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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°39, 11 octobre 2010  >  Lorsque les citoyens agissent en commun, ils peuvent atteindre beaucoup de choses [Imprimer]

Lorsque les citoyens agissent en commun, ils peuvent atteindre beaucoup de choses

L’exemple du vote populaire de Hambourg

par Burga Buddensiek

hd. Le compte rendu suivant sur les pétitions de citoyens et referendums nous montre ce que des citoyens, ensemble et sur un pied d’égalité, peuvent atteindre dans le domaine politique.
Depuis l’introduction de la législation populaire (Volksgesetzgebung) (en 1996 pour le Land et en 1998 pour les districts), cinq votes populaires ont déjà eu lieu à l’échelle du Land et 76 pétitions de citoyens dans les sept districts de Hambourg – c’est plus que dans tous les autres Länder. Tandis que les pétitions de citoyens sur le plan des districts traitaient surtout des thèmes comme la protection de l’environnement, des projets de construction, la circulation, la culture et les affaires sociales, trois des cinq initiatives à l’échelle du Land ont eu pour thème l’élargissement des droits civiques démocratiques. Ainsi, les Hambourgeois ont obtenu des possibilités d’influence plus étendues lors des élections dans les districts et les municipalités, avec une loi électorale plus démocratique. Les conditions pour les votes populaires ont été améliorées et leur fiabilité (depuis 2009) pour le gouvernement a été inscrite dans la constitution du Land.
Manfred Schult est quelqu’un qui a reconnu et utilisé l’instrument de la pétition de citoyens dès son introduction comme un moyen de participer. Il a déjà initié avec succès cinq pétitions de citoyens dans son district, c’est-à-dire dans le quartier de Volksdorf. C’est dans ce quartier où son père et son grand-père ont vécu et où il s’y connaît que Manfred Schult a passé son enfance. Il remarque qu’une école n’a pas de terrain de sport, et qu’à proximité se trouve un terrain tout à fait adéquat. Alors il réunit l’école, les politiciens et le club de sport autour d’une table pour réaliser le projet. En peu de temps le terrain de sport existe et il est mieux équipé que l’initiateur aurait osé l’espérer, car le club sportif a contribué au financement et il peut l’utiliser en contrepartie.
Ce que Manfred Schult aime le plus, c’est quand un projet qu’il envisage peut être réalisé de façon constructive et sans grande publicité, comme ça a été le cas avec ce terrain de sport. Il préfère appeler en premier lieu l’office du district et demander pourquoi telle chose a été décidée de telle façon et pas autrement, ou bien il attire l’attention de l’administration sur les problèmes des citoyens du district. «Nous sommes en réalité un très grand district avec plus de 400 000 habitants. En Allemagne, seulement quinze grandes villes ont plus d’habitants que nous», explique Schult. «Des parties excentrées de la ville ne sont même pas reliées au réseau ferroviaire régional et sans voiture, il faut presque une journée pour joindre l’administration régionale.» Selon lui, bien des décisions seraient prises dans l’abstrait sans que les responsables se rendent compte des conditions réelles dans les quartiers concernés. Pour cet homme de 56 ans, il est par conséquent clair qu’il faut des citoyens attentifs et responsables pour pousser l’administration de temps en temps. «Je ne suis pas un citoyen récalcitrant, mais je ne me permets d’être parfois un peu gênant si c’est nécessaire.»
«Gênant» veut dire qu’il donne plus de poids à ses suggestions à l’aide d’une pétition de citoyens. Pour lui ce n’est pas particulièrement compliqué. Comme organisateur de la fête de quartier annuelle, il connaît toutes les communautés d’intérêt (CI) et associations. «Je cherche deux personnes avec lesquelles j’enregistre la pétition et nous formulons la question à voter. Ensuite, je donne les listes de signatures aux CI des détaillants qui les exposent dans leurs boutiques, à la CI du marché hebdomadaire qui les mettent sur leurs stands et aux associations sportives. Les 6500 signatures dont nous avons besoin sont vite rassemblées», explique-t-il en routinier. Jusqu’ici, il n’a jamais eu besoin de recourir au référendum (Bürgerentscheid), qui est le deuxième degré de la participation des citoyens à l’échelle du district. Soit les politiciens ont cédé sur toute la ligne après la pétition de citoyens, soit ils se sont montrés pour le moins prêts au dialogue, de sorte que des compromis acceptables ont pu être trouvés.

