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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°18, 20 mai 2013  >  L’enseignement de la culture générale – préparation à la vie de citoyen responsable [Imprimer]

L’enseignement de la culture générale – préparation à la vie de citoyen responsable

par Marianne Wüthrich, juriste et enseignante retraitée à l’école professionnelle

C’est dans une nouvelle classe de formation professionnelle, d’une durée de deux ans, pour praticien en mécanique avec Attestation fédérale de formation professionnelle (AFP) que je me suis retrouvée face à neuf jeunes gens. Les raisons, pour lesquelles ils préparaient cette formation réduite de deux ans de durée, étaient très diverses. Certains n’avaient – pour des causes diverses – pas réussi à s’approprier des connaissances de base suffisantes au cours de leur scolarité obligatoire. Pour d’autres, les enseignants et les psychologues avaient estimé qu’ils avaient des déficits dans leur développement personnel qui ne leur permettraient pas de poursuivre avec succès la formation professionnelle de trois ou quatre ans jusqu’au Certificat fédéral de capacité (CFC). Pourtant, j’ai dû constater au cours du premier semestre que ce diagnostic n’était pas toujours correct.
Il est d’importance fondamentale que l’enseignant en école professionnelle offre à tout jeune un nouveau départ lui permettant de développer ses aptitudes mentales et sociales. Les apprentis en formation initiale de deux ans possèdent les mêmes aptitudes que tous les autres jeunes. Je ne me laisse pas influencer par les étiquettes que certains jeunes ont reçues tout au long de leur parcours scolaire par les différentes institutions ou personnes avec qui ils ont eu à faire. Je les rencontre sans préjugés et les invite à avancer sur le chemin de l’apprentissage en commun avec les autres élèves et moi-même: «Chacun de vous qui désire apprendre et avancer dans sa vie en a la possibilité. C’est mon devoir en tant qu’enseignante de vous aider à le faire dans le domaine scolaire. Votre formateur au sein de l’entreprise le fera dans le domaine professionnel. Dans les branches de culture générale, nous allons ensemble acquérir les connaissances, dont vous aurez besoin à l’avenir dans votre profession, dans votre rôle de père de famille et de citoyen à part entière dans notre pays.»
Tous les élèves reprirent visiblement courage lorsqu’ils se rendirent compte que je les acceptais sans aprioris par rapport à leur passé et que je leur proposais d’entamer leur nouvelle phase de formation, ensemble, sans mettre des limitations à l’avance sur leur développement futur.

Un enseignement organisé par le professeur lui-même, également au niveau de l’école professionnelle

Selon le «Plan d’études cadre pour l’enseignement de la culture générale dans la formation professionnelle initiale» en vigueur depuis le 1er mai 2006, «la promotion des compétences linguistiques, méthodologiques, personnelles et sociales, de même que le développement d’autres compétences, forment le cœur de l’enseignement de la culture générale.» Et de continuer «les objectifs de formation précisent les compétences que les personnes en formation doivent acquérir ou renforcer.»
En mettant le poids sur l’acquisition des soi-disant compétences, les écoles professionnelles – comme tout autre type d’établissement scolaire – ne remplissent pas leur mission légale et ne sont pas adaptées aux besoins des jeunes. La loi scolaire du canton de Bâle-Ville par exemple élargit le devoir de formation de l’Etat explicitement à toutes les écoles de culture générale y compris les écoles professionnelles:

«§ 3a. L’école publique et les écoles de culture générale qui font suite, ont la tâche d’encourager, en complément et en aide à l’éducation dans la famille, le développement physique et mental des élèves, afin qu’ils soient à la hauteur des exigences humaines et professionnelles de la vie.

§ 3b. L’école publique transmet aux élèves les connaissances et les facultés, qui sont nécessaires pour une vie réussie dans la société et dans le monde professionnel. En même temps, elle soutient les élèves à trouver leur identité personnelle dans la société et à développer leur capacité d’apprendre tout le long de leur vie et d’agir de manière responsable envers eux-mêmes, envers leurs prochains et envers l’environnement.»

