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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°3, 24 janvier 2011  >  «Je n’en vois pas la nécessité à l’intérieur du pays» [Imprimer]

«Je n’en vois pas la nécessité à l’intérieur du pays»

Spécialiste des questions de sécurité, Karin Keller-Sutter s’exprime au sujet du recours au DRA10, troupe d’élite de l’armée

Interview de Karin Keller-Sutter, présidente de la Conférence des directeurs cantonaux de la police, par Joël Widmer et Matthias Halbeis

Ueli Maurer, ministre de la Défense, a-t-il informé les cantons qu’à l’avenir il avait l’intention de faire appel au DRA10 à l’intérieur du pays?

Il n’y a eu aucune consultation officielle. Je l’ai appris par les médias.

Y a-t-il des possibilités d’intervention à l’intérieur du pays?

Je n’en vois pas. Le DRA10 est une unité de sécurité du Conseil fédéral, créée pour être utilisée en politique étrangère. Ces soldats hautement spécialisés sont formées en vue du sauvetage d’otages, des rapatriements ou d’autres opérations difficiles à l’étranger. En temps de paix, ce sont les cantons qui sont responsables de la sécurité intérieure et non pas l’Armée. Sa mission est une mission d’appui. En outre, nous avons assez d’unités d’intervention dans les cantons.

A votre avis, pour quelle raison Ueli Maurer souhaite-t-il recourir au DRA10 à l’intérieur?

Peut-être est-ce là une manœuvre tactique. C’est permis. Les gens savent qu’il n’est pas partisan des missions à l’étranger. S’il veut faire appel aux troupes à l’intérieur du pays, mais qu’on n’en a pas besoin, cela revient à supprimer de facto cette unité. Il ne faut pas maintenir cette troupe pour apporter un soutien aux cantons. En fin de compte, c’est le Conseil fédéral qui doit décider s’il veut maintenir le DRA10 comme instrument de sécurité en politique étrangère, ce qui serait judicieux.

Quelles unités de l’armée vous paraissent nécessaires à l’intérieur?

L’armée intervient lorsque les ressources ci­viles ne suffisent plus. Mais elle n’a pas de réelles fonctions de police; elle  apporte une aide en matière de logistique, de transports ou de contrôle du trafic.
L’idée est de soulager la police afin qu’elle puisse exercer sa mission fondamentale. En outre, il est également utile que l’armée défende les infrastructures critiques dans des situations exceptionnelles, mais cela ne nécessite pas des unités d’intervention.

Pensez-vous que d’autres unités soient nécessaires pour soutenir les pouvoirs civils dans des situations extraordinaires?

Nous avons besoin de l’aide subsidiaire car l’Armée est la seule réserve de sécurité de la Suisse. Mais pour nous, tous les effectifs de l’Armée sont importants. Le Conseil fédéral veut limiter les effectifs à 80 000 hommes. Nous avons calculé que nous aurions des problèmes d’endurance avec cette réduction dans des circonstances extraordinaires. Au début, on envisageait un effectif de 95 000 hommes.

A quelles situations faites-vous allusion?

Nous pensons à une catastrophe naturelle ou à une panne générale d’électricité. Dans ce cas, il faudrait protéger les infrastructures critiques. Après 96 heures, l’endurance de la police décline peu à peu. Alors, nous avons besoin de l’Armée. C’est la sécurité militaire qui intervient en premier; elle forme les troupes de la milice qui prennent sa place. Si la situation exceptionnelle persiste, il faut des effectifs appropriés.

Vous dites qu’il y a assez de forces spéciales dans les cantons: Est-ce qu’il y en aurait même trop?

Nous devrions mieux coordonner les forces spéciales entre les cantons. Il serait judicieux de le faire par le biais des concordats. En Suisse, il manque environ 1500 policiers. Dans ce contexte de sous-effectif, il appartient à un groupe de travail de notre Conférence d’identifier les synergies.

Il y aurait aussi des synergies avec les gardes-frontières (Cgfr).

La répartition des rôles avec le Cgfr est en chantier. Je suis très insatisfaite de la situation actuelle. Mais je ne dis pas que les gardes-frontières font mal leur travail. A la suite de Schengen, ils ont été déplacés dans la zone arrière. Il en résulte un double emploi avec la police. Ce n’est pas efficace. Il est donc urgent de préciser les choses au plan politique.    •

Source: SonntagsZeitung du 9/1/11 (Traduction HD)

Une armée de 80 000 hommes aura des problèmes d’endurance!

me. La soi-disant «Armée XXI», approuvée par référendum, se compose de 200 000 soldats, dont 120 000 actifs et 80 000 réservistes. Maintenant on voudrait diminuer l’armée à 80 000 soldats. Pourquoi cela n’est-il pas réaliste?
•    Pendant la guerre froide, quand la situation était délicate, l’armée suisse comptait en tout 700 000 soldats. On comprend facilement qu’on n’arrive pas à grand-chose avec 11% de cet effectif, soit 80 000 soldats.
•    Une petite partie de l’armée seulement sont des unités combattantes. A peine un quart fait partie de l’armée de l’air et du personnel au sol, un quart s’occupe de la logistique et du ravitaillement en vivres et munitions, médicaments, etc., un quart se compose d’unités de sauvetage en cas de catastrophes, et ainsi il resterait environ 22 000 soldats comme unité combattante. C’est maigre.
•    La Constitution fédérale exige que l’armée défende le pays et sa population (art. 58 CF). Nous avons droit à la protection et aussi à ce qu’on ne nous fasse pas croire être en sécurité avec une armée réduite à une taille ridicule. La population n’a pas de bunker comme le Conseil fédéral pour se cacher; elle a besoin d’une protection commune pour sa vie et sa base vitale.
•    Même si, en cas de période de tension élévée, il fallait surveiller «seulement» l’infra­structure critique, comme par exemple les barrages, les gares centrales, les aéroports, le Palais fédéral, les cen­trales nuclé­aires, les centrales téléphoniques impor­tantes, les postes d’aiguillage centraux des CFF, la NLFA et le tunnel du Gothard, la ­Banque nationale, les studios de la télé et de la radio, les grandes boulangeries, les ­grandes meuneries, les grands réservoirs, le port du Rhin à Bâle etc., il faudrait beaucoup de personnel.
Le point crucial est l’endurance. Il ne suffit pas qu’on puisse surveiller la gare de Berne à court terme. Il faut le faire de manière prolongée. On a besoin de 120 soldats au moins. Calculez: Il faut relayer les gardes après huit heures, donc il faut 360 soldats pour 24 ­heures. En plus, il faut une réserve de 140 soldats afin qu’une partie, en alternance, puisse prendre congé deux jours par semaine. Après un mois, il faut échanger la troupe entière. Les 500 soldats doivent rentrer dans l’économie et l’on ne peut pas les reconvoquer avant six mois. Pour tenir le coup à la gare de Berne, il faut donc au moins six re­lèves avec 500 soldats, donc 3000 soldats.
On comprend facilement que, lorsqu’on pense à un seul objet par canton (26), aux 4 centrales nucléaires, 8 barrages, 4 grands aéroports, au port du Rhin, à la NLFA, au Gothard et à l’autre infrastructure vitale, il faudrait rapidement surveiller 70 objets en même temps. Cela demanderait un effectif d’armée de 210 000 soldats. Accepter une quantité inférieure de soldats serait se ­voiler la face et cela de façon malhonnête. C’est pourquoi les gens préconisant une armée de 80 000 soldats doivent choisir l’autruche comme animal héraldique.