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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°13/14, 12 avril 2010  >  Les principes de la politique extérieure suisse:indépendance, neutralité, impartialité et humanité [Imprimer]

Les principes de la politique extérieure suisse:indépendance, neutralité, impartialité et humanité

Journée annuelle de l’Aide humanitaire suisse et du Corps suisse d’aide humanitaire du 26 mars à Montreux

L’engagement humanitaire de la Suisse s’étend au niveau international. Quiconque prétend que la Suisse pratique une politique de repli n’est pas sérieux ou alors il a une intention politique. On a pu le voir de ma­nière frappante lors de la Journée annuelle de l’Aide humanitaire suisse et du Corps suisse d’aide humanitaire (CSA) à Montreux.

thk. Les différents exposés, entretiens, rapports et extraits de films sur le travail de l’aide humanitaire de la Suisse ont laissé auprès du grand nombre d’auditeurs une impression profonde et durable. Divers aspects en ont été abordés, allant de l’aide alimentaire dans le cadre du Programme alimentaire mondial aux projets à long terme de constructions dans les pays en développement, par exemple au Zimbabwe, en passant par l’aide médicale et sociale en Haïti.
Non seulement les différentes institutions étatiques apportent une contribution extra­ordinaire, mais une grande partie de la population manifeste un intérêt marqué et de la compassion à l’égard de ceux qui souffrent. Les 50 millions de francs de dons privés que la Chaîne du bonheur a rassemblés en peu de temps le prouvent. Mais il y a plus: après le tremblement de terre en Haïti, plus de 200 personnes se sont manifestées pour partir avec l’Aide humanitaire dans le territoire touché par le tremblement de terre pour y apporter leur aide à la population. Les individus veulent atténuer la souffrance des personnes touchées, que la catastrophe soit naturelle ou qu’elle soit due à l’aveuglement des hommes.

«Le plus beau visage de la Suisse est sa générosité»

C’est par ces mots que la Conseillère d’Etat du canton de Vaud Jacqueline de Quattro a commencé son discours dans lequel elle a insisté sur l’importance de l’Aide humanitaire suisse qu’elle a caractérisée de qualité du pays et de ses habitants. «La Suisse remplit son devoir de solidarité envers les plus pauvres dans le monde entier». Et cela à une époque, où la crise financière et économique a conduit à faire des économies précisément dans le budget consacré au développement.
Malgré cela, la Suisse a annoncé sa généreuse contribution de 42 millions de francs au profit du Programme alimentaire mondial. Le nombre de personnes souffrant de la faim, qui au lieu de diminuer, conformément à l’objectif déclaré de l’ONU, a augmenté depuis deux ans et a déjà dépassé le milliard, «n’est pas le résultat d’une pénurie alimentaire ou de mauvaises méthodes de culture», c’est simplement un problème de distribution: «Il existe suffisamment de nourriture pour tous.» Jacqueline de Quattro a montré clairement que «les personnes souffrant de la faim étaient exclues de la vie». «Il est inadmissible qu’un milliard d’individus souffrent de la faim tandis que d’autres vivent dans le superflu et gaspillent les ressources. Chaque individu doit accéder librement aux matières premières; nous devons nous engager pour cela.»

Les petits Etats ne doivent pas être défavorisés

La Conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a fait remarquer que la crise financière avait occulté la crise de l’alimentation de la conscience publique. «La faim dans le monde n’est pas un destin […]. Les effets de la crise économique et financière, du changement climatique, de la montée des prix du pétrole augmentent la vulnérabilité des plus pauvres et assombrissent leur avenir.»
Micheline Calmy-Rey reproche aux Etats du G 8 et à d’autres organisations internationales de faire de grandes promesses, mais ni de fixer de délais en ce qui concerne leur réalisation ni de les tenir réellement. Pour elle, «le système international actuel est trop faible, car il n’existe pas d’accords obligatoires. Les Etats nations se concurrencent, les pays pauvres sont défavorisés et ont de la peine à se faire entendre.»
Calmy-Rey a souligné l’importance de la promotion mondiale de l’agriculture durable. Plus de 1,5 milliard d’êtres humains sont dépendants des petites exploitations agricoles. Elles constituent une base stable sur la­quelle doit être établie la sécurité alimentaire. La Suisse essaie ici d’intervenir au niveau international.

