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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°6, 14 février 2011  >  L’inflation est-elle de retour? [Imprimer]

L’inflation est-elle de retour?

La politique monétaire des banques centrales est suspecte

par Werner Wüthrich

Trop longtemps les citoyens se sont désintéressés des questions monétaires et du système bancaire. C’est là une des nombreuses causes de la crise financière qui a peu à peu démytifié tout d’abord les directeurs des grandes banques, puis les gouvernements, et maintenant les responsables des banques centrales. Mais les choses ont changé. Non seulement les politiques et les associations, mais également de nombreux citoyens se réunissent, réfléchissent et discutent du système monétaire, officiellement ou dans des cercles privés, comme il convient à une société civile responsable. Et c’est bien ainsi. L’article ci-dessous vise à apporter une contribution au débat.

La plus importante organisation écono­mique de Suisse, economiesuisse, a publié récemment un document intitulé «Kehrt die Inflation zurück?» («L’inflation est-elle de retour?») Ses deux auteurs, de l’Université de Saint-Gall, critiquent la politique actuelle des banques centrales. Nous allons résumer ici les principales thèses de cette étude et les illustrer d’exemples fournis par des événements récents. Les auteurs présentent leur étude sous forme de thèses car la complexité des problèmes ne permet pas d’effectuer des pronostics sûrs.

«Quantitative easing» 1 et 2

Auparavant, on parlait de «planche à billets» que les politiques décidaient, en collaboration avec les banques centrales, de faire fonctionner lorsqu’ils ne savaient plus que faire ou lorsqu’ils menaient une guerre ou en préparaient de nouvelles. Pour dissimuler la réalité, on parle aujourd’hui de «quantitative easing», c’est-à-dire d’«assouplissement quantitatif». Le patron de la FED Ben Bernanke a été le premier à procéder ainsi. En novembre 2008, il annonça le programme QE1. Il acheta alors avec des dollars nouvellement émis des quantités de titres: pour 175 milliards d’emprunts des géants du refinancement hypothécaire Fanny Mae et Freddie Mac (qui jouent tous les deux un rôle central dans la crise américaine de l’immobilier), pour 300 milliards d’emprunts d’Etat américains et pour 1250 milliards de titres hypothécaires problématiques. Cette politique était censée stabiliser le marché de l’immobilier.
Or cet objectif n’a pas été atteint. Les marchés financiers se sont certes un peu calmés, pour diverses raisons, mais le marché de l’immobilier n’est absolument pas assaini.
Il y a quelques semaines, la Banque centrale américaine a annoncé le programme QE 2, de moindre ampleur que le QE 1: Alors que le premier était de 1750 milliards de dollars, le second, de 600 milliards, est à peu près 3 fois moins important.
D’autres banques centrales ont emboîté le pas à la FED. La Bank of England a pratiqué également le «quantitative easing» en rachetant des emprunts d’Etats du gouvernement avec 200 milliards de livres nouvellement créées. Et Londres a déjà annoncé d’autres mesures. Le Japon et la Banque centrale européenne (BCE) procèdent de même. On ne saurait douter que la BCE continuera de faire fonctionner encore davantage la «planche à billets» (ou plutôt son équivalent électronique), en particulier pour racheter des emprunts d’Etat pourris. Le capital propre de la BCE devrait prochainement être doublé au moyen de contributions de ses membres afin de couvrir les pertes futures.

Comment en est-on arrivé là ?

Dans de nombreux pays, la politique des banques centrales s’accompagne de mesures de sauvetage de l’économie et des banques qui atteignent des sommes records et ont augmenté de manière considérable la dette publique. Mais ce n’est pas la seule raison de la situation actuelle. L’énorme endettement actuel est l’aboutissement de montagnes de dettes qui se sont accumulées pendant quatre décennies et qui avaient déjà atteint un niveau inquiétant avant la crise. La dette souveraine des Etats-Unis, p. ex., a presque doublé au cours des cinq dernières années et va dépasser ces jours-ci 14 000 milliards de dollars. Et ce montant ne comprend pas les dettes inquiétantes des communes et des Etats fédérés.

La politique monétaire des banques centrales est-elle réaliste?

