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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°8, 25 février 2013  >  Au XVIIIe siècle déjà, les Américains ont parlé du modèle suisse en termes élogieux [Imprimer]

Au XVIIIe siècle déjà, les Américains ont parlé du modèle suisse en termes élogieux

Reconnaissance de la neutralité armée et du fédéralisme

ts. En dépit de ce que certains historiens de la 5e colonne, guidés par leurs idéologies, af­firment, la Suisse sous l’Ancien Régime, donc au XVIIIe siècle, était en effet un «Sonderfall» au sein des Etats européens. Les témoignages datant de cette époque abondent, malgré une historiographie d’alors, empressée à plaire aux Etats autoritaires, étaient hier comme aujourd’hui très critiques face à cette situation: à l’époque déjà, il était très mal vu qu’existe une entité étatique organisée selon la conception républicaine dont les habitants s’opposaient aux outrances de la féodalité absolutiste. Il n’est cependant pas étonnant qu’il y eut aussi des voix positives, quant à ce cas particulier situé au cœur de l’Europe, vu l’époque qui aspirait à davantage de libertés pour les citoyens.

Les XVIIe et le XVIIIe siècles furent la scène, sur laquelle on assista à l’épanouissement de l’image personnaliste de l’homme qui, basée sur les acquis de l’Ecole de Salamanque fondée sur le droit naturel, et sur les synthèses des grands esprits du siècle des Lumières tels John Locke, Montesquieu, Rousseau et autres, attribuant aux êtres humains une dignité innée et définissant comme acquis suprême de l’homme sa liberté personnelle, mais toujours en combinaison avec le Bonum commune. Tandis qu’en Europe ce débat restait au début réservés aux milieux académiques, avant de créer, lors de la Révolution française, une réalité sanglante, les idées se concrétisèrent dans les rangs des émigrés de l’Europe absolutiste: les colonisateurs de l’Amérique du Nord.

Les «Federalist Papers» se réfèrent à la Suisse

Là, les débats pour trouver la meilleure structure possible pour le nouvel Etat, intégrèrent l’analyse du modèle suisse du XVIIIe siècle avec beaucoup d’admiration. Ainsi, le discours mené dans les fameux «Federalist Papers» se réfère plusieurs fois au modèle suisse. Bien que James Madison, qui devint plus tard le quatrième président des Etats-Unis, reprocha à la Suisse d’être construite de manière trop fédéraliste, qu’il lui faudrait davantage de centralisme à l’instar de ce qu’il se souhaitait pour les Etats-Unis, ses adversaires, les «Anti-Federalists», vantaient la Suisse comme étant leur grand modèle, précisément à cause de son système décentralisé, fédéraliste, construit du bas vers le haut. Il faut pourtant noter dans ce contexte, que le terme américain de «Federalism» désigne précisément le contraire du terme allemand, ce qui veut dire qu’un «Federalist» américain veut un Etat fédéral fort, en mettant l’accent surtout sur le composant de la «fédération», donc un pouvoir central fort, tandis que le terme allemand de «Föderalismus» contient un pouvoir central faible et une grande autonomie des membres confédérés, les «foederati».

Recours aux armes pour défendre ses biens

Les «antifédéralistes», dirigés par George Mason, l’auteur de la fameuse «Virginia Declaration of Rights» citèrent dans leurs revendications à plusieurs reprises la Suisse comme exemple. Mason reconnut au sein de la Confédération helvétique l’esprit républicain auquel il aspirait. Cet esprit se retrouvait dans la motivation du citoyen de défendre ses biens avec l’arme à la main, mais tout en refusant d’aller se battre pour les intérêts d’un Etat autoritaire de nobles. C’est ainsi que la Suisse put survivre au milieu de grands Etats belliqueux. Selon Mason, c’est cet esprit qui devrait prévaloir aux Etats-Unis. Face au moloch militaire actuel des Etats-Unis, de telles paroles semblent bien loin de la réalité, néanmoins cette tradition existe bel et bien aux Etats-Unis aujourd’hui encore.