(Loi scolaire du canton de Bâle-Ville
du 4/4/1929; version du 1/1/13)

Il faut exiger des écoles publiques – et des hautes écoles pédagogiques – qu’elles remplissent leur mission légale: les enfants doivent acquérir les connaissances et les facultés nécessaires pour une vie couronnée de succès dans la société et dans le monde professionnel. Ils doivent devenir capables d’agir de manière responsable envers les hommes et l’environnement. Ou pour le dire autrement, sans sac à dos remplis de connaissances, mais aussi de la disposition à l’engagement et à la performance, de fiabilité, de respect mutuel, de comportement responsable face à autrui et de leur matériel de travail scolaire, les jeunes ne sont pas aptes pour un apprentissage professionnel. Si un jeune arrive en retard à un entretien d’embauche et s’intéresse en premier lieu à la durée des pauses de travail et des vacances, il y a un autre qui obtiendra sa place d’apprentissage – c’est aussi simple que ça.
Les enseignants qui fondent leur enseignement et leur relation avec les élèves sur une conception de l’être humain en tant que personne, ne se contentent pas d’être témoins quand ils réalisent que les adolescents fabriquent quelque chose «de manière autonome» pour prétendument augmenter leur «compétences», mais ils leur enseignent une réelle culture générale.
Dans mes cours, je suis exigeante avec mes élèves: ils ne peuvent pas faire ce dont ils ont envie, comme malheureusement trop souvent dans les classes d’école secondaire. Ici, on apprend. L’enseignante instruit les élèves et transmet autant de culture générale qu’il est possible d’apprendre au cours de deux années scolaires avec quatre leçons par semaine. Voilà ce qu’il faut en première ligne:

  • La maîtrise de la langue maternelle comme condition de base pour l’acquisition d’une bonne formation: perfectionner l’expression orale et écrite, apprendre à écrire correctement au niveau de la grammaire et de l’orthographe, lire un livre ensemble et en discuter en classe – sans aptitude à la parole, pas de formation!
  • La préparation à une vie comme citoyen responsable: connaître l’Etat suisse et les fondements de la démocratie directe, du fédéralisme et de la neutralité armée perpétuelle; connaître sa propre commune et les diverses possibilités de s’engager activement dans sa vie communale; lire et discuter des articles de journaux; comprendre les sujets de votations à l’échelon fédéral, cantonal et communal et se former une opinion fondée.
  • La préparation à une vie familiale et professionnelle: apprendre les fondements légaux les plus importants du vivre-ensemble dans notre pays (le droit familial, le droit du travail, le droit pénal, la législation routière, mais aussi les bases morales ainsi que les fondements du droit international – la Convention des droits de l’homme de l’ONU, le droit international humanitaire; la compassion et le respect envers les prochains; la discussion de questions fondamentales humaines telles la guerre et la paix, un ordre économique équitable et bien d’autres choses.

Travail d’apprentissage autonome seul ou à deux

Il va de soi que les apprentis travaillent dans les cours de culture générale, correspondant à leur âge, souvent aussi de manière autonome, mais «l’apprentissage autonome» représente dans ma salle de classe tout autre chose que la prétendue acquisition d’«auto-compétence», que Fratton & Co.1 tentent de nous l’im­poser. Dans mes classes, les élèves acquièrent d’abord, dans l’enseignement dispensé, les connaissances nécessaires et ils peuvent élucider leurs questions. Pour l’approfondissement, ils appliquent ensuite ce qu’ils ont appris et franchissent de manière autonome, d’autres étapes d’apprentissage compréhensibles pour eux. Normalement, ils peuvent alors travailler ensemble avec un camarade de classe. Le travail à deux (ou trois), comme rajout à l’enseignement en classe, est pour nos élèves une forme d’apprentissage sensée. A cette occasion, je fais attention à ce que les deux partenaires d’apprentissage collaborent de manière constructive. Quand deux élèves deviennent inattentifs et perdent leur tâche de vue, j’élucide avec eux la cause: y a-t-il quelque chose qu’ils ne comprennent pas, ont-ils besoin d’une explication pour ­trouver la réponse et continuer leur travail? Souvent, il ne faut qu’un petit coup de main ou un encouragement et les deux se remettent au travail. Quelquefois, il arrive aussi que l’un des deux dérange l’autre au travail ou qu’il le laisse faire tout le travail seul. Dans ce cas, je demande aux élèves s’ils préfèrent travailler avec d’autres partenaires – ou bien celui qui dérange se décide à investir son énergie dans la collaboration au lieu du dérangement.