Dans la vie ordinaire, chacun doit fournir un travail avant d’être payé. Contrairement à autrefois, les banques centrales procèdent de manière inverse: elles créent à partir de rien de l’argent avec lequel ceux qui le reçoivent peuvent acheter des biens et des services que les autres ne peuvent obtenir qu’en travaillant dur. Est-ce sain? A qui cela profite-t-il? Qui est désavantagé? Quel est l’objectif de cette politique? Ben Bernanke, le patron de la FED, veut relancer l’économie et réduire le chômage avec de l’argent bon marché, créé de toutes pièces. Les banques reçoivent cet argent afin d’accorder des prêts censés permettre la création d’emplois. On espère ainsi ramener le chômage à 5%, taux jugé «normal» alors qu’il est aujourd’hui d’un peu moins de 10%.
Cela va-t-il fonctionner? En 2009, les banques américaines ont accordé 1000 milliards de crédits de plus qu’en 2008. En 2010, la situation était différente. De nombreux Américains ont pris conscience du fait qu’ils ont longtemps vécu au-dessus de leurs moyens. Ils ont commencé à rembourser leurs dettes, ce qui est en soi réjouissant (et devrait continuer pendant de longues années). L’année dernière, ils ont remboursé plus de dettes qu’ils n’en ont contractées. Certains particuliers et certaines entreprises commencent à se débarrasser de leurs dettes. Mais cela ne crée guère d’emplois. Depuis le début de la crise, 7,5 millions d’emplois ont été supprimés et n’ont pas été recréés jusqu’ici.
Selon les dernières statistiques, le chômage se maintient entre 9 et 10%. Si on le mesure selon les méthodes des années 1930, il touche plus de 20% de la population active. Mais aujourd’hui, on ne comptabilise que les demandeurs d’emploi indemnisés par l’assurance-chômage. Qu’est-ce que cela signifie? Des millions d’Américains ne contribuent pas au développement économique du pays bien que la situation se soit un peu améliorée et qu’un petit nombre d’emplois aient été créés. Le taux d’activité – la part des actifs dans la population totale – continue de baisser et n’a jamais été aussi bas qu’aujourd’hui. Le nombre des bénéficiaires de bons alimentaires (Supplemental Nutrition Assistance Program) a atteint 43 millions, un record.

De l’argent créé comme par miracle

Aujourd’hui, les banques peuvent créer des billets de banque en appuyant sur un bouton. Cependant, elles ne peuvent pas vraiment décider de la destination de cet argent. Ces dernières années, les Etats-Unis et d’autres pays ont délocalisé une partie importante de leur production à l’étranger, vers des pays comme la Chine, les Philippines, la Corée, l’Indonésie et également l’Amérique du Sud, où les salaires sont inférieurs. Les «merveilleux» appareils d’Apple sont vendus partout dans le monde parce qu’ils permettent si bien de téléphoner, de jouer, de surfer sur Internet, etc. L’entreprise américaine fait des profits records mais ne crée que peu d’emplois aux Etats-Unis parce que ces appareils sont fabriqués en Asie. Comme le précise la société, ils sont «conçus en Californie et produits en Chine».
Aujourd’hui, d’immenses secteurs économiques seraient nécessaires pour réduire vraiment le chômage. En théorie, les emplois perdus dans l’industrie devraient être compensés par des emplois créés dans les services. Mais est-ce réaliste? Peut-on y offrir des emplois à des millions de chômeurs. On se rend compte de plus en plus que des pro­blèmes structurels comme le taux élevé de chômeurs ne peuvent pas être résolus en faisant fonctionner la planche à billets.