Manfred Schult veut améliorer les conditions de vie dans son district

Pour améliorer les conditions de vie dans son district, Manfred Schult se sert parfois de ses moyens professionnels. Depuis plus de trente ans, il dirige la rédaction du «Heimatecho» [Echo de la patrie], un journal de publicité qui est distribué gratuitement à tous les ménages du district. Lorsque la ville a prétendu n’avoir plus d’argent pour éclairer un sentier d’environ deux kilomètres, très fréquenté par des écoliers, et qu’on a appris par contre que le nouveau chemin piétonnier de 430 mètres jusqu’à la Philharmonie de l’Elbe coûterait plus de 37 000 Euros, Schult a rédigé un éditorial pour son journal. Comme il connaît le sénateur responsable depuis son enfance, il lui a d’abord faxé l’article. Quinze minutes plus tard, il l’avait au téléphone. L’entretien téléphonique a été couronné de succès: Le lendemain, le sénateur a annoncé solennellement le début immédiat des travaux pour l’éclairage du chemin des écoliers et le rédacteur a publié la bonne nouvelle avec la photo du sénateur au lieu de l’article initial.
Ce n’est pas étonnant que Schult soit désigné par quelques politiciens de la ville comme «le parti le plus petit et le plus effi­cace de la ville de Hambourg».

Le comité d’action de parents: «Nous voulons apprendre»