«Il ne faut pas de président puissant – l’armée n’est point coûteuse»

Les citoyens américains d’antan, citoyens d’un «petit» pays avec quelques millions d’habitants, étaient parfaitement conscients que les petits Etats avaient besoin d’une armée de milice capable, s’ils voulaient défier les grandes puissances. Aujourd’hui encore, il y a dans différents Etats fédéraux des Etats-Unis des groupes de citoyens voulant retourner aux espaces réduits ou aspirant même à une construction plus fédéraliste des Etats-Unis, qui permettrait d’abolir la Federal Reserve Board (FED), la banque centrale privée des Etats-Unis, et de rappeler l’armée à l’intérieur du pays. Car là où un grand Etat centralisé et une armée de métier font défaut, une armée interventionniste est obsolète. Voilà ce que l’histoire nous a appris: les armées permanentes sont en soi une menace pour la paix, tandis que les armées de milice, composées de citoyens en uniforme, détestent les guerres. Cela est le cas des petits Etats, au contraire des grands Etats centralisés.
A part ces louanges pour la Suisse dans les débats constitutionnels américains – expliquant que la Suisse trouvait sa cohérence grâce à un ordre libéral et pas grâce à un fort pouvoir central – on cita aussi des exemples: on mit en exergue que l’agriculteur suisse était dans son caractère différent de l’agriculteur français. En outre, on précisa qu’il ne fallait pas de président puissant ou que l’armée n’était point coûteuse – car elle était organisée selon le principe de milice. Voilà des paroles qui méritent d’être prises en compte dans le débat actuel sur l’armée de milice en Suisse et ailleurs.

Les mensonges des déconstructivistes sont démasqués

Soyons conscients que ces louanges s’adressaient à une Confédération qui se trouvait encore sous l’Ancien Régime! Que cela soit dit une bonne fois pour toutes à tous ceux qui ont participé au «Swiss-Bashing» [critiques acerbes contre tout ce que la Suisse fait et représente, ndt.] de ces 20 dernières années – et nous parlons ici des activistes à l’intérieur du pays –, ces déconstructivistes et falsificateurs de l’histoire qui remettent tout en question, sauf leur propre conception idéologique du monde.
Même la Suisse d’antan, dont personne ne prône le retour, puisque les rapports de sujétion étaient maintenus et l’égalité juridique actuelle n’existait pas, même cette Suisse d’avant nos temps modernes était reconnue dans le monde: justement parce que – comme le décrit l’historien René Roca dans son récent ouvrage de recherche (cf. Horizons et débats no 4 du 28/1/13) – les fondements coopératifs avec leur conception personnaliste de l’homme et liés aux pensées fondamentales ancrées dans le droit naturel du siècle des Lumières, comprenaient déjà in nuce la Confédération suisse moderne.
Les râleurs éternels contre la Suisse, doivent accepter qu’on leur demande ce qui en est de leur ouverture envers le monde, ou plutôt de leur étroitesse d’esprit, s’ils peuvent s’abstenir de mettre sous le tapis toutes les voix venant de l’étranger.     •

Churchill au sujet de la neutralité suisse

«J’écris cela pour mémoire. De tous les pays neutres, la Suisse mérite une distinction particulière. Elle a été la seule force internationale à avoir fait le lien entre des nations hideusement désunies et nous-mêmes. Qu’importe si elle n’a pas été en mesure de nous accorder les avantages commerciaux que nous souhaitions ou si elle en a accordé trop aux Allemands afin d’assurer sa survie? C’était un Etat démocratique qui défendait sa liberté, retranché dans ses montagnes, et qui, en pensée, était largement de notre côté.»

(Winston Churchill, cité dans Codevilla, Angelo M.: «La Suisse, la guerre, les fonds en déshérence et la politique américaine», Slatkine 2001, p. 30)

Dwight D. Eisenhower, président américain, au sujet de la neutralité en 1956:
«Décider de ne pas se rapprocher d’alliances militaires, me semble sensé et même sage.» (cit. d'après Widmer, p. 75)