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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  Nº36, 3 septembre 2012  >  Europe: Aspirer au statut d’observateur auprès du Mouvement des pays non-alignés [Imprimer]

Europe: Aspirer au statut d’observateur auprès du Mouvement des pays non-alignés

«Pour l’Occident, le temps est venu de reconsidérer son hostilité envers le Mouvement des pays non-alignés»

par Kaveh Afrasiabi

Le sommet très médiatisé du Mouvement des pays non-alignés (MNA) qui aura lieu la semaine prochaine à Téhéran – mouvement qui rassemble des douzaines de chef d’Etats de Pays en voie de développement, comprenant le président égyptien Mohamed Morsi et le Premier ministre indien Manmohan Singh, ainsi que le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon – élira pour trois ans l’Iran comme nouveau président de ce Mouvement, augmentant ainsi le rayonnement régional et international de Téhéran.  
Téhéran souhaite saisir cette opportunité pour neutraliser une isolation imposée par l’Occident à cause de ses travaux dans le nucléaire et ainsi défendre son programme, qui a toujours été soutenu dans le passé à l’occasion des sommets des pays non-alignés ainsi que par les mêmes pays membres de l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA). En parallèle avec ce sommet à Téhéran doit se tenir une nouvelle réunion de l’IAEA à Vienne qui permet d’espérer une plus grande transparence dans le domaine du nucléaire par l’Iran.
Malheureusement, les Etats-Unis et d’autres pays occidentaux ont adopté une approche purement négative face à ce sommet à Téhéran, allant jusqu’à demander avec insistance à M. Ban de boycotter ce meeting prétextant que le pays d’accueil a une attitude de défi eu égard aux résolutions de l’ONU concernant cette question du nucléaire. Le secrétaire général doit au contraire être loué pour son indépendance de jugement en décidant d’aller à Téhéran. Après tout, il y a 120 membres des MNA à l’Assemblée générale de l’ONU, et des dirigeants de l’ONU ont régulièrement participé à ces sommets.
Bien que ce sommet de Téhéran ait été ridiculisé comme une «absurdité bachique», elle aura probablement des implications importantes, en particulier pour la paix régionale et la stabilité. De façon significative, Singh et le président du Pakistan Asif Ali Zardari ont précisé leur intention de se rencontrer en marge de ce sommet pour discuter d’issues bilatérales. Bien que par suite des événements en Syrie le président Bashar al-Assad ne pourra probablement pas y participer, la crise en Syrie sera sur l’agenda et peut déboucher dans une nouvelle médiation des MNA pour accompagner les efforts à la fois des Nations Unies et de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI).
A une conférence récente de l’OCI à la Mecque, Morsi a proposé de former un groupe de contact sur la Syrie, comprenant l’Iran, l’Egypte, la Turquie et l’Arabie saoudite. Cette idée pourrait obtenir l’accord des MNA et ainsi démontrer comment un nouveau Moyen-Orient peut prendre en main sa destinée après le printemps arabe.
La décision de Morsi d’aller à Téhéran annonce un rapprochement des relations Iran–Egypte et pourrait être le présage d’une normalisation diplomatique entre les deux pays améliorant ainsi fortement la stabilité de cette région.
En tenant compte des négociations nucléaires bloquées entre l’Iran et les membres permanant du Conseil de sécurité de l’ONU plus l’Allemagne (P5+1), le sommet de Téhéran devrait conduire à un résultat positif.
Comme la position du MNA souligne le renforcement du support international pour le droit de l’Iran d’enrichir l’uranium à des fins pacifiques, les Etats-Unis et ses alliés seront sous pression pour abandonner leur insistance à exiger un arrêt complet des efforts d’enrichissement de l’Iran et prendre une approche plus souple qui aidera à sortir de l’impasse sur ce sujet.
L’offre occidentale de fournir du matériel nucléaire et des pièces détachées ­d’avions en contrepartie d’un Téhéran stoppant ses activités d’enrichissement a été considérée comme «mesquine» par l’International Crisis Group. Il est clair qu’une diplomatie unidimensionnelle et contraignante ne peut pas donner de résultats positifs sur ce sujet – et qu’une approche diplomatique occidentale envers l’Iran à besoin d’être plus souple et plus prudente.
Une attitude plus pratique pourrait beaucoup aider. La Chine et la Russie ont toutes deux un statut d’observateur auprès du MNA. Ainsi, pourquoi les Etats-Unis et l‘Union européenne n’ont-ils pas voulu les rejoindre en demandant eux aussi un statut d’observateur ? Le but de ce mouvement et ses aspirations ne devraient pas présenter un  obstacle à cela ; après tout, les Etats-Unis envoient des observateurs aux réunions de l’OCI qui habituellement condamnent Israël.
Le temps est venu pour l’Occident de reconsidérer son hostilité vers le MNA. Une petite branche d’olivier serait  de cette façon tendue si les Etats-Unis et l’UE demandaient un statut d’observateur. Et ainsi la division profonde Nord-Sud pourrait commencer à se refermer.     •

Kaveh Afrasiabi est un ancien professeur de sciences politiques à l’Université de Téhéran et ancien conseiller de l’équipe chargée des négociations concernant les questions nucléaires iraniennes.

Source: International Herald Tribune, 24/8/12

(Traduction Horizons et débats)