Même le gouvernement du Land, formé par la CDU et le GAL (les Verts), a dû reconnaître cet été que les citoyens hanséatiques ont bien su utiliser leurs moyens de participation politique. Le comité d’action de parents «Nous voulons apprendre» («Wir wollen lernen») a éveillé beaucoup l’attention dans toute la République. Grâce au succès de son vote populaire, il a opposé un «arrêt» net à la pensée politique de sujets des partis politiques allemands.
L’histoire à succès de cette initiative a commencé lors de l’élection au Conseil municipal (Bürgerschaft) de Hambourg (le parlement de la Ville-Etat) en février 2008. Les CDU, SPD, GAL (les Verts) et Die Linke (la Gauche) étaient entrés au Conseil municipal. La CDU comme le parti le plus fort a vite fait de préférer une alliance avec le GAL au lieu de la grande coalition (CDU/SPD), et début mars, les deux partis ont commencé des négociations de coalition. C’est avec une grande attention que déjà à ce moment-là les parents suivaient les accords concernant la politique de l’école. Car, lors de la campagne électorale, la candidate de pointe du GAL, Christa Goetsch, s’était engagée avec véhémence pour «un apprentissage commun de dix ans de tous les élèves», tandis que le candidat de pointe de la CDU, Ole von Beust, avait promis aux parents hambourgeois le maintien complet des lycées.
L’initiateur de «Nous voulons ap­prendre», l’avocat Walter Scheuerl, s’engageait déjà depuis huit ans dans les conseils de parents des écoles de ses deux enfants, lorsque dans sa fonction de président du conseil de parents d’un lycée, il a reçu fin mars une lettre ouverte de la Société allemande des enseignants de Hambourg (Deut­scher Lehrerverband Hamburg DLH). La lettre attirait l’attention sur les accords de coalition concernant la politique scolaire à venir et priait les conseils de parents des lycées de prendre position. Ce qui se profilait, c’étaient des réformes concernant les lycées qui devaient être réduits au profit d’un apprentissage commun prolongé. Pour Walter Scheuerl il état clair qu’il ne pouvait pas accepter cela, et grâce à son réseau avec les autres parents de la ville, il savait qu’il n’était pas seul.
Le soir du 17 avril 2008, une fois l’accord de coalition entre le GAL et la CDU conclu, il a chargé le fichier sur Internet. Il a constaté avec stupéfaction et colère que la CDU avait rompu sa promesse électorale. A partir du début de l’année scolaire 2010 il n’y aurait, selon la volonté de la nouvelle sénateur des écoles Christa Goetsch, plus que trois catégories d’écoles à Hambourg: 1. l’école primaire avec les classes de un à six, 2. l’école de quartier (Stadtteil­schule) avec les classes sept à treize (la neuvi­ème classe d’école secondaire élémentaire (Hauptschulabschluss), la dixième classe filière intermédiaire entre école secondaire élémentaire et lycée (Realschulabschluss) et la treizième baccalauréat) et 3. le lycée avec les classes sept à douze (baccalauréat). Pour les lycées qui avaient dû accepter peu d’années auparavant le raccourcissement de leur section supérieure de trois à deux ans (11e et 12e classes), tout cela signifiait une autre coupure grave dans leur conception de l’enseignement. Si jusqu’à présent les élèves de beaucoup d’écoles primaires avaient passé après la quatrième dans un lycée au profil choisi par les parents, les professeurs de lycée devraient, selon la volonté des réformistes, aller désormais dans les écoles primaires pour y enseigner ces profils en cinquième et sixi­ème classe.
Mais qu’arriverait-il si deux élèves d’une même classe primaire se décidaient pour un lycée humaniste (le latin comme première langue étrangère), cinq pour un lycée bilingue (par exemple l’anglais comme première langue étrangère ainsi que des cours d’au moins deux matières dans cette langue – éventuellement l’histoire et les sports), trois pour un lycée de sciences naturelles (plus de cours de maths et sciences naturelles), huit pour l’anglais comme première langue étrangère, deux pour le français comme premi­ère langue étrangère et le reste pour un profil artistique (plus de leçons de musique, arts dramatiques et l’allemand)? Diviserait-on la classe en groupuscules (d’où viendrait l’argent)? Est-ce que les possibilités de choisir seraient restreintes parce que les écoles primaires ne pourraient offrir qu’un certain profil? Est-ce que les parents seraient éventuellement forcés de choisir déjà en premi­ère classe la forme d’école que l’enfant fréquenterait plus tard et d’accepter de grandes distances pour que l’enfant puisse suivre les cours dans une école primaire adaptée? Est-ce que de petites écoles primaires (une ou deux classes par année) seraient forcées de fusionner pour pouvoir offrir plus de profils? Ou bien les problèmes seraient-ils résolus en supprimant le droit des parents de choisir? Jusqu’à présent, les parents avaient le droit de décider quelle forme d’école avec quel profil leur enfant devait fréquenter après l’école primaire. Les enseignants pouvaient seulement formuler des recommandations. Afin que les écoles de quartier n’acquièrent pas la réputation d’»Ecole pour les laissés-pour-compte» («Rest-Schulen») parce que la plupart des parents préfèrent la formation dans un lycée pour leurs enfants, le droit de choisir des parents devra être supprimé et le «destin scolaire des enfants» sera décidé uniquement par la conférence des maîtres. Ainsi les offres des profils pourraient être facilement «dirigées».
De toute façon on serait obligé de créer pour beaucoup d’argent des locaux de classes, des locaux spéciaux, des installations spor­tives, des cafétérias dans les écoles pri­maires pour les nouvelles cinquièmes et sixièmes classes, alors que les capacités disponibles dans les lycées seraient inoccupées. De plus, pour ces classes de quatrième à sixi­ème il n’y aurait pas de livres scolaires, pas de pro­grammes scolaires et pas d’enseignants. Le temps de les former, les professeurs de lycée et de secondaire n’auraient pas d’autres possibilités que de se déplacer dans les écoles primaires, en perdant beaucoup de temps, pour y assurer les cours spéciaux.

