui concerne ses dettes publiques, la Suisse est mieux lotie que la plupart des autres pays d’Europe. A votre avis, quelles en sont les raisons?

En effet, notre pays est moins endetté que presque tous les autres pays, excepté ceux, telle la Norvège, qui possèdent des ressources, notamment pétrolières, que nous ne possédons pas. Et cela vaut aussi bien pour les dettes de la Confédération que pour celles des cantons et des communes. En comparaison des Etats centralistes et des Etats au fédéralisme moins prononcé, ces collectivités régionales ont naturellement plus d’importance; il faut en tenir compte mais cela ne change guère l’image positive de la ­Suisse. Inversement, la structure fédéraliste implique déjà une politique relativement peu dépensière. L’activité gouvernementale est plus proche du citoyen qui la contrôle mieux qu’ailleurs aux niveaux fédéral et surtout cantonal et communal. Cet effet est encore renforcé par le fait que les cantons disposent d’une fiscalité et de compétences financières qui leur sont propres. Le référendum financier aux niveaux cantonal et communal joue aussi un rôle.
Néanmoins, notre pays s’est aussi endetté massivement, en particulier dans les années 1990. La dette a doublé en peu de temps, ce qui a effrayé la population et les élus. La politique dépensière a cédé la place à une plus grande retenue ces dernières années. On s’est rendu compte que les dépenses de­vaient avant tout dépendre des recettes et l’instrument du frein à l’endettement a été élaboré. Cela a eu un effet direct et profond, et a également influencé la réflexion budgétaire globale. Les dettes et le volume des dépenses ont été stabilisés. L’évolution positive de l’économie nous a permis de réduire la dette alors que les booms économiques précédents avaient incité à la dépense. Pour la première fois, nous avons mis en œuvre une politique anticyclique.
Face à l’effondrement de l’activité économique des deux dernières années, nous avons mené cette politique. Nous avons pris des mesures économiques plutôt modérées, adaptées à la situation, qui ont respecté le frein à l’endettement mais avec souplesse. Bien qu’on nous ait reproché un manque de solidarité avec d’autres pays européens qui ont pris des mesures de soutien exagérées, notamment en faveur de l’industrie automobile, nous ne nous sommes pas écartés de notre politique financière responsable.

Malgré la situation relativement favorable, vous avez, en tant que président de la Commission des finances du Conseil des Etats, mis en garde contre le fait d’augmenter la dette publique de manière exponentielle. Qu’est-ce qui vous y a amené? Qu’est-ce que cela signifierait pour les générations futures si les dettes continuaient de croître?

D’une part, le frein à l’endettement con­cerne uniquement les dépenses du compte ordinaire alors que les dépenses extraordinaires ont pu filer, ce qui a effectivement entraîné à plusieurs reprises une augmentation des dettes et sapé la politique financière durable. On essaie maintenant de lutter contre cette évolution négative avec la «règle complémentaire au frein à l’endettement», qui doit toutefois faire encore ses preuves. Cette phase doit être surveillée soigneusement si l’on veut éviter l’échec.
D’autre part, en période de difficultés économiques, la tentation est grande chez les politiques de chercher à résoudre les pro­blèmes avec d’importantes injections de capitaux. On veut agir énergiquement et on fait comme si ces mesures étaient durables et efficaces. Cependant, en général, elles arrivent trop tard et cachent souvent des intérêts très différents. Aussi faut-il considérer les injections de capitaux avec prudence. En particulier, il faut éviter de créer des postes de dépenses permanents au budget qui suppriment la marge de manœuvre nécessaire à des dépenses plus importantes à long terme. Il en résulte un lourd endettement global. Ceux qui comme moi, en tant que directeur de Finances cantonales dans les années 1990, ont connu des périodes de taux d’intérêts beaucoup plus élevés, savent ce que cela signifie: l’argent manque pour tous les projets porteurs d’avenir, ce qui nuit au développement du pays à long terme. Cela, je ne le souhaite pas à nos enfants.

Que faut-il faire pour maîtriser les dettes publiques en Suisse?

L’instrument du frein à l’endettement, avec la «règle complémentaire», sera efficace si on l’applique systématiquement. Nous devons donc tout faire pour qu’on ne s’éloigne pas de cette voie vertueuse. Cela signifie que pour les années 2010 et suivantes, nous devons réduire dans la mesure du possible les dépenses publiques car à la suite de la crise économique, les recettes vont diminuer. Je suis convaincu que c’est réalisable sans compro­mettre les activités essentielles de l’Etat si toutes les parties manifestent de la bonne volonté. Il faut pour cela réexaminer de manière approfondie les missions publiques et leur réalisation.     •