Renforcer les liens avec autrui

Chaque semaine, nous avons quatre leçons ensemble, nous apprenons et nous reparlons régulièrement en classe des questions qui touchent à l’apprentissage et à l’apprentissage en commun. Mes neuf élèves se mettent avec moi au travail et développent une communauté de classe heureuse. Trois parmi eux se révèlent être tout à fait capables de s’intégrer plus tard à la filière CFC de trois ou quatre ans. Il fait aussi partie de ma tâche en tant qu’enseignant de culture générale de leur donner l’encouragement nécessaire et l’aide pratique pour atteindre ce but. D’autres sont heureux et fiers de leur formation, et s’engagent à fond dans leur travail. Je les soutiens également. Bien sûr que les camarades de classe s’intéressent mutuellement au travail des autres et aux projets d’avenir de chacun. Il fait partie de la nature de l’homme de s’intéresser à son voisin, à autrui dans son village, son pays et dans le monde. C’est pourquoi la prise en compte notamment de l’actualité politique et sociale accompagnée de la question «Que puis-je moi, que pouvons-nous contribuer?» fait partie de la base de la culture générale que l’enseignant en école professionnelle doit transmettre à ses élèves.
Comme illustration, nous ajoutons ci-dessous la magnifique mission de formation contenue dans la Convention des droits de l’enfant:

Art. 29
(1)     Les Etats parties conviennent que l’éducation de l’enfant doit viser à:
a)    favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant et le développement de ses dons et ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités;
b) inculquer à l’enfant le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des principes consacrés dans la Charte des Nations Unies;
c)    inculquer à l’enfant le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs culturelles, des valeurs nationales du pays dans lequel il vit et le cas échéant du pays duquel il peut être originaire et des civilisations différentes de la sienne;
d)    préparer l’enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance, d’égalité entre les sexes et d’amitié entre tous les peuples et les groupes ethniques, nationaux et religieux et avec les personnes d’origine autochtone;
e)    inculquer à l’enfant le respect du milieu naturel.

(Accord sur les droits de l’enfant, du 20 novembre 1989; entré en vigueur pour
la Suisse le 26 mars 1997; état du 8 avril 2010)

Erich, 18 ans, apprend la table de multiplication

Un des élèves de la classe mentionnée m’est resté particulièrement en mémoire: Erich, qui avait passé ses dix années scolaires dans un établissement d’enseignement spécialisé. Lors des cours de mathématiques, je n’avais rien noté de particuliers tant que nous effectuions des additions et des soustractions. Il savait additionner et soustraire par oral et par écrit. Cependant, quand j’ai voulu introduire le calcul des pourcentages, il n’a plus rien compris. J’ai essayé de lui expliquer le principe, les camarades de classe sont venus à la rescousse. Sans succès. Finalement, Erich a rassemblé tout son courage et a avoué: «Je ne connais pas ma table de multiplication.» Dans un entretien avec toute la classe, nous avons appris que ses enseignants avaient renoncé, à partir de la quatrième classe, à lui apprendre la table de multiplication – et aussi la technique opératoire de la multiplication et la division! Dès lors, il a assisté tout le reste de sa scolarité aux leçons de mathématiques sans rien apprendre.
J’ai réfléchi sérieusement à cette problématique et j’en ai parlé avec des maîtres d’école primaire expérimentés pour savoir comment aider Erich. Nous étions tous d’accord que c’était un vrai scandale qu’un enfant tout à fait sensé soit délaissé de cette manière à l’école publique obligatoire. Ses instituteurs se sont défaussés de la responsabilité en «libérant» ce garçon de l’objectif éducatif d’apprendre la table de multiplication – c’est-à-dire d’une partie fondamentale de la matière des mathématiques! Ainsi ils l’ont activement exclu de l’égalité des chances.