Walter Scheuerl lance une initiative populaire

Au premier coup d’oeil, ce père de deux élèves au lycée a vu qu’avec cette réforme scolaire beaucoup de forces, de temps et d’argent seraient investis dans l’organisation et le changement des structures. Les vraies tâches des enseignants – une préparation soigneuse des cours, des entretiens avec les élèves et les parents, l’encouragement des élèves faibles – resteraient en marge par manque de temps. Il doutait fort qu’avec tous ces efforts, l’objectif d’une école socialement équitable puisse être atteint et il était sûr qu’il y avait des moyens plus simples de l’atteindre.
En se rasant le lendemain, il a eu l’idée de mobiliser les parents hambourgeois avec une initiative populaire contre ces projets de réformes scolaires et peu après il a envoyé ses premiers soixante-dix courriels dans son réseau de conseils de parents. L’écho a été encourageant. Il a envoyé d’autres courriels, il a parlé avec des parents et les a invités à une réunion dans l’aula de l’école pour fonder une association. Plus de 250 parents sont venus. En mai 2008, l’association «Nous voulons apprendre» a enregistré son initia­tive auprès du Sénat de Hambourg avec pour titre: «Maintien des écoles de classes supérieures dans la forme actuelle à partir de la cinqui­ème classe et droit des parents de choisir à partir de la quatrième classe».
D’amorcer l’initiative populaire n’a pas demandé beaucoup d’efforts, dit Walter Scheuerl en se souvenant. Grâce au grand soutien du début, il a pu s’appuyer sur beaucoup de gens aux compétences impor­tantes: des juristes, des personnes expertes en la matière (enseignants, directeurs d’école) et des personnes qui sont toujours atteignables (par exemple des professions indépendantes qui peuvent disposer de leur temps) pour les contacts à l’extérieur. Lui-même, avec l’assis­tance d’un professionnel, a créé le site Internet de l’association, d’autres ont formulé le premier tract et l’ont imprimé sur leurs ordinateurs. Les listes de signatures ont été diffusées par l’effet boule de neige par des amis et connaissances. Jusqu’à la date li­mite de remise en novembre, 21 000 signatures valables étaient récoltées (10 000 étaient nécessaires). Le Sénat ne s’est pas laisser dérouter et a continué à bricoler la nouvelle loi scolaire, les partis de la municipalité n’ont pas réagi non plus. Dans le meilleur des cas, on disqualifiait l’initiative comme étant celle d’un petit groupe de gens aisés qui se mobilisaient pour défendre les lycées dans les quartiers privilégiés. Ils regretteraient amèrement cette arrogance.

184 500 signatures récoltées

Car «Nous voulons apprendre» a alors mis en route la pétition de citoyens. «C’était vraiment un grand défi logistique», se souvient l’avocat et porte-parole de l’initiative. «Nous devions rassembler en trois semaines 62 000 signatures, ce qui représente trois mille cinq cent signatures par jour, car il y en a toujours qui ne sont pas valables. De plus, nous avons eu très peu d’écho dans les médias et dans le public. Il fallait que ça change!» Jusqu’au début de la récolte de signatures proprement dite, il ne restait que quelques mois de préparation. Ce temps devait être utilisé pour distribuer largement des informations sur les intentions de réforme du Sénat et sur les intentions de l’initiative. De nouveaux tracts ont été créés, maintenant aussi en turc. Avec des tracts pour des dons, des appels et des actions de recherche de fonds, on a essayé de récolter les moyens financiers nécessaires pour des T-shirts, des pins, des affiches, des sandwichs logos, des annonces dans les journaux et des spots à la radio. (Les juristes ont fondé une association de soutien. Ainsi on pouvait éviter de citer publiquement les donateurs pour protéger des donateurs dans les milieux des directeurs d’école, des enseignants, des administrations et des partis.)
«Environ six mois avant le début de la récolte des signatures, nous avons lancé la ‹phase chaude› avec l’appel à une manifestation sur la Place du marché de l’hôtel de ville», raconte cet homme déterminé de 46 ans. «Avec environ 5000 participants bruyants et hauts en couleurs, c’était la manifestation la plus grande que Hambourg ait vu ces dernières années. Cela nous a valu bien sûr la présence des médias.» Entre avril et octobre, deux mille personnes se sont annoncées sur le site pour la récolte des signatures. On a désigné des «parrains de quartier» qui ont coordonné les récoltes dans leurs quartiers, parce qu’ils savent où et quand a lieu le marché, où se trouvent les garderies, les écoles et les rencontres de parents. Les 150 activistes centraux de la pétition de citoyens se rencontraient toutes les semaines pour discuter de la situation. Environ un mois avant le début de l’initiative, un de leurs partisans leur a fourni pour peu d’argent un magasin vide en situation privilégié dans le centre. Ce sera la centrale. Beaucoup de parents connaissent alors l’association et ses buts, et pas seulement par les 1600 affiches distribuées dans toute la ville. Lorsque la récolte des signatures a commencé, Walter Scheuerl sort sa vieille mobylette du garage («comme ça on est plus vite en ville») et visite tous les stands de l’association, car sur les marchés hebdomadaires, dans les supermarchés, dans quelques gares et sur les places centrales les collecteurs sont toujours présents. Il se rend dans les différents quartiers de la ville et discute avec beaucoup de gens différents et il est lui-même assez surpris de la large approbation qu’il trouve partout. Au bout de trois semaines, il apporte plus de soixante-dix classeurs à la mairie – 184 500 signatures!

