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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°9, 4 mars 2013  >  La Suisse, pays sans accès à la mer et pauvre en ressources, et sa dépendance vis-à-vis des pipelines [Imprimer]

Retenons ceci: le fédéralisme a toujours été une protection contre les empiètements de grandes entités, que ce soit des groupes énergétiques ou des entités politiques telle que l’Union européenne qui, agissant dans les coulisses, favorisent les fusions de communes et de cantons, la création de parcs naturels et de régions métropolitaines.

La Suisse, pays sans accès à la mer et pauvre en ressources, et sa dépendance vis-à-vis des pipelines

Les pipelines européens dans les mains des trusts mondiaux – la mort mystérieuse d’Enrico Mattei

ts. Après la Seconde Guerre mondiale, on a construit en Europe un dense réseau de pipelines. Ayant une vitesse d’écoulement de 3 à 5 km/h, les tuyaux se sont avérés comme la variante la plus efficace du transport de pétrole et de gaz – en outre, le transport était quatre fois moins cher qu’avec les méthodes concurrentes. L’armée américaine était la pionnière de la construction des pipelines qu’elle avait construit en Europe pour l’approvisionnement des troupes, après le 6 juin 1944. Après la fin de la guerre, ils ont servi à l’usage civil.
En 1958, on a construit la Nord-West-Ölleitung (NWO) qui menait du port en eau profonde de Wilhelmshaven à Cologne, Lingen et Gelsenkirchen, fournissant du pétrole aux raffineries de Shell, BP et autres. Et la Norddeutsche Ölleitung (NDO) de Wilhelmshaven à la raffinerie d’Hambourg.
En 1960, le Rotterdam-Rhein-Pipeline (RRP) a été posé qui, sur son parcours à destination de Francfort, approvisionnait en cours de route différentes raffineries en pétrole.

Shell, Esso et BP: meurtre pour éliminer la concurrence?

A partir de 1960, on a construit également des pipelines venant de la Méditerranée, la Südeuropäische Pipeline (SEPL ou PSE), de Marseille à Strasbourg et Karlsruhe. Les constructeurs étaient Shell, BP et Esso. En 1963 a suivi la Rhein-Donau-Leitung (RDO) de Karlsruhe à Munich, qui desservait les raffineries de Karlsruhe, Strasbourg et Ingolstadt près de Munich. Le président de la Société nationale italienne des hydrocarbures (ENI), Enrico Mattei, a essayé d’affronter la dominance des grands trusts des USA et de la Grande-Bretagne – un projet qu’il a payé avec sa vie. Le 27 octobre 1962, il est mort dans une explosion de son avion privé tout près de l’aéroport de Milan. Les médias italiens ont tout de suite accusé les entreprises pétrolières américaines du meurtre. De même, le journal du parti socialiste suisse «Vorwärts» a défendu cette thèse.
Qu’est-ce que Mattei avait planifié de si menaçant? Il avait essayé de devancer le SEPL par un pipeline central-européen (CEL) de Gênes à Munich, et il a ainsi attiré l’opposition de Shell, BP et Esso.
En 1964, Esso, Shell et BP se sont mis d’accord avec l’ENI sur une collaboration concernant le pipeline CEL, ce qui aurait été impensable du vivant de Mattei! Le pipeline CEL de Gênes à Aigle, l’oléoduc du Rhône, a été mis en service en 1963. Pour surmonter les Alpes valaisannes, le tuyau a été posé sous la chaussée du tunnel routier du Grand-Saint-Bernard. Mais la suite de la construction vers Munich a été empêchée par les Bernois, par peur de pertes des revenus de l’entreprise ferroviaire BLS! C’est pourquoi jusqu’aujourd’hui, la fin du CEL se situe à Aigle à la raffinerie Collombey.
En janvier 1966, donc plusieurs années après le SEPL, une nouvelle branche du CEL, l’Oleodotto del Reno, est quand même encore née; cet oléoduc traverse le col du Splügen et la vallée du Rhin saint-galloise jusqu’à Ingolstadt près de Munich.

Inquiétant: presque la moitié du pétrole coule à travers des pipelines en Suisse

Entre 1965 et 1967, Esso, Shell et BP ont construit le TAL, le pipeline transalpin, de Trieste à Ingolstadt à travers les Alpes autrichiennes. Ils ont laissé participer l’ENI au projet. Avec son diamètre de 100 cm, le TAL a été le pipeline le plus puissant en Europe. Une bifurcation du nom d’AWP, Adria-Wien-Pipeline, a mené à la raffinerie de Vienne-Schwechat. Puis en 1972, le monde a vécu l’heure de naissance d’un pipeline de produits pétroliers de Marseille à Genève: sa spécialité était le pompage successif des produits déjà raffinés par le même tuyau, sans que les produits se mélangent. Puis, en 1997, le pipeline CEL n’était plus concurrentiel face au SEPL et au TAL et son activité a été suspendue. Depuis 2009, c’est du gaz naturel qui passe par les tuyaux du CEL!
Mais qu’est-ce que cette situation confuse de pipelines de Marseille, Gênes et Trieste signifiait pour la Suisse et sa sécurité d’approvisionnement? Werner Flachs, délégué pour l’approvisionnement économique du pays, a dû constater qu’une défaillance des pipelines de Marseille, Gênes et Trieste toucherait la Suisse à la moelle! Car en 2010, le pétrole a été transporté de la manière suivante en Suisse: 43% par des pipelines, 24% par le Rhin vers Bâle, 25% par les chemins de fer, 8% par des poids lourds. Un blocage des pipelines toucherait donc presque la moitié des importations suisses en produits pétroliers! Une circonstance qui doit inquiéter tous ceux à qui l’indépendance de la Suisse tient à cœur. (cf. Ganser, p. 131 sqq.)•