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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°39, 29 septembre 2008  >  Le diktat allemand sur le bruit des avions, autre forme de soft power dirigée contre la Suisse? [Imprimer]

Le diktat allemand sur le bruit des avions, autre forme de soft power dirigée contre la Suisse?

sl. Quand, le matin, nous sommes réveillés en sursaut par des gros-porteurs, c’est essentiellement par la faute de nos voisins du Nord. Le téléphone de la compagnie zurichoise «Unique», nous informe: «Les conditions météorologiques ne permettant pas pour le moment les atterrissages par le nord sur la piste 34, ils se font, conformément au «règlement allemand», par l’est, sur la piste 28». C’est donc l’Allemagne qui décide en fait des atterrissages et des décollages de l’aéroport zurichois de Kloten. Depuis que le Parlement suisse a refusé, en 2003, de ratifier l’accord entre les deux pays, qui répondait surtout aux intérêts allemands, la situation est devenue inconfortable. L’Office fédéral allemand du transport aérien a adopté une ordonnance, le 4 avril 2003, qui règle unilatéralement les conditions des décollages et des atterrissages de l’aéroport de Zurich-Kloten qui s’effectuent au-dessus du territoire allemand. Elles dépassent de loin celles de l’accord. Les périodes de restriction d’accès au-dessus des territoires d’Allemagne du Sud sont étendues et les autorisations particulières pour les atterrissages par le nord pendant ces périodes sont limitées. Or le maintien des vols impose un bruit considérable aux habitants du territoire suisse à forte densité de population situé au sud et à l’ouest de l’aéroport.
Quand, du côté suisse, pour apporter un certain soulagement aux territoires situés à l’est et au sud, on a envisagé l’«approche coudée par le nord», l’Allemagne a aussitôt riposté en menaçant de prendre «des mesures organisationnelles» et de retirer à la société anonyme suisse Skyguide, dont la Confédération possède 99% des parts, le mandat de sécurisation de l’espace aérien d’Allemagne du Sud. Toutes les offres suisses de négociations en vue d’améliorer la situation ont été refusées, jusqu’à présent, par les Allemands.
Si les politiciens peuvent céder au chantage, il en va autrement de la population suisse qui n’a jamais aimé être gouvernée par des baillis étrangers.
Ci-dessous nous publions la lettre d’un citoyen suisse concerné qui s’adresse à la Chancelière fédérale allemande Angela Merkel. Cette lettre, envoyée les jours précédant sa visite officielle du mois d’avril, témoigne de la droiture d’un citoyen conscient du fait que chez nous c’est le peuple qui est souverain.