«Argent vagabond»

Qu’advient-il de cet argent nouvellement créé qui ne circule pas ou pas comme il devrait? Il «se promène» et crée de la croissance et de la prospérité dans d’autres parties du monde. Mais est-ce vrai? Les auteurs de l’étude d’economiesuisse parlent dans leurs thèses d’«argent vagabond» qui va avant tout dans les pays où les investisseurs escomptent d’importants profits parce qu’ils sont prospères, qu’ils n’ont pas traversé de crise immobilière et ne sont touchés par la crise financière que de manière marginale.
Il s’agit notamment du Brésil, qui vit une période de prospérité. Pendant le seul mois d’août dernier, 242 000 emplois ont été créés. Les salaires, l’inflation et également les taux d’intérêts augmentent. Les ventes de voitures ont atteint des records. On construit un grand nombre de maisons. Le taux de chômage n’a jamais été aussi bas dans l’histoire du Brésil. A première vue, c’est très réjouissant.
Mais quand on y regarde de plus près, on se met à en douter. L’argent des spéculateurs étrangers stimule artificiellement la croissance et provoque une situation malsaine et fragile. On observe déjà des signes de surchauffe, de boom immobilier et de «bulle immobilière». La hausse des taux d’intérêts pourrait provoquer un effondrement de la conjoncture, avant tout parce que les propriétaires de maisons ne pourront plus payer les intérêts ou que les consommateurs se verront incapables de rembourser les dettes qu’ils ont contractées à la légère. Ce phénomène nous est maintenant très familier. Les Américains, les Espagnols, les Irlandais notamment en savent quelque chose.
A cela s’ajoute le fait que les spéculateurs étrangers reprennent vite leur argent quand l’horizon économique commence à s’assombrir. Il y a dix ans, lors de la crise asiatique, de nombreux pays en ont fait l’expérience. Les fonds spéculatifs étrangers, avant tout, ont causé d’importantes difficultés financières à ces pays lorsqu’ils ont stimulé artificiellement la croissance puis se sont retirés rapidement lorsque leurs attentes ont été déçues.
De nombreux pays asiatiques et surtout des pays d’Amérique du Sud prennent aujourd’hui des mesures pour freiner l’afflux exagéré et dangereux de dollars. Ainsi, la Corée du Sud a déjà promulgué des lois visant à réduire l’afflux de capitaux étrangers. L’Indonésie fait de même. Le Brésil et la Thaïlande ont augmenté les impôts des étrangers qui vendent des titres dans ces pays.

Pourquoi l’inflation est-elle encore à peine visible?

Economiesuisse soulève dans ses thèses une autre question essentielle: Pourquoi le «quantitative easing», c’est-à-dire le doublement, voire le triplement de la masse monétaire dans beaucoup de pays n’ont-ils pas depuis longtemps entraîné une dévaluation?
Les auteurs de l’étude avancent différentes raisons: Tout d’abord, l’expérience a montré qu’il faut 3 à 4 ans pour que les prix augmentent. Certains facteurs accélèrent le phénomène et d’autres le ralentissent: Ainsi l’automatisation progressive de la production freine la hausse des prix. Elle a eu pour résultat qu’en bien des endroits les capacités industrielles ne sont pas pleinement utilisées. Avec l’appareil de production actuel, on pourrait produire davantage. En d’autres termes, l’offre potentielle est plus importante que la demande.
La concurrence globale a le même effet. Par exemple, si le groupe VW voulait augmenter ses prix de 10%, de nombreuses personnes dans le monde entier préféreraient acheter des voitures françaises ou japonaises dont les usines ne tournent pas à plein régime et seraient heureuses de vendre leurs voitures à l’ancien prix.
L’argent nouvellement émis par les banques centrales est certes prêt à créer une demande supplémentaire dans les pays occidentaux touchés par la crise, mais pour le moment le phénomène est peu perceptible. Les Américains, par exemple, consomment moins. Malgré de faibles taux d’intérêts, ils ont commencé à épargner et ils remboursent leurs dettes. L’argent frais cherche une autre utilisation et commence à «vagabonder», comme le montrent les auteurs de l’étude d’economiesuisse. Il sert à acheter des titres et s’investit dans les Bourses des matières premières dont certaines enregistrent de nouveau des records. Ou il s’investit – comme nous l’avons dit – dans les pays d’Asie ou d’Amérique du Sud qui ont été moins touchés par la crise et où les investisseurs étrangers escomptent des rendements élevés.

