Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°25, 18 juin 2012  >  L’OTAN part en guerre – et les autres devraient suivre [Imprimer]

L’OTAN part en guerre – et les autres devraient suivre

par Karl Müller

Lors du Sommet de Chicago, les 20 et 21 mai 2012, l’OTAN a présenté solennellement la manière dont elle va étendre son alliance de guerre dans les années à venir. Elle veut l’élargir non seulement en admettant de nouveaux membres et en instrumentalisant, à l’encontre du droit international, les organisations internationales telles que l’ONU et l’OSCE, mais encore en menant des agressions militaires communes avec des Etats, qu’ils soient membres de L’Alliance ou non, ou en passe de le devenir, y compris des pays neutres. Les Etats-Unis, qui dirigent l’OTAN, veulent, particulièrement en période de vaches maigres, mener de grandes guerres en différents endroits du monde simultanément. Mais il ne s’agit pas seulement de guerres plus nombreuses, mais aussi plus destructrices que dans les 20 dernières années.

Il suffit de lire plus à fond les documents finals du Sommet et savoir lire entre les lignes pour comprendre où l’Alliance veut en venir. Les guerres en Afghanistan et en Libye servent de modèle pour les futures alliances militaires de l’OTAN, car au cours de ces deux guerres a été mise en place une nouvelle forme de «coalition des volontaires», un OTAN +. Il s’agit de développer cela considérablement.
On peut lire dans la Déclaration du Sommet de Chicago, concernant la Libye, qu’avec l’Opération «Protecteur unifié», «l’OTAN a établi de nouvelles références pour la consultation et la coopération pratique avec les pays partenaires qui ont contribué à notre opération, ainsi qu’avec d’autres organisations internationales et régionales.» (C’est nous qui soulignons.)
L’OTAN concentre son attention sur l’Union européenne, dont font partie non seulement des membres de l’OTAN, mais aussi des Etats neutres tels que l’Autriche. On peut lire dans la Déclaration du Sommet que «l’UE est un partenaire unique et essentiel pour l’OTAN. Renforcer pleinement ce partenariat stratégique, comme convenu par nos deux organisations et comme le prévoit le concept stratégique, est particulièrement important dans le climat d’austérité économique actuel. L’OTAN et l’UE doivent continuer d’œuvrer à améliorer la coopération pratique dans les opérations, à élargir les consultations politiques et à coopérer plus étroitement pour le développement des capacités. L’OTAN et l’UE travaillent côte à côte dans le cadre d’opérations de gestion de crise, dans un esprit de renforcement mutuel […].» C’est sans doute pourquoi l’OTAN reconnaît combien il est important de posséder une défense européenne forte et efficace.

Instrumentalisation d’organisations internationales

Les Etats-Unis, qui dirigent l’OTAN, et les autres Etats membres savent très exactement qu’ils sont dans le monde une minorité qui rétrécit comme une peau de chagrin. Le reste de la planète n’accepte plus le pillage du monde à leur profit, ce qui pousse l’OTAN à mettre la main sur les organisations internationales, notamment les Nations Unies et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Dans la Déclaration du Sommet, on peut lire ceci: «Nous continuerons de renforcer notre dialogue politique et notre coopération pratique avec l’ONU conformément à la déclaration ONU-OTAN de septembre 2008. Nous nous félicitons du renforcement de la coopération et de la liaison entre l’OTAN et l’ONU qui s’est opérée depuis le Sommet de Lisbonne de novembre 2010 et qui a également contribué au succès de l’Opération ‹Protecteur unifié›.»
Il faut rappeler ici que ce n’est pas l’ONU en tant que communauté internationale qui avait signé cette Déclaration de septembre 2008, mais bien le Secrétaire général de l’époque qui avait outrepassé les limites de son mandat à l’insu de toutes les autres institutions de l’ONU.
En ce qui concerne l’OSCE, l’OTAN écrit ceci: «Nous continuons de collaborer étroitement avec l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), en particulier dans des domaines tels que la prévention et la résolution des conflits, le relèvement postconflit et la réponse aux nouvelles menaces de sécurité. Nous sommes déterminés à renforcer encore notre coopération, tant au niveau politique qu’au niveau opérationnel, dans tous les domaines d’intérêt commun.»

Les non membres de l’OTAN devraient être contraints à participer aux projets de guerre de l’OTAN