Madame la Chancelière fédérale,
Nous nous réjouissons de votre visite officielle en Suisse. Elle nous donne l’occasion de revenir à des relations normales entre le Land de Bade-Wurttemberg et le canton de Zurich, c’est-à-dire entre la République fédérale et la Suisse, relations qui ont été sérieusement envenimées par le conflit sur le bruit des avions.
Les négociations qui durent depuis des années ont été caractérisées, des deux côtés du Rhin, par l’incapacité absolue à trouver un accord. Je me permets donc de relever les faits intrigants suivants:
1.    Dans le canton de Zurich, il existe plus de trente stations de mesure du bruit des avions dont les données peuvent être consultées quotidiennement par tout le monde sur Internet. Entre le 30 avril 2005 et le 1er février 2007, j’ai demandé le relevé des données allemandes correspondantes à MM. Bollacher et Wütz, présidents d’arrondissement du Land de Bade-Wurttemberg, à M. Wolf Liedhegener, du «Referat LR23», à Mme Schwarzelühr-Sutter, députée au Bundestag, aux ministres Rech, Tiefensee et Stolpe, ainsi qu’au chancelier Schröder. Je n’ai reçu que des ré­ponses évasives bien que quelques stations de mesure semblent avoir été installées dans la région de Hohentengen. A mon grand étonnement, j’ai appris que les autorités du Bade du Sud ont refusé de participer à une étude menée par Swiss et Lufthansa sur l’apport économique de l’aéroport de Kloten. La Neue Zürcher Zeitung, dans son édition du 15 mars, publie la lettre d’un lecteur allemand qui révèle que l’atlas officiel allemand du bruit ne fait pas mention de bruit d’avions en Bade du Sud! Tout cela aboutit à une seule conclusion: Les réclamations provenant du Bade du Sud ne reposent pas sur des données irréfutables concernant un bruit correspondant à celui relevé en Suisse. Or des discussions de bon voisinage ne pourront avoir lieu que si l’on échange des données objectives, compa­rables et accessibles à tous.
2.    Les directives de l’Office fédéral allemand de l’environnement donnent les valeurs suivantes:
•    55 décibels pendant la journée et 45 décibels la nuit: gêne considérable;
•    60 décibels pendant la journée et 50 décibels la nuit: des atteintes à la santé sont à craindre;
•    65 décibels pendant la journée et 55 décibels la nuit: on peut s’attendre à des maladies cardio-vasculaires.
Est-ce donc honnête de la part des responsables politiques allemands d’exposer les habitants concernés du canton de Zurich, pendant les heures de repos, à un bruit pouvant atteindre 90 décibels, bruit causé essentiellement par des avions dont la plupart sont allemands et dont le bruit dépasse largement les limites officielles valables dans leur propre pays?
3.    Le Tribunal administratif du Bade-Wurttemberg n’a-t-il pas déclaré que la solution au problème incombait uniquement à la Suisse? Depuis que «l’approche coudée par le nord» ne s’effectue que sur le territoire suisse, qu’elle ne survole aucune centrale nucléaire et qu’elle respecte les distances limites règlementaires par rapport à la frontière, il n’existe plus aucune raison de céder au chantage de quelques hommes politiques allemands désireux de se faire un nom. Le bruit des avions provenant de Kloten qui dépasse 50 décibels ne concerne que 744 habitants en Allemagne du Sud tandis qu’il dérange 210 841 habitants suisses, et cela sur un territoire 21,6 fois plus étendu et un nombre 283,3 fois plus élevé de personnes concernées.
4.    Est-ce honnête de la part du Bade-Wurttemberg d’interdire, pendant les heures sensibles du petit matin et du début de soirée ainsi que les heures nocturnes, leur espace aérien (situé au-dessus d’un territoire beaucoup moins peuplé) aux atterrissages sur Kloten des avions en provenance de Berlin – et cela tout en restant des utilisateurs fréquents et des employés de l’aéroport de Kloten et face à des approches qui concernent des avions dont 60% (plus de 90% entre 6 et 7 heures!) sont allemands? Et alors que la compagnie aérienne allemande Air Berlin s’apprête à faire de Kloten sa principale plate-forme de correspondance et que M. Mayrhofer a menacé, en 2007, de transférer davantage de décollages de Lufthansa de Francfort et Munich à Kloten pour échapper à la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone annoncée par l’UE! Les clients suisses génèrent pourtant, dans la région concernée de l’Allemagne du Sud, un chiffre d’affaires de 440 millions d’euros et 35 000 frontaliers allemands travaillent en Suisse! 936 Allemands travaillent à l’aéroport de Kloten, ce qui veut dire qu’un emploi sur 23 est occupé par un ressortissant allemand. Selon l’EMPA1 (2006), avant la directive allemande déjà, 95% du bruit des avions touchait la population du canton de Zurich. Quel bruit reste-t-il alors pour les Allemands?
Plus de 200 000 Suisses concernés, sans qu’il y ait de leur faute, par le bruit des avions dû à la directive allemande souhaitent revenir à des relations de bon voisinage promouvant l’économie entre le Bade-Wurttemberg et le canton de Zurich. Voilà, Madame la Chancelière, l’espoir que nous lions à votre visite.

En vous remerciant d’avance de l’intérêt que vous porterez à ces lignes, je vous prie de croire, Madame la Chancelière fédérale, à l’expression de mes sentiments respectueux.

Adrian Schoop

1     Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche