Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°38, 5 octobre 2009  >  Le généralissime Souvorov – un Guillaume Tell russe [Imprimer]

Le généralissime Souvorov – un Guillaume Tell russe

ts. Il y a 210 ans que la Suisse fut un terrain de guerre de puissances étrangères, contrainte de laisser passer sur son territoire les troupes de diverses nations lors de la seconde Guerre de coalition (1799–1801) où la Grande-Bretagne, l’Autriche et la Russie affrontaient la France. La population en souffrit considérablement, car les soldats étrangers devaient être nourris, approvisionnés en bois de chauffage, soutenus dans les transports, et il fallait faire passer des canons par-dessus les Alpes. Ce fut une expérience douloureuse de guerre dans notre propre pays occupé, renforçant la volonté des Suisses de rester neutres en cas de guerres, cette volonté devant être enté­rinée par les puissances voisines. Ce qui fut le cas lors du Congrès de Vienne en 1815.
En plus des leçons tirées de ces années de guerre par les Suisses, il est resté en mémoire ces hautes performances militaires et de nombreuses plaques commémoratives dans nos montagnes: Il est question ici du passage des Alpes par le général russe Souvorov qui est aujourd’hui encore respecté en Russie pour son combat en faveur de l’indépendance et de la liberté de sa patrie comme chez nous Guillaume Tell. Ce passage des Alpes ne fut toutefois qu’une faible part de ses activités militaires. A rappeler que le général Souvorov fut nommé plus tard par le tsar Paul 1er «généralissime», le plus haut grade militaire russe.
En été 1799, le général Souvorov repoussa avec son armée russe les troupes françaises de Lombardie et s’orienta en automne vers Zurich afin de rejoindre l’armée du général ­Alexandre Korsakov pour lutter contre l’armée française sous le commandement du général Masséna. Cela exigea de passer le Gothard avec le gros des troupes, alors qu’un détachement enjambait le col du Lukmanier et de l’Oberalp. Ce qui n’alla pas sans des combats incessants contre les troupes françaises, y compris dans les gorges de Schöllenen. Mais lorsque Souvorov apprit que le général Korsakov avait été battu à Zurich et que l’Autriche s’était retirée de la coalition, il se vit contraint d’éviter les troupes françaises supérieures en force et se rendit dans la vallée de Muota passant par le col du Kinzig, puis par celui de Pragel vers Glaris. De là il traversa le col enneigé de Panix vers la vallée supérieure du Rhin, d’où le conduisit le chemin de St. Luzisteig vers Munich pour finalement se retrouver dans sa patrie. En l’espace de 28 jours, Souvorov avait accompli avec ses troupes un trajet dans les Alpes suisses de 280 kilomètres avec une dénivellation de 6800 mètres en montées et de 6600 mètres en descente. Les 22 000 soldats russes durent gravir 6 cols dans des conditions dramatiques, ce qui provoqua de nombreuses victimes.
En souvenir des actes héroïques de Souvorov et afin de souligner les bonnes relations pacifiques entre la Suisse et la Russie, sont organisées chaque année des fêtes commémoratives dans les gorges de Schöllenen, auxquelles participent les cadets de l’école de musique Souvorov de Moscou; ce qui fut le cas lors de la récente visite du président ­Medvedev. Mais il y a encore le pont «Souvorov» près de Muotathal, de même que les croix orthodoxes au haut des cols du Kinzig, de Pragel et de Panix qui rappellent aux promeneurs les soldats qui voulurent alors chasser Napoléon de Suisse. A ne pas oublier les soldats monumentaux du barrage du lac de retenue de Panix qui rappellent que la Confédération n’avait pas seulement dû subir le passage de troupes d’occupation étrangères avec leurs soldats souffrant du froid, de la faim et exténués, mais aussi les luttes internes douloureuses quant à la meilleure forme de gouvernement pour le pays.
Après la victoire contre Napoléon, la Russie devint une des puissances de protection de la neutralité de la Suisse, assurant avec d’autres puissances européennes la sécurité de notre pays, dont il avait tant besoin afin de pouvoir, sans pression extérieure comme du temps de Napoléon, se développer vers une démocratie directe et moderne.