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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°13, 31 mars 2008  >  Cinq ans de guerre et d’occupation en Irak [Imprimer]

Cinq ans de guerre et d’occupation en Irak

Débat public avec les juristes Karen Parker et Alfred de Zayas pendant la session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU

thk. A l’occasion du 5e anniversaire de l’agression des USA et de l’UK contre l’Irak, l’organisation non gouvernementale (ONG) International Education Development par ensemble avec l’Association internationale des avocats démocratiques (AIAD), l’Association of Humanitarian Lawyers et d’autres organisations de la société civile, a organisé un débat public dans la salle XXIII du Palais des Nations à Genève, vis-à-vis de la salle d’assemblée du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Environs 40 personnes sont venues et ont discuté de la responsabilité du monde envers les victimes irakiennes.
Karen Parker, avocate aux Etats-Unis et experte en droit international a parlé des conséquences de l’invasion des USA et de l’occupation de l’Irak, surtout de la catastrophe humanitaire et des pertes énormes de vies humaines dues à la guerre. L’utilisation d’armes chimiques, au phosphore et à l’uranium appauvri a contaminé le pays pour une durée illimitée. Le taux d’enfants morts est de 150 % plus élevé qu’en 1980, le nombre de bébés nés mal formés et de déformations génétiques a augmenté énormément. Un film sur la terreur de la destruction américaine à Falloudja en octobre/novembre 2004 a été montré. Dans des interviews, un soldat américain et plusieurs journalistes italiens ont parlé des souffrances presque inimaginables de la population civile. Plusieurs rapports de l’ONU étaient à disposition, entre autres le rapport d’un expert de l’ONU, Sik Yuen sur les armes de destruction massive (E/CN.4/Sub.2/2003/35).
Karen Parker a démontré pourquoi l’utilisation d’armes à l’uranium appauvri et de bombes à sous-munitions était un crime de guerre et pourquoi l’utilisation de ces armes allait à l’encontre de toutes les conventions. Elle a nommé quatre points importants: L’utilisation ne peut pas être limitée géographiquement et la munition à l’uranium appauvri n’est, de par sa période de demi-vie de 4,5 milliards d’années, pas limitée dans le temps aux événements de la guerre et irradie les hommes et la nature pour un temps illimité. De même, les bombes à sous-munitions peuvent encore tuer et mutiler des hommes après des décennies. Les munitions à l’uranium appauvri et à sous-munitions ne sont pas discriminatoires, c’est-à-dire elles ne distinguent pas entre civils et combattants. Les graves conséquences humanitaires de ces munitions ne sont en aucune manière appropriées aux objectifs militaires légitimes. La munition à l’uranium appauvri et la munition à sous-munitions laissent derrière elles des blessures atroces et des souffrances inutiles. Pour ces raisons, les bombes à sous-munitions et surtout la munition à l’uranium appauvri sont illégales au plus haut degré et leur utilisation est un crime de guerre.
Alfred de Zayas, spécialiste américain en droit international et ancien haut fonctionnaire de l’ONU a attiré l’attention sur les normes du droit international qui devraient déterminer la situation en Irak. D’abord il faut souligner que la guerre a eu lieu à l’encontre du droit international (comme l’ancien secrétaire général de l’ONU Kofi Annan l’a constaté plusieurs fois) et l’occupation est donc également illégale, par conséquent le gouvernement actuel n’a pas de légitimité démocratique. De plus l’attaque US-UK représente un crime d’agression dans le sens de la résolution 3314 de l’Assemblée générale de l’ONU. Le professeur de Zayas cite la Convention (IV) de la Haye et la Convention (IV) de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre. Il faut souligner que ces conventions offrent une protection supplémentaire aux victimes. Au-delà, tous les hommes ont droit à la protection des normes générales du droit international – entre autres au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 6, le droit à la vie) et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (article 12, le droit à la santé).
De nouvelles armes telles que les armes à l’uranium appauvri, utilisées par tonnes en Irak par les Alliés sont sans aucun doute illégales et leur utilisation représente un crime contre l’humanité, d’où résulte une responsabilité personnelle des soldats et des politiciens. Dans ce contexte, de Zayas s’est référé au Statut de Rome et à la fondation de la Cour pénale internationale (International Criminal Court ICC). Les Etats-Unis ont bien essayé d’empêcher le jugement de leur propres crimes par l’ICC avec des accords bilatéraux, ce qui ne pouvait bien sûr pas réussir sur le plan juridique, car de tels accords bilatéraux enfreignent une série d’autres accords et sont à l’encontre du mot et de l’esprit du Statut de Rome (voir l’article 18 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).
L’utilisation d’armes à l’uranium appauvri en Irak et en Afghanistan représente sans aucun doute un crime de guerre (art. 8 du Statut de Rome) et des crimes contre l’humanité (art. 7). D’après les jugements du Tribunal pénal international pour l’Ex-Yougoslavie et de la Cour pénale internationale (La Bosnie contre la Serbie) plusieurs massacres en Irak et en Afghanistan peuvent même être sanctionnés selon l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Il est décisif que les médias publient plus d’informations sur l’Irak et l’Afghanistan et que la société civile en tire les conséquences justes. Cela ne doit plus être du «business as usual» quand les gens en Irak et en Afghanistan continuent d’être massacrés. En nous taisant, nous nous rendons complices.
Karen Parker a clos la discussion avec l’appel à se montrer solidaire avec les peuples irakien et afghan. Nous devons exiger de nos gouvernements, élus démocratiquement, que les massacres et l’occupation de ces pays prennent fin. Il est triste que malgré des manifestations honnêtes contre la guerre dans des centaines de villes dans le monde, les leaders «démocratiques» des Etats-Unis et de Grande Bretagne soient partis en guerre pour apporter la mort et la destruction. Et tout cela seulement à cause des intérêts géopolitiques et de la politique énergétique.
Diverses voix du public se sont montrées solidaires avec les peuples éprouvés de l’Afghanistan et de l’Irak. C’était clair pour tout le monde qu’il faut entreprendre quelque chose et que la société civile joue un rôle important. Dans les démocraties occidentales ce sont les gens qui élisent leur gouvernement. C’est donc aux électeurs qu’incombe d’amener les gouvernements à réviser leur façon de penser ou bien de les destituer.    •