L’inflation revient

La politique monétaire extrêmement expansive d’aujourd’hui augmente considérablement la masse monétaire en circulation. Cependant l’effet sur les prix se fait sentir avec un retard considérable. «La politique monétaire d’aujourd’hui détermine le taux d’inflation d’après-demain.» (economiesuisse). Certes, les responsables des banques cen­trales affirment que dans les pays occidentaux le renchérissement sera limité et qu’ils seront vigilants, mais ils se gardent de faire des pronostics pour les prochaines années.
Voici un exemple actuel: Le 3 février, le Conseil de la BCE a décidé de poursuivre sa politique monétaire expansive et de maintenir son taux directeur à 1% malgré l’inflation. Son président Jean-Claude Trichet a déclaré qu’il ne voyait là aucun risque pour la stabilité des prix et que la BCE n’avait aucune raison de modifier sa politique monétaire.
Or il n’y a pas uniquement des facteurs qui ralentissent l’apparition de l’inflation: il y en a aussi qui l’accélèrent:
1. Les prix des matières premières, de l’énergie et des denrées alimentaires augmentent considérablement sur les marchés mondiaux. Le pétrole coûte de nouveau 100 dollars, le prix du minerai de fer a presque doublé, ceux du gaz et de l’électricité ont, en Allemagne, augmenté de 25%, ceux des céréales ont augmenté de presque 50% dans les Bourses des matières premières, celui du coton a doublé, etc. Et comme d’habitude, la spéculation renforce la tendance.
2. La Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres pays émergents sont en plein boom. Ils souffrent déjà d’une forte inflation et ont pris des mesures rigoureuses. Ainsi les banques doivent avoir des réserves plus importantes et modérer leurs octrois de crédits. La Banque centrale chinoise a déjà relevé deux fois ses taux directeurs. La Corée du Sud et la Thaïlande ont fait de même. Les pays occidentaux achètent une bonne partie de leurs produits industriels dans les pays d’Asie et d’Amérique du Sud. La surchauffe et l’inflation galopante que subissent ces pays renchérissent les biens que nous importons. Nous nous en rendrons bientôt compte lors de nos achats.
3.Une guerre monétaire se dessine: Tandis que lors de la crise économique mondiale des années 1930, les différents pays protégeaient leur économie au moyen de droits de douane, un phénomène semblable se produit aujourd’hui avec les monnaies. Ainsi les Etats-Unis affaiblissent le dollar en recourant à la planche à billets, si bien que leurs entreprises peuvent offrir leurs produits et services moins chers sur le marché mondial. En même temps, la FED comble avec l’argent frais les «trous» du budget fédéral et déprécie la montagne de dettes accumulée pendant des décennies et devenue impossible à rembourser.
Cette politique ne passe pas inaperçue. D’autres banques centrales imitent les Etats-Unis et anéantissent l’avantage de ces derniers dans le commerce mondial. Ainsi, la BCE, grâce à la planche à billets, remplit les caisses vides des pays en crise, dévalue leur monnaie et leur montagne de dettes. Et d’autres pays, dont le Japon, font de même. Quelles seront les conséquences de cette politique?
La confiance dans les autorités monétaires diminue d’une manière générale. Les auteurs de l’étude d’economiesuisse arrivent à la conclusion qu’une véritable «guerre monétaire» menace de se produire qui va déclencher dans le monde une pléthore de liquidités et très probablement une inflation au plan mondial dont les conséquences pour les populations seront dévastatrices. Des indices sont-ils déjà perceptibles? Qui paiera la note?
Le taux d’inflation est déjà de 3% en Angleterre et de plus de 2% dans la zone euro. La tendance continue cette année bien que les statistiques officielles soient controversées. Un professeur de l’Université de Fribourg-en-Brisgau a calculé l’inflation «ressentie» au moyen d’une méthode qui donne davantage de poids à la hausse des prix des biens de consommation courante. Il a ainsi obtenu pour l’Allemagne un taux presque 3 fois plus élevé que celui des statistiques officielles.
Pour résumer, je renvoie les lecteurs à un article paru dans la «Neue Zürcher Zeitung» du 18/1/11, intitulé «Les souffrances des petites gens – Même une faible inflation réduit de manière considérable le pouvoir d’achat de l’argent à longue échéance». L’auteur renvoie notamment à un calcul de la Bundesbank selon lequel le dollar a perdu, depuis août 1973, date où a été instauré l’ordre monétaire actuel, 86,6% de son pouvoir d’achat.1

Les banques centrales sont-elles tenues en laisse par les politiques?

