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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°41, 25 octobre 2010  >  Stuttgart 21 – de quoi s’agit-il réellement? [Imprimer]

Stuttgart 21 – de quoi s’agit-il réellement?

Courrier des lecteurs

Comme j’ai grandi à Stuttgart et que je me sens fort liée à la ville de Stuttgart, j’ai bien compris ce qui émouvait les citoyens, confrontés au projet Stuttgart 21, qui implique la démolition partielle de la gare centrale. Dans l’idée de soutenir les citoyens de Stuttgart dans leur opposition à ce projet, j’ai commencé à faire des recherches pour savoir sur quoi portait l’essentiel de la critique et ai acquis la conviction que de nombreuses raisons plaident en faveur de la suspension de la réalisation jusqu’à ce qu’on réponde aux graves objections que la projet a suscité. Pour exprimer cette conviction, j’ai pris le train pour aller à Stuttgart et participer à une manifestation le 19 août.
Il y eut ce jour-là quelques 20 000 mani­festants. La plupart d’entre eux étaient des citoyens de tous les âges et de tous les genres. Divers groupuscules étaient identi­fia­bles à leurs calicots. Il y avait aussi un grand nombre de personnes âgées. L’ambiance était très calme, paisible, aucunement échauffée. Ce qui m’a stupéfaite déjà à ce moment-là, c’était que le nombre de manifestants avait doublé depuis la semaine précédente. Et lors des manifestations contre la guerre en Afghanistan, il y a deux ans, seulement 3000 personnes étaient venues de tout le Bade-Wurtemberg. Comment cela était-il possible?
L’escalade a commencé le 25 août, lorsque la démolition de l’aile nord de la gare fut entreprise, malgré les protestations des citoyens. Dans l’ensemble, cependant, la situation était alors restée encore calme. Mais une aggravation considérable de l’ambiance s’est produite lorsque le projet fut mis en discussion au niveau fédéral. Une grande partie de la population fut indignée par la déclaration de la chancelière Merkel concernant l’«irréversibilité» du projet et par les déclarations sardoniques de certains politiciens fédéraux et régionaux qui suivirent. Combien de fois déjà avons-nous fait l’expérience en Allemagne que des décisions importantes sont imposées sans demander l’avis du peuple? Veut-on délibérément provoquer une esca­lade? J’ai pensé, certes, on peut être d’un avis différent, mais est-il nécessaire de traiter les citoyens de façon aussi méprisante?
Quoi qu’il en soit, le nombre de manifestants qui augmenta à une vitesse énorme de même que les provocations ont éveillé ma méfiance.
Puis il y eut, le 30 septembre, cette manifestation des écoliers. Pourquoi des écoliers? Lorsque j’ai appris qu’elle était prévue à 10 heures du matin, ma méfiance a encore augmenté. Je me suis demandé de quel genre étaient vraiment les événements où nous, les citoyens, étions engagés. Car ceux qui ap­pellent les écoliers à faire une manifestation le matin, veulent élargir le conflit pour que toute la société en soit touchée.
J’ai découvert que la Sozialistische Alternative (SAV), une organisation trotskiste, était à l’origine de cet appel à manifester. Comme on a pu le lire dans les journaux, les écoliers furent appelés par SMS à se rendre dans le parc du château de Stuttgart, à l’écart de l’itinéraire initialement prévue. Dans le parc, des pelleteuses et d’autres engins étaient prêts à abattre 25 arbres. Les «protecteurs du parc» ont contesté toute participation à cette «déviation», mais c’est peu crédible. Ils ont en effet développé un système d’information par SMS bien organisé pour mobiliser les per­sonnes prêtes à intervenir lors d’«alarme rouge» et qui se font alors enchaîner aux pelleteuses et aux arbres.  Il y a actuellement 30 000 de tels «protecteurs du parc». A mon avis, c’est par ce canal que les écoliers ont été instrumentalisés. C’est d’autant plus regret­table qu’il y eut ce jour-là de nombreuses personnes blessées. Une femme témoin des évènements m’a raconté que la police avait pris des mesures selon elle inutilement sé­vères. Les jours suivants, ces incidents furent exploités par la classe politique et il y eut des déclarations irresponsables, comme celles de Cem Özdemir. J’ai de plus en plus clairement réalisé qu’il s’agissait avant tout d’un combat politique et que la question de savoir si le projet de cette nouvelle gare faisait sens ou non n’était pour une partie des manifestants plus qu’un alibi.
Un fait m’a particulièrement déconcertée, c’était une action des «protecteurs du parc»: ils avaient attaché une masse de petits animaux en peluche à un platane dans le parc du château. Il m’a semblé aussi très étrange les «protecteurs du parc» intervinrent avec véhémence pour le sauvetage du pique-prune vivant dans le parc du château en portant plainte contre les chemins de fer. Etant biologiste, je suis très familier des plantes et des scarabées, et je sais qu’ils existent et quelle est leur apparence. Les «protecteurs du parc» deviennent-ils des «ésotériques», c’est ce que nous, les adultes du deuxième et du troisième âge, nous sommes demandé. En tout cas, une conception assez curieuse de la nature et de la protection de la nature y fait son apparition, et les «protecteurs du parc» ne veulent pas de dialogue. Matthias von Herrmann, leur porte-parole, a quitté l’alliance d’action et a retiré sa participation aux entretiens avec Heiner Geissler. Ils ne se sentent donc pas liés à une obligation de maintenir la paix, comme Geiss­ler l’avait exigé.
J’ai dû malheureusement tirer la conclusion de tout cela qu’un mouvement à la base duquel il y avait eu de bonnes intentions des citoyens a été complètement instrumentalisé par tous les côtés. Cela n’a plus rien à voir avec la démocratie. On ne peut que souhaiter à Heiner Geissler qu’il réussisse à entamer un vrai dialogue dans lequel on discutera le pour et le contre du projet et rien que ça.