Les politiciens cherchent à saboter le vote populaire

D’un coup le Sénat s’est réveillé, car là c’était clair que ce n’était pas «quelques gens aisés» qui protestaient. Le maire et la sénateur des écoles les ont invité à négocier et à l’aide de petites concessions, ils ont essayé d’amener les initiants à lâcher du lest. Comme ça n’a pas réussi, les politiques ont engagé comme «médiateur» un entrepreneur connu dans la ville. Mais on ne voulait pas vraiment négocier: Le prestigieux projet «Ecole primaire» n’était pas à disposition. Tous les jours, Walter Scheuerl comme chef des négociations recevait plus de cent courriels qui le confortaient à ne pas «vendre» les objectifs de la pétition de citoyens et de rester ferme. «C’était un grand soutien des citoyens de Hambourg» dit-il encore aujourd’hui. Manfred Schult prenait aussi vivement part et l’encourageait avec plusieurs appels téléphoniques. Cependant, les médias traitaient Scheuerl de «hard­liner», «quelqu’un qui a plus d’un tour dans son sac», ou «qui est avide de se profiler»; les activités bidon du Sénat par contre constituaient d’après eux de «généreuses concessions». Au bout de cinq tours, initiants ont déclaré l’échec des négociations et annoncé le vote populaire, malgré le risque de tomber dans les vacances scolaires hambourgeoises, à cause de la durée des négociations.