La coopération au développement doit conduire à l’autonomie des pays

Le directeur de la DDC (Direction du développement et de la coopération) Martin Dahinden est lui aussi favorable à l’agricul­ture locale et à petite échelle, que le Rapport sur l’agriculture mondiale préconise comme solution au problème alimentaire mondial. Selon lui, outre l’aide alimentaire à court terme qui représente toujours aussi un risque de dépendance, on doit envisager des péri­odes plus longues quand il s’agit d’aide au développement raisonnable et durable. Ici aussi, la Suisse accorde volontiers son soutien. L’objectif doit toujours être d’améliorer profondément la situation des individus concernés. Dahinden fait une nette distinction entre l’aide au développement et la sécurité alimentaire. La première est évidente en temps de crise et de conflits. Il s’agit alors d’apporter une aide rapide et à court terme pour assurer la survie des personnes. La sécurité alimentaire va au-delà. L’agriculture locale doit être renforcée. Un pourcentage élevé de produits agricoles doit être produit à l’intérieur du pays afin d’assurer la sécurité. Une politique agricole telle que l’exige l’OMC est en contradiction flagrante avec les déclarations de Dahinden.
Le directeur de la DDC a répondu à la suggestion de faire mieux connaître l’engagement de la Suisse que le travail de la DDC faisait rarement la une des journaux. Cela s’ex­plique d’une part par la manière typique qu’ont les Suisses de ne pas trop se mettre en avant et d’autre part le fait qu’on n’apporte pas de l’aide «à des fins publicitaires» mais qu’«on doit concentrer ses forces là où l’on peut parvenir à quelque chose». Il n’est pas déterminant que «nous puissions entrer dans le pays avec le drapeau suisse et dire: ‹Nous sommes ici.› Nous devons nous fonder sur nos points forts: C’est ça, le caractère suisse.»
La Suisse a d’excellentes connaissances en matière de traitement et d’approvisionnement en eau et c’est là justement que Dahinden voit un grand potentiel qui a pu être complètement exploité lors des secours en Haïti. Le principe d’aide au développement doit toujours consister à transmettre notre savoir-faire aux Etats touchés. C’est ainsi qu’une solution à long terme peut être élaborée. Dahinden confirme que l’engagement de la DDC est profondément ancré dans la population suisse. 35% de la population estiment que la DDC pourrait faire plus et 17% seulement trouvent qu’elle devrait faire moins.

L’aide à l’autonomie

Ce concept détermine par exemple l’action «voucher for seeds» (bons de semences). L’idée était de remettre un bon de semences aux paysans et de discuter, de planifier et de pratiquer avec eux la culture des semences. Ce projet visait 5000 ménages pauvres vivant dans les territoires ruraux et en partie aussi des paysans ayant une situation un peu meilleure. Le but du projet consistait d’une part à améliorer la sécurité alimentaire grâce à une meilleure production d’aliments et de semences et d’autre part à prodiguer des conseils et une formation dans le domaine agricole pour pratiquer une agriculture durable. On a accordé une importance particulière à la formation afin que le projet puisse parvenir à la durabilité souhaitée.

