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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°45, 29 octobre 2012  >  Non à la révision de la Loi sur les épidémies [Imprimer]

Non à la révision de la Loi sur les épidémies

Délai du référendum jusqu’au 17 janvier 2013

par Marianne Wüthrich, docteur en droit

En septembre 2012 le Conseil national et le Conseil des Etats ont adopté une révision radicale de la Loi sur les épidémies. Est-ce que beaucoup de parlementaires ne se sont pas rendu compte qu’il s’agissait là de nouveau d’une main mise de la Confédération sur les structures fédéralistes et sur le citoyen responsable, semblable au cas de la Loi sur la prévention? Tous les citoyens sont appelés à soutenir la réussite du référendum avec toutes leurs forces pour que le peuple puisse décider de cette Loi sur les épidémies.
En fait les arguments contre le projet de loi sur les épidémies (LEp) correspondent dans leur sens à ceux contre la Loi sur les épizooties et la Loi sur la prévention – la LEp cependant va encore beaucoup plus loin en ce qui concerne l’atteinte à la souveraineté des cantons et la liberté des citoyens. En réalité la LEp actuelle suffit en principe pour combattre les maladies transmissibles chez les êtres humains. Toutefois quelques détails – comme pour la Loi sur les épizooties – pourraient être révisés ou formulés de façon plus lisible.
L’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) poursuit cependant d’autres objectifs, comme par exemple l’idée plutôt grotesque de vouloir «créer un effet positif sur la santé aussi bien de toute la population que de chaque citoyen». Le véritable sens de cet exercice au dépens de notre souveraineté et liberté et de la responsabilité des citoyens est l’objectif «de renforcer les réseaux internationaux et de mieux adapter l’ordre juridique suisse aux prescriptions internationales sur la santé de l’OMS» (cf. site Internet de l’OFSP).
Voici quelques objections sérieuses contre la révison de la LEp:

L’Office fédéral de la Santé publique (OFSP) comme centrale de commande absolutiste – Orwell vous salue bien!