Citoyens et citoyennes discutent partout de l’affaire

Mais il se passe quelque chose d’étonnant dans la ville: tandis que le gouvernement et l’opposition (SPD/Die Linke) se réu­nissent pour une alliance d’action «pour la ré­forme sco­laire» (!) et que tous les «représentants du peuple» font bloc derrière les projets de ré­forme, dans les rues, sur les places, dans les écoles et les garderies, dans les familles et entre voisins, le thème de la réforme sco­laire est discuté. Même le plus grand journal régional, le «Hamburger Abendblatt» d’Axel Springer, se décide à publier des repor­tages plus pondérés et mieux informés. Tous les jours paraissent des articles du point de vue des opposants ou des partisans de la ré­forme. Les conséquences sont décrites avec des exemples pratiques; des instituteurs, des parents, des représentants d’élèves, des scienti­fiques de l’éducation et des politiciens peuvent exposer leurs arguments pour et contre de façon exhaustive, des manifestations d’information des deux côtés sont annoncées. Un air de démocratie souffle dans la ville hanséa­tique, bien qu’elle couve dans la chaleur sèche de l’été.
Ce souffle ne peut être chassé par quelques attaques antidémocratiques: Walter Scheuerl porte plainte pour exiger l’application de la loi de la neutralité (Neutralitätsgebot) parce que des parents lui avaient rapporté des tentatives d’agitation du personnel scolaire, ce qui a provoqué une lettre de la direction des écoles à tous les enseignants et directeurs d’école. Ou bien – déjà pendant la phase de vote par correspondance – le maire qui se trouve dans la panade parce que son parti se révolte ouvertement contre la ré­forme, a essayé dans une interview de dire que les initiants étaient des «xéno­phobes». Et finalement, l’avocat a encore dû exiger que des affiches tendancieuses et des banderoles soient ôtées des bâtiments sco­laires qui servent de locaux de vote (là aussi c’étaient des parents qui l’y avaient rendu attentif) – justement en application de la loi de la neutralité. L’acribie et la persévé­rance, mais aussi les efforts de fair-play dans les reportages sont payants: avec une participation de 39,31% (plus que lors de l’élection pour l’Europe [34,7%]), avec une majorité claire de 58 230 (en tout 276 304 ou bien 58%) des voix, les citoyens de Hambourg ont voté contre la réforme scolaire!
A son corps défendant, la politique a dû publiquement enterrer son «Bébé réforme». Mais ce n’est qu’au début de l’année scolaire en août que l’étendue des pots cassés, causés par deux ans d’ignorance de la volonté des citoyens dans les écoles de la ville, est devenue manifeste. La sénateur verte, tout en se méprenant sur la volonté populaire, n’avait pas stoppé la réalisation des projets de ré­forme à l’annonce du vote populaire, mais avait continué jusqu’à la fin de l’année scolaire à pleine vapeur. Ainsi, plusieurs écoles qui avaient travaillé avec succès avec des enfants diffi­ciles (parmi eux des enfants de migrants) ont été dissoutes. De nombreuses écoles pri­maires ont fusionné sous la pression de réforme des autorités («créer des faits»), ce qui paraît maintenant totalement insensé, mais qui ne pourra être annulé qu’après des conférences d’école et des votations de parents. C’est cependant une tâche organisatrice immense, car dans les écoles fusionnées il n’y a plus qu’un directeur d’école, un secrétariat et un corps enseignant. Si des écoles se séparent, le travail de réorganisation exige tellement de travail, de temps et d’efforts, que pour les enfants on peut oublier deux années scolaires, parce que le personnel a été occupé cette dernière année avec la fusion et le sera l’année suivante avec la réorganisation.
Par ailleurs, 23 écoles de la ville se sont annoncées comme soi-disant «Ecoles pionnières» («Starterschulen»). Ce sont des écoles primaires dans lesquelles les enseignants et les parents étaient persuadés de la jus­tesse de la réforme et qui voulaient commencer leur rôle de précurseur en école primaire à partir du mois d’août de cette année. 865 des 14 000 élèves de cinquième sont inscrits dans ces écoles. La sénateur des écoles leur a promis une «protection de confi­ance» (Vertrauensschutz). Les parents exigent maintenant que toutes les mesures de construction soient réalisées dans ces écoles, bien qu’il soit juridiquement clair qu’il n’y aura qu’un seul passage de cinquième en sixième classe. Pour le moment, beaucoup de ces enfants des «Ecoles pionnières» suivent leurs cours dans des conteneurs provisoires et ils devront être intégrés après leur école primaire dans des classes des écoles secondaires qui auront déjà existé depuis deux ans.

La réalisation d’un vote populaire couronné de succès

Au début, la réalisation du résultat du vote populaire s’est avérée difficile. Les politiciens concernés ont bien sûr assuré vouloir réaliser la volonté populaire, mais les premiers échos des autorités scolaires concernant la réorganisation de structures de réforme déjà réalisées, donnaient plutôt l’impression qu’on voulait se ménager une petite porte de sortie. Quelques politiciens se sont disqualifiés en se demandant publiquement s’il ne fallait pas annuler les lois facilitant les votes populaires, et trois citoyens hambourgeois qu’on ne nommera pas, ont fait appel à un avocat de Heidelberg pour contester le vote populaire pour fautes de procédure.
Maintenant, presque deux mois plus tard, la situation semble se calmer: D’après les dernières nouvelles, tous les partis se seraient mis d’accord sur une nouvelle loi scolaire dans laquelle les conséquences du vote populaire seraient entièrement réalisées, et elle devrait être votée en septembre par le Conseil municipal.
Depuis, deux nouveaux votes popu­laires sont en préparation dans la ville hanséa­tique: L’initiative «Notre Hambourg – notre réseau» veut obtenir que les réseaux élec­triques de la ville seront rachetés. Des entreprises de la ville comme «Hambourg Eau», les ser­vices techniques, ou le métro aérien ne doivent pas être vendus sans l’accord des citoyens, c’est le but de l’alliance d’action «La ville nous appartient – pas de privatisation contre la volonté populaire». Les deux initiatives ont déjà franchi le premier obstacle avec succès et ils lancent maintenant leur pétition de citoyens!    •
(Traduction Horizons et débats)