Chaque personne normalement intelligente peut apprendre cela

La semaine suivante, lors de notre jour de classe, j’en ai parlé à Erich et à toute la classe: «Si vous voulez, Erich, vous pouvez apprendre la table de multiplication dans nos cours de mathématiques.» Les élèves m’ont demandé si c’était encore possible d’apprendre le livret à 18 ans alors que cela n’avait pas fonctionné auparavant. J’ai répondu que chaque personne normalement intelligente pouvait apprendre cela, également à l’âge adulte, et qu’Erich était un jeune homme intelligent, comme nous nous en étions tous déjà rendus compte. Klaus s’est moqué: «Il ne connaît même pas ses tables!» J’ai répliqué: «Je ne suis pas si sûr que chacun dans cette salle soit aussi courageux qu’Erich – peut-être que nous apprendrions toutes sortes de choses que l’un ou l’autre de vous ne sait pas encore.» Les élèves ont souri et Klaus a rougi car tous savaient qu’il était en mauvais termes avec l’orthographe. Alors j’ai demandé à la classe: «Est-ce que quelqu’un parmi vous a déjà, une fois, pensé: ‹Cela, je ne l’apprendrai jamais!› et l’a quand-même appris par la suite?» Les expériences ont fusé et moi-même j’ai raconté ma propre expérience avec la bicyclette: je ne pouvais pas m’imaginer que je réussirais à garder l’équilibre sans que mon vélo ne se renverse. Mes praticiens en mécanique avaient naturellement peu de compréhension pour cela: ils ont trouvé qu’apprendre à faire du vélo, c’était «facile comme tout», mais qu’apprendre à lire et écrire avait été pour certains tout le contraire à l’école primaire. Ainsi, les jeunes ont fait l’expérience que tout le monde a des problèmes dans certains domaines de la vie et qu’avec les forces unies, il est possible de surmonter des obstacles qu’on croyait insurmontables.

Il faut le soutien adéquat et la confiance de l’enseignant

Une semaine plus tard, Erich a consenti, de manière hésitante, à vouloir essayer d’apprendre les tables de multiplication. Ce n’était pas seulement pour lui, mais pour moi aussi, une nouvelle expérience. Mais à cause de mes antécédents et de mes connaissances pédagogiques, j’étais absolument sûre qu’il aurait du succès, s’il était bien décidé. Au cours de ma formation pratique sous la direction d’enseignants expérimentés, j’avais rencontré de nombreux jeunes gens qui avaient été abandonnés dans les premières années scolaires par leurs parents et leurs enseignants sur la base de fausses théories, mais avaient plus tard pu se développer avec succès, grâce au soutien adéquat et à la confiance de leurs enseignants. Ainsi, je suis parvenue à la conviction que nous, pédagogues, ne devions jamais enfermer un enfant dans un schéma préétabli et l’empêcher ainsi de se développer.
Je disposais de ces convictions, quand j’ai commencé à enseigner les tables de multiplication à Erich. J’étais prête à avancer, étape par étape, avec lui et avec la classe. Comme il avait déjà 18 ans, il était donc adulte, je l’ai pris comme tel, dès le début. En guise d’introduction, je lui ai dit, à lui et à ses camarades de classe: «Chaque semaine, je vais préparer un programme spécial pour vous, Erich. Je peux m’arranger à faire des calculs avec vous chaque semaine pendant 15 à 20 minutes au cours de la leçon de mathématiques. A la maison, vous aurez à vous entraîner assidûment. Vous déciderez chaque semaine si vous êtes d’accord d’apprendre, vous vous engagerez volontairement d’une semaine à l’autre. Cela ne se passera qu’avec votre volonté, avec votre accord. Mais il nous faut également l’assentiment des camarades de classe: êtes-vous prêts à travailler en silence pendant un certain temps de la leçon de mathématiques et à résoudre les exercices que je vous donnerai, pour que je puisse travailler de manière concentrée avec Erich?»
Erich et ses camarades se sont déclarés d’accord de plein cœur. Nous étions tous impatients de voir comment cela se passerait.
Avec l’aide d’un enseignant d’école primaire, j’ai écrit à la main la première feuille d’exercices. Nous avons commencé avec la table de deux. Pour la semaine suivante, Erich a appris cette table de façon impeccable, il la savait dans l’ordre et de façon mélangée. Pendant la leçon de mathématiques, j’ai vérifié ses connaissances et ensuite, j’ai introduit la table de dix. Certains camarades – dont Klaus! – étaient prêts à travailler avec lui et à l’interroger pendant la pause de midi ou après l’école. Bientôt, j’ai réalisé qu’Erich était capable d’acquérir simultanément la division avec la table actuelle. Après chaque nouvelle table, nous avons répété les tables déjà apprises également de façon mélangée. Etant donné qu’il connaissait déjà l’addition et la soustraction, je lui ai aussi expliqué la multiplication et la division par écrit, et il a commencé à calculer également avec des nombres plus grands.

