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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°8, 1 mars 2010  >  Un moyen détourné de s’attaquer à la vie [Imprimer]

Un moyen détourné de s’attaquer à la vie

Recherche sur l’être humain

A propos de l’ouvrage collectif «Denken – Schreiben – Töten»

par Robert Spaemann

Il aurait mieux valu que ce livre n’ait pas à être écrit. Mais même une société informée qui remet constamment en cause, à travers le débat, l’équilibre des intérêts de ses membres ne saurait renoncer à cer­taines évidences. Non pas que ces évidences ne puissent être justifiées. Dans le milieu fermé des débats philosophiques sur le «fondement ultime», on aborde également les évidences et là Peter Singer devait également remettre en cause le caractère sacré de la vie humaine et contribuer ainsi à l’approfondissement de la réflexion sur le fondement de son caractère sacré, c’est-à-dire son intangibilité. Mais quiconque a compris ce fondement a également compris pourquoi cette condition de l’humanité ne doit pas être remise en cause publiquement. Aristote a écrit: «Celui qui dit que l’on peut tuer sa mère ne mérite pas des arguments mais des coups.»
A juste titre, notre Constitution reconnaît des limites à la liberté d’expression. Mais, à vrai dire, il n’était pas venu à l’idée des pères de la Loi fondamentale, lorsqu’ils ont formulé les droits de l’homme, qu’on pourrait un jour contester publiquement que tous les individus soient des personnes. Ainsi, il ne nous reste plus qu’à relever le défi et à argumenter publiquement, hors des milieux universitaires, en faveur de l’évidence. C’est ce que fait ce livre.
Les auteurs s’opposent selon diverses op­tiques à la transformation de notre société en une closed shop où des personnes décident, en fonction de critères ­qu’elles ont établis elles-mêmes, que d’autres personnes ont le droit de vivre ou non. Le critère, ici, nous dit-on, doit être la présence réelle et non seulement potentielle de la conscience et de la raison. Si l’on accepte ce critère, un être humain qui dort n’est pas une personne et il ne jouit pas du droit absolu de vivre!
Bien sûr, personne ne va attenter à la vie de tous les dormeurs car la plupart de ceux qui ont ici leur mot à dire ont intérêt à se réveiller. Il s’agit cependant de ceux dont la conscience est endormie depuis longtemps et qui n’ont pas encore, n’ont plus ou n’ont jamais eu voix au chapitre. C’est le sentiment de responsabilité à leur égard qui montre si l’invocation de la dignité humaine est davantage qu’une formule vide employée par ceux qui, au nom de leur supériorité rationnelle, ont créé un cartel d’assurance mutuelle sur la vie.    •
(Traduction Horizons et débats)

Source: Till Bastian (Hrsg.) Denken – Schreiben – Töten. Zur neuen «Euthanasie»-Diskussion und
zur Philosophie Peter Singers, Stuttgart, 1990,
ISBN 3-8047-1112-X (p. 7)

Les arguments en faveur de l’euthanasie sont les mêmes aujourd’hui qu’autrefois:

1.    Les animaux que l’on «euthanasie» vont-ils être mieux traités que les humains? Dans le film, on nous montre une souris de laboratoire paralysée que l’on tue «hu­mainement» avant que la pauvre, dans le pire des cas, demande qu’on l’achève.
2.    Mutilations dues à la guerre ou à des accidents. La pitié éprouvée à l’égard de personnes confrontées à des situations extrêmes est utilisée comme argument en faveur de la généralisation de la «mort à la demande».
3.    La situation de personnes incurables est considérée comme inhumaine. Comme on ne peut pas leur «venir en aide» autrement, il convient d’avoir recours à l’euthanasie, solution «humaine». Du point de vue des personnes concernées, on pré­sente la mort comme voulue par elles, comme une «délivrance» (plutôt mourir que subir d’atroces souffrances ou vivre une vie dépourvue de sens»). Du point de vue de ceux qui apportent cette «aide», on la considère comme l’ultime intervention médicale qui délivre la personne dont la vie est «dépourvue de sens», comme la meilleure solution pour elle.
4.    On surestime fortement le rôle du médecin, l’élevant au rang de «prêtre», afin de pouvoir dire, à propos de l’euthanasie, que «la médecine (qui tue) est amour».
5. Pour pouvoir tuer sans demande de la personne, on fait appel à la responsabilité de l’Etat. Des commissions de surveillance deviennent l’exécutif du législatif en question.

Sources: Karl Ludwig Rost, Schöne neue Welt? Sur la fonctionnalisation utilitariste de la vie selon Peter Singer. In: Till Bastian(Hrsg.) Denken–Schreiben–Töten. Zur neuen «Euthanasie»-
Diskussion und zur Philosophie Peter Singers, Stuttgart, 1990, ISBN 3-8047-1112-X