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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°45, 14 novembre 2011  >  Le pays qui ne produisait rien [Imprimer]

Le pays qui ne produisait rien

par Benito Perez

La désindustrialisation de la Suisse se poursuit. Les quelque 1100 travailleurs que Novartis a décidé de sacrifier sur ses sites vaudois et bâlois sont principalement actifs dans la production et la recherche. En clair: à terme, la transnationale entend ne conserver en Suisse que son siège et une partie de son administration, histoire de préserver ses seuls intérêts fiscaux et juridiques.
L’absence de politique industrielle en Suisse continue donc de porter ses «fruits». Le secteur ne pèse plus aujourd’hui qu’un cinquième du produit intérieur brut (PIB), soit la moitié de son poids d’il y a trente ans.
Jouets des transnationales, cantons et Confédération ont élevé le laisser-faire et la complaisance au rang de politique économique. On se met en quatre pour plaire fiscalement et réglementairement, sans jamais rien exiger en retour. Aujourd’hui, malgré des taux de rentabilité de 20%, Novartis peut jeter deux sites industriels à la poubelle; tout le monde est navré, mais personne ne bouge. Si ce n’est pour faire des moulinets avec les bras.
Hormis quelques niches à haute valeur ajoutée – dans l’horlogerie notamment –, la Suisse aura donc liquidé en quelques décennies plus d’un siècle et demi de savoir-faire, de compétences, de culture industrielle. Pour l’heure, cette transformation de l’économie nationale paraît s’opérer sans trop de heurts. Le repli sur les activités financières et le dumping fiscal est intervenu dans une époque de croissance des échanges et des inégalités sociales, toutes deux propices au coffre-fort et à la base arrière des spéculateurs que nous sommes devenus.
Ethiquement, cette spécialisation soulève le cœur. Economiquement, on ne lui trouve aucune explication valable. D’autres Etats à salaires élevés, telle l’Allemagne ou les pays nordiques, sont parvenus à conserver un tissu productif de haut vol. La rentabilité affolante de Novartis prouve
– par l’absurde – que l’on peut faire de bonnes affaires en Suisse …
Politiquement, la liquidation du patrimoine industriel est irresponsable. Nombreux sont les pays à avoir payé, un jour ou l’autre, les conséquences d’une spécialisation à outrance de leurs revenus. Les nuages qui s’amoncellent sur la finance internationale et la fin programmée du secret bancaire le rappelleront peut-être bientôt.
En attendant, plus d’un millier de travailleurs vaudois et bâlois paient en anticipé l’avidité des actionnaires de Novartis. Gageons que les offices de placement en feront d’avisés gestionnaires de fortune en quelques mois… Sinon ils auront le temps de méditer sur l’indécence de leurs ex-patrons. Peu après la présentation de résultats faramineux dus à «l’excellente performance» de produits lancés récemment, le groupe a justifié les licenciements par «la pression croissante sur les prix» de ses produits. Dans un pays qui paie, pour cause de lobbying pharmaceutique, ses médicaments deux fois plus cher qu’ailleurs, il fallait oser.    •

Source: Le Courrier du 26/10/11