L’enseignant a un effet positif quand il dirige l’enseignement de façon active

La confiance qu’Erich m’accordait en tant qu’enseignante était fondamentale pour la réussite de son apprentissage. Son vécu était basé sur le respect que j’avais pour lui. En effet, j’étais convaincue qu’il pouvait apprendre les tables de multiplication comme tout le monde. Le fait que ses camarades de classe se sont engagés tout naturellement pour que chacun fasse son travail pendant la leçon de mathématiques, était aussi de grande importance: pendant que les autres travaillaient les pourcentages et les fractions, Erich apprenait tout naturellement les tables de multiplication.
Six mois plus tard, Erich connaissant ses tables ainsi que la multiplication et la division par oral et par écrit – et cela en 20 minutes par semaine avec moi, plus le soutien de ses camarades, plus l’entraînement assidu à la maison. Pas une seule fois, il ne s’était défilé. Chaque semaine, il a accepté à nouveau de franchir la prochaine étape. Chaque semaine, il a fait ses devoirs. Il est devenu de plus en plus studieux et heureux quand il a réalisé qu’il pouvait réellement faire face à cet obstacle qui lui semblait auparavant insurmontable. Et cette expérience a également eu des répercussions positives sur ses camarades de classe. Toute la classe avait repris de l’optimisme et de la confiance pour leur propre apprentissage – et une certaine assurance qu’en commun, tout va mieux dans la vie.
Cette exemple prouve que les élèves – même quand ils sont plus âgés – aiment travailler avec l’enseignant et que l’enseignant a un effet positif quand il dirige son enseignement de façon active.
Pour terminer, un extrait du grand pédagogue Alfons Simon, issu de la tradition de la psychologie individuelle d’Alfred Adler, sur l’importance, pour la classe toute entière, de l’attention et l’aide particulière de l’en­seignant face à un enfant qui a réellement besoin de son aide. Dans son livre intitulé «Helga», il décrit le développement d’un enfant que l’enseignant aide à sortir de ses difficultés en s’occupant particulièrement de cet enfant au sein de sa classe. On lui a reproché que les autres enfants étaient lésés dans une telle situation. Voici sa réponse:
«D’accord, – voilà ce qu’on nous a répondu à maintes reprises – d’accord, Helga et l’enseignante peuvent être satisfaites de ce qu’elles ont réalisé. Mais le prix, n’était-il pas trop élevé? Les autres enfants, n’ont-ils pas dû payer ce beau résultat en étant lésés, surtout dans leur enseignement? L’enseignante, n’a-t-elle pas dû investir infiniment plus d’efforts et de temps pour Helga, qui lui ont ensuite manqué pour les autres enfants? […]
L’atmosphère qui s’est de plus en plus apaisée, la sympathie croissante entre l’enseignante et les enfants, et aussi entre les enfants et Helga, la confiance mutuelle entre tous, le climat calme «souvent au beau fixe» a créé les conditions les plus favorables à n’importe quel type de croissance pour tous les enfants et pour leur l’apprentissage. […]
La meilleure chose, à savoir que dans de telles classes, la confiance en soi croît silencieusement dans chaque enfant, ne peut pas être prouvé statistiquement. Cela se reflète dans les visages, dans l’attitude et dans l’affection évidente que les enfants éprouvent pour leurs enseignants, et dans ce qu’ils racontent d’eux à la maison. […]»
Mais même le succès mesurable de l’apprentissage est supérieur à la moyenne dans de telles classes.    •

(Alfons Simon, Helga, Kindernöte, Erziehersorgen, Wege und Hilfen, Zurich 1958, p. 90/91)

1    cf. «La pochette-surprise des marchands de l’éducation» in: Horizons et débats n° 33 du 20/8/12 et «‹Neue Lernkultur› im Musterländle» par Matthias Burchardt et Jochen Krautz dans «Frankfurter Allgemeine Zeitung» du 10/5/13.