La Loi sur les épidémies ferait sauter les structures fédéralistes de notre système de santé et le principe de subsidiarité par la concentration d’un pouvoir centraliste jamais connu. Ce qui est alarmant avant tout c’est que dans la Loi sur les épidémies l’OFSP ne se cache plus derrière le Conseil fédéral, mais déclare ouvertement sa volonté de consolider rapidement sa position de force. Dans la Loi sur les épidémies en vigueur, l’OFSP était déjà bien présent, mais seulement pour informer et conseiller. Un simple office fédéral devrait, selon cette loi, commander dans tout le pays et pouvoir agir à sa guise en tant que centrale de commande absolutiste envers les cantons et la population? Pour la Suisse fédéraliste avec sa démocratie directe une telle procédure est sans aucun doute scandaleuse.
– L’OFSP pourrait, selon l’article 5 de la LEp élaborer tout seul des programmes nationaux visant à détecter, à surveiller,
à prévenir et à combattre les maladies transmissibles tout en obligeant les cantons – qui, d’après la Constitution fédérales sont responsables de la santé publique! – à mettre ces programmes en application.
– L’OFSP pourrait, d’après l’article 8, alinéa 2 «ordonner aux cantons de prendre certaines mesures en prévision d’un risque spécifique pour la santé publique» par exemple «des mesures visant des individus» ou «des mesures visant la population» ou «des mesures de distribution de produits thérapeutiques».
– Les cantons comme simples auxiliaires d’exécution de vaccinations obligatoires et de programmes d’éducation sexuelle (soi-disant pour prévenir le HIV/SIDA!) du lobby au sein de l’OFSP dépendant de l’étranger et orienté vers certaines pratiques sexuelles?
– L’OFSP «informe le public, certains groupes de personnes, les autorités et les professionnels des risques de maladies transmissibles et des mesures possibles pour les prévenir et les combattre» (Art. 9 LEp).
La Loi sur les épidémies révisée laisserait le champ libre à un élargissement des indescriptibles «campagnes de prévention» que l’OSFP engage déjà depuis des années pour dissoudre notre société de valeurs («Même quand la soirée est bien arrosée, le préservatif s’impose.»; ou bien dans la campagne actuelle: «Consulter un médecin quand ça brûle et ça gratte…»).
L’OFSP serait chargé de la gestion des maladies transmissibles «en coordination avec des systèmes internationaux» (Art. 11): l’OFSP désigne certains laboratoires «centres nationaux de référence» dans lesquels il peut agir à sa guise (Art. 17); l’OFSP élabore un «plan national de vaccination auquel tous les médecins et le personnel de santé doivent se subordonner (Art. 20); l’OFSP est un service de surveillance et d’évaluation (Art. 24).
Les médecins, les hôpitaux et d’autres «Institutions sanitaires» sont tenus de déclarer à l’OFSP «leurs observations liées à des maladies transmissibles, y compris des informations permettant d’identifier les personnes malades, infectées ou exposées et de déterminer la voie de transmission» (Art. 12 al. 1).
En clair: La Loi sur les épidémies accorderait à l’OFSP le pouvoir d’un souverain absolutiste tout en abolissant la séparation des pouvoirs et en dégradant les cantons à de simples auxiliaires d’exécution: l’OFSP décide des bases de la lutte contre les épidémies (fonction législative), en même temps il ordonne aux cantons, à la population, au personnel de santé et aux laboratoires ce qu’ils ont à faire (fonction exécutive) et finalement il «surveille» et «évalue» ses propres empiètements (fonction judiciaire)!
C’est ainsi qu’une fois de plus la Suisse souveraine devrait se soumettre à une tutelle étrangère?
Ce ne sera pas le parlement fédéral qui décidera si le Conseil fédéral doit proclamer l’état d’urgence laissant libre champ à ce dernier et à l’OFSP, mais – tenez vous bien – l’OMS: Le législateur fédéral veut laisser le soin à l’OMS de juger s’il y a «présence d’une urgence sanitaire de portée internationale menaçant la santé de la population suisse» (Art. 6 al. 1 b).
Lorsque l’OMS donne l’ordre, le Conseil fédéral (c’est-à-dire l’OFSP) doit proclamer l’état d’urgence et suspendre la liberté des citoyens: Ordonner des mesures visant des personnes individuelles, et toute la population, faire des professionnels de la santé des simples exécutants, et ordonner des vaccinations obligatoires (Art. 6 al. 2).
Nous avons déjà vu bien des choses en matière de complaisance du Conseil fédéral envers des Etats étrangers et des bureaux et organisations internationaux – mais ça alors, ça va vraiment trop loin! Le désastre de la grippe porcine est encore bien dans les mémoires: Là, les autorités se sont aussi laissées guider par l’OMS. Et les sociétés pharmaceutiques d’outremer ont gagné en passant de grosses sommes. Et nous finalement, on est resté avec des millions de doses de vaccin et de médicaments (Tamiflu) qui ont dû être vendus à bas prix ou détruits, tout cela à nos dépens.

La suppression de la démocratie directe prend des proportions démesurées

Une fois de plus la démocratie référendaire est abrogée par la LEp: On a donné au Conseil fédéral le droit de conclure des accords internationaux sans consultation ni du parlement ni du peuple. Le Conseil fédéral devra, d’après l’article 80 alinéa 1 de la LEp, conclure des accords internationaux entre autre sur «l’échange de données» ou sur «l’harmonisation des mesures visant à détecter, à surveiller, à prévenir ou à combattre les maladies transmissibles». Ainsi, le peuple et le parlement ne seront non seulement exclus du droit de décision mais aussi du droit à l’information. Car la garantie que les citoyens et les parlementaires puissent avoir l’occasion de lire ces accords internationaux actuels n’est possible que dans des projets de loi soumis au référendum – rares sont ceux qui ont le temps d’être sur les traces de toutes les ordonnances et accords du Conseil fédéral. Ainsi l’exécutif, donc l’OFSP, aurait carte blanche également dans ce domaine-là.