Les banques centrales pourraient mettre un terme à leur politique monétaire extrêmement expansive. Cela ne poserait pas de problèmes techniques mais coûterait très cher aux Etats surendettés car les intérêts plus élevés grèveraient leur budget et freineraient l’économie. Une augmentation de 1% du taux dans la zone euro entraînerait une augmentation de 70 milliards d’euros de charges d’intérêts. Selon l’étude d’economiesuisse, on peut douter que les banques centrales soient prêtes à résister à la pression politique et économique exercées sur elles par les gouvernements pour qu’elles continuent de pratiquer le «quantitative easing», voire qu’elles l’intensifient. Le plan «Quantitative easing 2» prend fin le 30/6/2011. Tom Hoenig, président de la FED de Kansas City et membre de l’Open Market Committee, s’est opposé ces derniers mois à la politique officielle de la FED. Aujourd’hui, il nous apprend qu’elle envisage de mettre en œuvre un plan «Quantitative easing 3» si la conjoncture économique continue d’être décevante.
Ajoutons un autre facteur: On est frappé par le fait que les plus importantes banques centrales comme la FED, la Bank of England, la BCE, la Bank of Japan et également la BNS coordonnent leurs politiques monétaires. Certes, il existe des différences, mais ces banques synchronisent leurs politiques monétaires sous la houlette de la FED et de son patron Ben Bernanke. Ce dernier a succombé à l’illusion selon laquelle, pour mettre un terme à la crise, il faudrait faire marcher vite et fort la planche à billets. Il se trouve que cette politique ne devrait pas être abandonnée de sitôt. Il n’est donc pas facile pour les autres banques centrales d’adopter une stratégie différente. L’inflation à venir – telle est la conclusion de l’étude d’economiesuisse – sera très probablement globale.

Alors, est-ce si grave?

«A longue échéance, nous serons tous morts». C’est avec cet «argument» que l’économiste des années 1930 John Maynard Keynes répondait aux voix critiques qui affirmaient qu’à long terme, la politique de désendettement financée par le recours à la planche à billets menait à une impasse. A ce sujet, les auteurs de l’étude d’economiesuisse font remarquer pertinemment que «le long terme va pourtant arriver. Et nous ne serons pas tous morts, mais occupés à réviser l’actuelle politique monétaire mondiale.»

Conclusion

Les auteurs de l’étude parviennent à la conclusion suivante:
«Aujourd’hui, les acteurs économiques adaptent beaucoup plus vite que dans les années 1970-1980 leurs anticipations d’inflation aux informations nouvelles. La hausse du taux d’inflation peut par conséquent être plus rapide. Par la suite, les investisseurs veulent voir leurs pertes compensées par des taux d’intérêts plus élevés. La réputation des banques centrales, censées vouloir et pouvoir assurer la stabilité des prix, en souffre et ne fait qu’augmenter les anticipations d’inflation. Il en résulte que les acteurs économiques anticipent des taux d’inflation constamment élevés. La hausse des prix des matières premières se répercute sur l’évolution générale des prix. La spirale prix-salaires, que rien n’annonce actuellement, entraîne des taux d’inflation non seulement plus élevés mais persistants. […] De nombreux indices parlent malheureusement en faveur de ce scénario inflationniste. Par conséquent, une politique monétaire restrictive des banques centrales visant le retour à la stabilité des prix conduirait à une récession mondiale. La réduction de l’énorme excédent de liquidités global va coûter très cher. Plus on attendra, plus graves seront les conséquences pour l’économie globale.»    •