«Le drapeau suisse, symbole de protection et de sécurité»

La directrice du Programme alimentaire mondial Josette Sheeran a souligné l’importance de la Suisse et de son rayonnement dans le concert international. «Je suis venue en Suisse pour manifester mon respect à son peuple et remercier son gouvernement. Je remercie aussi les nombreuses organisations qui nous soutiennent telles que le Comité international de la Croix-rouge (CICR), la Fédération internationale des Sociétés nationales de la Croix-rouge et du Croissant-rouge (FISCC) et beaucoup d’autres organisations non gouvernementales ici en Suisse. Nous tous connaissons le drapeau suisse et nous savons qu’il est un symbole de protection de la population civile et d’actions humanitaires.»
Elle a félicité l’ancien Président du Comité international de la Croix-Rouge Cornelio Sommaruga pour son soutien au Programme alimentaire mondial (PAM) dans des situations critiques. A de nombreuses occasions où le PAM devait travailler dans des terri­toires incertains et dangereux, «la Suisse a pris la conduite des opérations en collaboration avec notre organisation». C’était déjà le cas avant que la Suisse adhère à l’ONU. De plus, elle a souligné la tradition humanitaire «née ici en Suisse, consistant à s’engager chaque jour pour protéger et sauver des vies. A certaines époques, vous y avez tous participé». C’est pourquoi le rôle directeur de la Suisse est si décisif dans ce contexte. Elle a mentionné particulièrement le fait que le gouvernement suisse ait promis son soutien dans la lutte contre la faim et qu’elle soit un des premiers Etats qui ait mis 42 millions de francs à la disposition du PAM. Elle a ainsi apporté une contribution importante au soulagement de la détresse et à l’édification de la sécurité alimentaire. Au cours de son exposé, elle est revenue plusieurs fois sur la Suisse et a rendu hommage à son action dans le domaine de l’aide humanitaire en général et en particulier à son engagement en faveur du PAM. Avec le soutien de la Suisse, on a réussi à améliorer la sécurité alimentaire dans certains pays en développement si bien qu’aujourd’hui ceux-ci peuvent aider d’autres Etats.

«La Suisse s’engage davantage en faveur du respect du droit international humanitaire»

Le fait que la Suisse s’engage davantage dans ce domaine dépend également des priorités que le Département fédéral des Affaires étrangères s’est fixées. D’une part, la sécurité alimentaire doit conduire à plus de sécurité politique et donc à un développement économique positif et d’autre part, le fait de venir en aide aux plus démunis et à ceux qui souffrent dans le monde est une tradition de la Suisse.
«La Suisse s’engage en outre avec fermeté en faveur du respect du droit international humanitaire. Le CICR, que la Suisse soutient annuellement à hauteur de 100 millions de francs, joue ici un rôle important.» Dans ce contexte, la Conseillère fédérale Calmy-Rey a également souligné l’engagement humani­taire, pilier important de la politique extéri­eure suisse: «Les principes d’indépendance, de neutralité, d’impartialité et d’humanité déterminent toutes nos activités dans ce do­maine et la Suisse continue à s’engager activement en faveur du respect de ces principes.»
Le directeur-adjoint de la DDC et coordinateur de l’Aide humanitaire Toni Frisch a évoqué encore une fois l’importance de l’engagement suisse dans le monde. L’intervention en Haïti a montré combien il est important d’agir de manière réfléchie et pondérée et de s’appuyer sur la grande expéri­ence de la Suisse dans ce domaine. Il ne sert à rien de faire quelque chose dans le seul but d’être de la partie. Pour être efficace, l’aide doit toujours s’adapter aux situations réelles. L’équipe envoyée par la Suisse en Haïti était composée de plus de 120 personnes (médecins, personnel soignant, ingénieurs et autres spécialistes) et elles ont réussi à soigner de nombreuses personnes grièvement blessées et à sauver des vies. Haïti dépendra encore longtemps de l’aide de la communauté internationale et ici aussi la Suisse apportera des contributions allant de la reconstruction du pays à la sécurité alimentaire.
Le succès de l’aide humanitaire suisse repose d’une part sur la grande expéri­ence qu’apporte la Suisse et d’autre part sur la confiance que lui manifestent les autres pays. Il est du devoir de la politique de sauvegarder l’héritage suisse grâce à une neutralité rigoureuse et de pérenniser le rôle irremplaçable de notre Etat dans la communauté internationale pour le bien et la protection des hommes partout sur cette planète.    •