Mainmise de l’OFSP sur les écoliers suisses – par-dessus les cantons et les parents

La Loi sur les épidémies donne au Conseil fédéral (à l’OFSP) toutes les libertés d’introduire, par-dessus les cantons et les parents, des coffrets-sexe et autres monstruosités dans les écoles du pays entier: «Le Conseil fédéral peut enjoindre aux institutions des domaines de l’éducation et de la santé de fournir des informations sur les risques liés aux maladies transmissibles et des conseils sur les moyens de les prévenir et de les combattre.» (Art. 19 al. 2c)
Ce que l’OFSP essaie depuis longtemps, et ce qui a rencontré à beaucoup d’endroits la résistance justifiée des parents et des enseignants, serait prescrit avec la LEp! Cela représente déjà une raison suffisante pour refuser cette loi.

Le citoyen transparent

Les articles respectifs de la LEp visant un élargissement massif de la centrale informatique de l’OFSP le disent clairement: Chaque personne seulement «soupçonnée d’être malade» devra être enregistrée dans un fichier avec toutes les données possibles et impossibles sur sa vie privée et ses affaires les plus intimes:

Art. 60 système d’information LEp

1    L’OFSP gère un système d’information recensant les données sur les personnes malades, présumées malades, infectées, présumées infectées ou qui excrètent des agents pathogènes.
2    Le système d’information contient les données suivantes:
a.    indications permettant d’identifier sans équivoque les personnes concernées et d’entrer en contact avec elles;
b.    itinéraires empruntés, lieux de séjour, contacts avec d’autres personnes, des animaux ou des objets;
c.    résultats d’analyses médicales;
d.    mesures de prévention et de lutte contre une maladie transmissible.

D’ailleurs ces données qui feraient de nous des citoyens transparents ne seraient pas stockées uniquement à l’OFSP, mais seront envoyées gaiement à travers le monde: L’OFSP, les autorités cantonales et n’importe quelles autres, qui ne sont pas désignées spécifiquement comme «des institutions publiques ou privées», devront
«traiter et faire traiter les données personnelles [par qui?] (Art. 58, alinéa 1), de même nos affaires privées, nos données personnelles pourront être «échangées». (Art. 59 alinéa 1).

Et la petite touche finale est

L’article 62: Communication de données personnelles à des autorités étrangères
1    Si cette mesure leur est nécessaire pour exécuter la présente loi, l’OFSP et les autorités cantonales compétentes peuvent communiquer des données personnelles, y compris des données concernant la santé, à des autorités étrangères ou à des organisations supranationales ou internationales qui accomplissent des tâches similaires, pour autant que l’Etat concerné, et notamment sa législation, ou ces organisations assurent aux personnes concernées un niveau adéquat de protection de la personnalité.
Et qui est responsable de ce perfectionnement inquiétant d’un système, certainement pas compatible avec la Suisse ou règne la liberté, mais qui rappelle plutôt les époques les plus noires des dictatures inhumaines? Vous le devinez: C’est l’OFSP qui une fois de plus réunit les trois pouvoir d’Etat: Il gère les fichiers et évalue en même temps la sécurité de son propre système, la justesse des données personnelles ainsi que la légalité du traitement des données des citoyens! (Art. 60 al. 5)
Dans la LEp, le droit de recours est accordé aux citoyens seulement en cas de dommages résultant de traitements forcés, mais pas contre l’enregistrement, le traitement et la transmission de données personnelles. Comme nous n’apprenons rien de l’enregistrement de nos données, nous n’avons pas besoin de recours? Par contre la Confédération devrait prendre la responsabilité civile envers l’industrie pharmaceutique en cas de dommages … (Art. 70)
Qu’en était-il de l’Etat de droit? La Loi contre les épidémies crée-t-elle une sorte de Patriot Act exposant toute la population suisse, sans qu’elle le sache et sans qu’elle puisse se défendre sans moyens juridiques indispensables, dans un Etat de droit, à une radiographie de toute sa vie avec des conséquences imprévisibles et graves?

Conclusion

La seule lecture du texte de la Loi suffit pour en avoir la chair de poule. Nos parlementaires n’ont-ils pas lu le texte?    •