1    www.nzz.ch/finanzen/nachrichten/das_leiden_der_kleinen_leute_1.9130923.html

Les Etats lors de la crise de l’endettement – crise de liquidités et surendettement

ww. Un pays subit une crise de liquidités lorsqu’il passe par des difficultés financi­ères et que sa capacité de paiement n’est plus assurée passagèrement. Dans de telles situations, l’octroi de crédits est tout à fait adéquat. Si l’insolvabilité est patente ou l’endettement excessif, la capacité de paiement du pays est mise en question durablement. Des crédits supplémentaires n’améliorent pas la situation qui, bien au contraire, empire, car un surendettement ne s’élimine pas en contractant davantage de dettes. Dans ce cas, seule l’épargne et un assainissement soigneusement planifié per­mettent de rétablir la situation. Font partie de ces mesures des coupes parfois doulou­reuses et des programmes draconiens, qui peuvent déclencher une véritable crise d’ajustement. La raison en est claire: sur le plan des dépenses publiques figurent des entreprises et des particuliers qui reçoivent ces fonds. si ces dépenses font défaut ou que les impôts sont majorés, les dépenses doivent être ajustées et chacun doit se serrer la ceinture.
Exemples actuels: La Grèce a «gelé» les rentes de ses retraités, réduit les salaires des fonctionnaires et prévu des coupes sombres dans les assurances sociales. La taxe à la valeur ajoutée doit être majorée de deux points de pourcentage. L’Italie et le Portugal ont décidé également de procéder à des coupures. L’Irlande s’apprête à licencier 250 000 fonctionnaires. Des taxes de toutes natures seront majorées et un nouvel impôt foncier sera établi.

Dévalorisation de l’argent

En règle générale, la réduction de l’endettement s’effectue par les voies suivantes: il faut accroître les recettes ou réduire les dépenses ou en interrompre le remboursement. Seul l’Etat a une autre possibilité: Grâce au monopole d’émission de papier-monnaie qu’il exerce par l’intermédiaire de la banque centrale, il peut créer de l’argent et, partant, assurer le service de la dette, ce qui aboutit tôt ou tard à la dévalorisation de la monnaie.
L’inflation est une arme à double tranchant. Si la valeur des dettes diminue, la même évolution frappe l’épargne et les fonds que les citoyens versent aux caisses de pension pendant de nombreuses années. Ce processus exerce les mêmes effets que les impôts sur les citoyens. L’Etat réduit élégamment la valeur de sa dette sans devoir exiger directement la création de nouveaux impôts. L’expérience montre que les gouvernements considèrent une forte dévalorisation de la monnaie comme moyen éprouvé permettant de réduire un endettement massif. Toutefois, cette voie est interdite aux divers membres de l’Union européenne, la BCE étant la seule à pouvoir «imprimer» de la monnaie pour tous.
Aux Etats-Unis, de plus en plus de voix (celle du prix Nobel Paul Krugman, par exemple) retentissent, qui réclament ouvertement une inflation «contrôlée» pour réduire les dettes. Elles parlent de «réflation» comme objectif de la politique monétaire. Cependant, d’aucuns contestent que l’inflation puisse vraiment être contrôlée. De hautes vagues de renchérissement ont toujours exercé des effets catastrophiques jusqu’à maintenant, sur la population tout au moins.

Union de transferts

Une autre possibilité de résoudre une crise de surendettement consiste à effectuer des transferts de fonds. Les membres économiquement les plus forts sont incités à reprendre la charge des autres. Toutefois, cette méthode ne permet pas de résoudre les pro­blèmes des pays faibles, car ceux-ci ne sont pas incités à se planter sur leurs propres jambes. En lieu et place, un système est érigé pour tirer également les forts dans l’abîme. Plus judicieuse semble une aide généreuse accompagnée, lors d’un nouveau début.