R.E., nom connu de la rédaction

hd. Il va de soi que de nos jours les jeunes doivent être intégrés au dialogue, ils doivent pouvoir y participer activement et leurs propositions constructives sont les bienvenues. Déjà les petits de trois ans veulent pouvoir décider de ce que leur mère leur prépare pour midi et si elle ne le comprend pas, alors ils ne mangent pas, ils chahutent ou elle chope un coup de pied dans les tibias.
Mais quand des jeunes de 12 à 14 ans sont transportés par autobus aux manifestations, où «leur» enseignant prend la parole, il y a des questions à se poser. Des questions que se posent aussi les habitants de Stuttgart. Ainsi on apprend par exemple que tout le corps d’enseignants d’une école s’est prononcé contre l’abus de leurs élèves qu’on voulait faire participer à la manifestation agencée à 10 heures du matin le 30 septembre. Un des col­lègues s’est moqué de cette décision et a disparu avec «ses» classes … Entre temps il y aurait déjà des jeunes Belges de 12 à 14 ans qui s’intéressent aux arbres du parc du château de Stuttgart.
Comme contemporain on en a lentement assez d’être à tout moment dérangé dans ses tâches de la vie réelle par de grandes manifestations sauvages avec le vacarme qui les accompagne. La question reste posée: De quoi s’agit-il réellement? De la protection des monuments? Depuis quand cela intéresse nos jeunes de 12 ans? D’une couche de terre où il y a des problèmes avec l’eau? Cela, on ne l’apprend que maintenant suite aux négociations dirigées par Heiner Geissler. (Heureusement qu’Ulrich Schmid en parle de manière solide et concrète dans la «Neue Zürcher Zeitung» – un exemple, comment l’information peut renforcer le sens civique et l’expertise!)
Et maintenant les nounours attachés aux troncs d’arbres … uniquement un enfantillage? Peut-être – peut-être pas.
En France aussi, la jeunesse est dans les rues, et il y a déjà eu des blessés graves. A-t-on planifié une escalade par étapes comme en 1968? En France aussi, certaines questions se posent: «Jusqu’à présent personne n’a pu expliqué de mani­ère convaincante pourquoi l’on pousse des mineurs à manifester dans la rue pour combattre la réforme des rentes.» («Neue Zürcher Zeitung» du 16 octobre, p. 3) Il y a quelque chose qui se passe, mais rien n’est clair.
Peut-être qu’on devrait demander dans les cieux des dieux si Mao n’est toujours pas parvenu à se mettre d’accord avec Trotski, Marx et Gramsci à l’heure du thé dans la VIP-Lounge. Mais d’où viennent alors les nounours? Est-ce que les messieurs dans les cieux des empereurs se sont-ils permis une blague? Les leaders de l’écologie des profondeurs n’y sont pas encore représentés, car ils ont encore leurs tâches à accomplir ici-bas. Cela donnerait un sens aux nounours: si l’archétype Gaia gagnait le pouvoir et détrônait Wotan chez les Germains – en allant d’une certaine manière de l’être à l’étant.
Ne devrait-on pas lire le livre de Jean-Pierre Rufin intitulé «Le parfum d’Adam», d’abord lire soigneusement la postface, puis rendre visite dans le livre au professeur Fritsche et prêter une l’oreille attentive au vieux Monsieur qui habite au bord du lac Léman? Ou serait-ce plus facile d’interroger Daniel Cohn-Bendit pour savoir qui faisait partie des étudiants de Fritsche-Arne-Naess qui ont été formé en Autriche entre 1963 et 1965 et qui se sont plus tard répartis sur différents continents? Pendant son séjour aux Etats-Unis, il a certainement appris un tas de choses à ce sujet. Nous lui serions très reconnaissants car entre temps nous pourrions faire notre travail quotidien sérieusement et veiller à ce que le petit de trois ans apprenne à se comporter de manière civilisée. Et qu’il ne laisse pas traîner dehors son nounours dans l’humidité et le froid des nuits d’octobre …