Assainissement dans l’ordre

Il reste la possibilité de mettre de l’ordre dans un budget aux dettes excessives en adoptant des mesures d’assainissement et en invitant les créanciers à renoncer à une partie de leurs créances. Ceux-ci devraient accepter de subir une «coupe de cheveux», comme on dit dans le jargon de la branche. Cette voie s’impose si l’épargne à elle seule aboutit à une situation insupportable et ne suffit pas à résoudre le problème.
Une question se pose cependant: lorsqu’une entreprise privée voit son endettement dépasser son patrimoine, son patrimoine dépasser moins que son endettement et la moitié de son capital net ou plus que cette somme, la loi règle exactement comment procéder (en Suisse, article 725 du Code des obligations). Les actionnaires se rencontrent par exemple lors d’une assemblée générale et prennent des mesures d’assainissement. Le cas échéant, ils concluent avec les créanciers une convention qui réduit la charge de la dette et assure ainsi la survie de l’entreprise.
De telles règles font défaut dans le cas d’Etats endettés à l’excès. Il n’est pas fixé non plus avec précision à quel moment le surendettement de l’ Etat survient, ni s’il faut procéder à un assainissement. Il y a cependant des affaires exemplaires ré­centes, dont on peut tirer les leçons, comme la crise de l’endettement dans l’Amé­rique du Sud des années quatre-vingt ou de l’Argentine de 2002.
L’Islande pourrait bénéficier d’un assainissement si la population s’en tient à la décision populaire de ne pas rembourser les dettes anciennes du secteur banque en ligne de la banque en faillite Kaupthing. Au début de 2010, les citoyens islandais avaient refusé ce plan à raison de 93% de Non, bien que le Parlement l’eût adopté. Ces résultats reflètent l’écart considérable qui s’est creusé entre les politiciens et le peuple, et cela non seulement en Islande.
Dans la crise de l’euro, il y a, outre l’inflation envisagée délibérément, voire stimulée volontairement, deux options seulement: une union de transferts ou une consolidation de la dette dans le cadre d’un assainissement dans l’ordre, ce qui constituerait le moindre mal à mon avis.
Sous les pressions de la chancelière allemande, Angela Merkel, le récent sommet de l’UE a décidé d’envisager des mesures d’assainissement des finances publiques, mais de ne les réaliser qu’après 2013, ce que l’économiste des Etats-Unis Nouriel Roubinest considère comme trop tardif.

La dette publique des Etats-Unis

Fin décembre, la dette publique des Etats-Unis a dépassé la marque de 14 billions de dollars! Pour accumuler le dernier billion (1000 milliards), il n’a fallu que sept mois. Fin 2008, elle s’élevait encore à 10 billions de dollars. Au mois de février 2010 le président américain Obama avait augmenté la limite supérieure pour la dette publique à 14,3 billions de dollars, maintenant il doit d’urgence imposer un élargissement de ce cadre. Préalablement, de nombreux députés ont réclamé des mesures d’épargne vigoureuses dont ils font dépendre leur accord. On a déjà pensé à des épargnes intenses dans le secteur de la sécurité sociale et de la santé, un peu aussi dans le secteur de l’armement. Selon un sondage actuel fait par Vanity Fair et CBS, 61% des personnes interrogées étaient, avant toute autre mesure, pour une augmentation des impôts demandés aux riches. Les Républicains s’étaient récemment engagés avec succès pour les réductions fiscales décidées sous George W. Bush, lesquelles facilitent avant tout la vie des riches et des super riches. En deuxième place viennent, avec un grand écart – les revendications de la réduction des dépenses dans le secteur de l’armement. Il n’y en a que 35% qui soutiennent encore la guerre en Afghanistan. La situation financière fatale a aussi saisi maintenant en plein les Etats fédérés et de nombreuses communes. On y a décidé des mesures d’épargne, que nous Européens ne pouvons même pas (encore) imaginer:
A Detroit, la moitié des écoles ont été fermées, ce qui fait monter le nombre d’élèves par classe à 62. Le maire de Detroit veut réduire de 20% les dépenses pour la police et pour l’enlèvement des ordures ménagères. Le maire de New York Michael Bloomberg a fermé 20% des sapeurs-pompiers, et veut procéder à des licen­ciements dans toutes les administrations publiques. Le gouverneur de New York Andrew
Cuomo veut fermer 20% des services de l’Etat. La législative d’Illinois a adopté une hausse des impôts sur les revenus de 66% et elle n’a plus payé ses fonc­tionnaires depuis six mois, a déclaré le ministre des Finances Dan Hynes sur CBS. A Prichard, en Alaska, les retraités ne reçoivent plus de retraites. Le gouverneur de New Jersey a interrompu le paiement des retraites s’élevant à 3,1 milliards de dollars.
•    New Jersey doit quand même remplir une lacune budgétaire de 10 milliards de dollars bien qu’un milliard ait déjà été économisé par des réductions faites dans les écoles et par le licenciement de professeurs.
•    A Newark, les réductions drastiques des dépenses policières ont mené à une augmentation nette du taux de délinquance.
•    La deuxième ville la plus dangereuse aux Etats-Unis, Camden, a licencié la moitié des agents de police à cause des problèmes financiers.
•    En Géorgie, le Clayton County a aboli les services d’autobus publics pour faire des économies s’élevant à 8 millions de dollars.
•    La police d’Oakland ne réagira plus à certains incidents, car sa capacité est réduite après des mesures d’épargne. Parmi les cas auxquels on ne réagira plus, comptent les dégâts faits aux voitures, le vol qualifié et les infractions.
•    L’Arizona ne paie plus les transplantations d’organes pour les personnes assurées dans le programme de santé d’Etat Medicaid. L’Arizona a vendu les bâtiments du Capitole, de la Cour Suprême et de l’administration à cause des nécessités financières.
•    Partout aux Etats-Unis, les dégâts sur le routes asphaltées ne sont plus réparés. Les trous sont remplis par du gravier, ce qui revient moins cher.

Source: Interinfo, février 2011, no 386

Les missions de la Banque nationale suisse selon la Constitution et la Loi

ww. Selon l’article 99 de la Constitution fédérale, la mission principale de la Banque nationale suisse (BNS) est la suivante: «En sa qualité de banque centrale indépendante, la Banque nationale suisse mène une politique monétaire servant les intérêts généraux du pays.» Quant à l’article 5 de la Loi fédérale sur la Banque nationale, il stipule que:

1.    La Banque nationale conduit la poli­tique monétaire dans l’intérêt général du pays. Elle assure la stabilité des prix. Ce faisant, elle tient compte de l’évolution de la conjoncture. […]

La BNS a eu recours à des méthodes peu conventionnelles ces deux derni­ères années. Elle a surtout acheté des quantités excessives d’euros grâce à de l’argent nouvellement créé, avec des résultats douteux. Elle a ainsi presque triplé son bilan parallèlement à la FED et à la BCE – et a pris de grands risques pour elle-même et pour le pays. Cela s’est produit alors que la Suisse est beaucoup moins touchée par la crise de l’endettement que d’autres pays. Les dirigeants de la BNS ont-ils cédé à des pressions extérieures les poussant à adapter de manière synchronisée leur politique à une tendance séduisante mais illusoire?

Des pays de l’UE pillent les retraites de leurs citoyens

UE: Cinq pays de l’UE – la Bulgarie, la Pologne, l’Irlande, la France et la Hongrie – veulent saisir une partie, voire la totalité des plans de retraite complémentaire de leurs citoyens afin de réduire la dette publique.
A Bruxelles, l’écrasante majorité des eurocrates s’attendent à ce que le fonds d’aide de l’UE de 440 milliards d’euros pour les pays en faillite soit au moins doublé d’ici à l’été 2011. En outre, les gouvernements européens, les banques et les entreprises ont besoin, pour leur financement de cette année, de la somme colossale de 2400 milliards d’euros. Le sauvetage de l’euro, s’il est encore possible, coûtera aux contribuables beaucoup plus qu’annoncé. On ne voulait pas les inquiéter.

Source: Interinfo, février 2011, no 386

Une innovation: l’«impérialisme autrichien»

Le parti au pouvoir, le SPÖ, s’offre une organisation de jeunesse dont les représentants s’y connaissent mieux en extrémisme marxiste qu’en démocratie. Le fait que cette attitude n’empêche pas de faire carrière est prouvé par l’exemple de l’ancien président des Jeunes socialistes (JS) Josef Cap ou de l’ancien président des JS de Vienne Werner Faymann, plus précisément de sa «stratège en chef» Laura Rudas. Conformément à la tradition en matière de politique sociale des JS, les représentants de Linz/Römerberg demandent le «droit de séjour pour tous» et «l’abandon de la politique d’asile raciste». Les jeunes espoirs des JS voient la cause de l’afflux de réfugiés de toutes sortes dans le «fonctionnement de l’ordre capitaliste mondial» et dans un «impérialisme autrichien». Aux yeux des JS de Linz/Römerberg, l’impérialisme autrichien apporte sa contribution au maintien de l’ordre capitaliste mondial.

Source: Interinfo, février 2011, no 386