La tentative de contraindre les non membres à participer à ses opérations militaires prend de l’importance pour l’OTAN: «L’OTAN possède un vaste réseau de relations de partenariat. Nous attachons une très grande importance à tous les partenaires de l’OTAN ainsi qu’aux contributions qu’ils apportent aux travaux de l’Alliance, comme l’illustrent les diverses réunions de partenariat que nous tenons ici, à Chicago. […] Les partenariats de l’OTAN constituent un élément clé de la sécurité coopérative, qui est l’une des tâches fondamentales de l’Alliance, et celle-ci a établi des politiques efficaces afin de renforcer ses partenariats. […]
Depuis vingt ans, nos partenariats […] apportent une contribution significative à la réussite de bon nombre de nos opérations et missions. Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN, réunis à Berlin en avril 2011, ont approuvé une politique de partenariat plus efficace et plus souple afin de rendre les partenariats de l’OTAN plus opérants. Nous poursuivrons activement sa mise en œuvre en vue de renforcer les partenariats de l’OTAN, y compris en consolidant le Conseil de partenariat euro-atlantique, le Dialogue méditerranéen, l’Initiative de coopération d’Istanbul ainsi que nos relations avec nos partenaires dans le monde, tout en exploitant pleinement la souplesse des configurations, en développant notre coopération politique et pratique avec les partenaires, y compris dans un contexte opérationnel, et en associant davantage nos partenaires aux entraînements, aux activités de formation et aux exercices, notamment ceux de la Force de réaction de l’OTAN. Nous allons intensifier nos efforts afin de mieux interagir avec les partenaires dans le monde qui sont en mesure d’apporter une contribution significative à la sécurité, et afin de nous rapprocher des partenaires concernés, y compris de notre partenaire le plus récent, la Mongolie, pour renforcer la confiance, accroître la transparence et développer le dialogue politique et la coopération pratique.»
L’OTAN s’est réjouie tout particulièrement «de la tenue à Chicago de notre réunion avec les treize partenaires qui ont apporté récemment des contributions politiques, opérationnelles et financières particulières aux opérations dirigées par l’OTAN. Cela illustre la souplesse renforcée avec laquelle nous envisageons les questions de partenariat en les axant sur la demande et sur les sujets de fond. Notre réunion de Chicago avec les partenaires nous offre une occasion unique d’examiner les enseignements tirés de notre coopération et de procéder à des échanges de vues sur les défis de sécurité communs auxquels nous faisons face. Des activités de formation et des exercices conjoints seront essentiels pour maintenir notre interopérabilité et nos interconnexions avec les forces de nos partenaires, y compris lorsque nous ne sommes pas engagés ensemble dans des opérations en cours. Nous communiquerons les idées qui se seront dégagées de cette réunion de Chicago à l’ensemble de nos partenaires, dans les cadres appropriés, en vue de débats complémentaires.» Ces partenaires sont répertoriés dans une note. Il s’agit des pays suivants: l’Australie, la Finlande, la Géorgie, le Japon, la Jordanie, le Qatar, la République de Corée, le Maroc, la Nouvelle Zélande, l’Autriche, la Suède, les Emirats arabes unis … et la Suisse.

Davantage de guerres un peu partout

A quoi cela doit-il servir? Dans ce cas également la Déclaration du Sommet donne une réponse voilée. «Les récentes expériences opérationnelles de l’Alliance montrent également que l’aptitude des forces de l’OTAN à opérer ensemble harmonieusement et rapidement est un facteur essentiel de succès.» Cela ne signifie pas que tous les «partenaires» doivent être engagés au même moment au même endroit. Non, les «partenaires» doivent être capables de mener des guerres en même temps à des endroits différents. Les Etats-Unis, à ce qu’on peut lire partout maintenant, déplacent leur lieu d’intervention privilégié vers le Pacifique et visent la Chine. Mais il y a aussi des ennemis à combattre au Moyen-Orient, en Afrique et à l’ouest du continent eurasiatique. Il n’est donc pas acceptable que la France continue de garder un attachement néocolonialiste à l’espace méditerranéen et possède des esprits comme Bernard-Henri Lévy, à qui il ne suffit pas de prôner une seule guerre épouvantable en l’espace de deux ans. Il y a aussi un pays comme l’Allemagne qui manifeste ouvertement son désir de domination sur notre continent. On peut ajouter la propagande belliqueuse des Verts fondée sur l’affectivité ou encore la bande de Verts européens de Cohn-Bendit, Fischer, Kouchner et Koenigs qui voient tellement d’avantages dans la guerre. Ils peuvent tous être satisfaits, eux qui n’agissent que comme des vassaux du pouvoir dominant l’OTAN.
On ne s’étonnera donc pas de lire dans une deuxième Déclaration du Sommet de l’OTAN sur «les capacités de défense pour les forces de l’OTAN à l’horizon 2020»: «Le développement de capacités militaires européennes accrues resserrera le lien transatlantique, renforcera la sécurité de tous les Alliés et encouragera un partage équitable des charges, des avantages et des responsabilités entre les pays membres de l’Alliance.»
Tout cela est naturellement valable pour les autres «partenaires», telle la Suisse: «Nous prenons également des mesures pour améliorer les connexions entre nos forces, ainsi qu’avec les pays partenaires. Notre opération au-dessus de la Libye a démontré une fois de plus l’importance de ces connexions; dès que la décision politique a été prise de lancer la mission OTAN, les pilotes de l’Alliance ont pris les airs ensemble, avec, à leurs côtés, les appareils de partenaires européens non membres de l’OTAN et de partenaires arabes. Cette façon de procéder a été déterminante dans le succès militaire et politique de cette mission. Nous nous appuierons sur cette réussite, dans le cadre de l’initiative d’interconnexion des forces. […] Nous continuerons de resserrer les connexions entre nos réseaux. […] Dans toute la mesure du possible, nous améliorerons aussi nos connexions avec les partenaires, pour que, lorsque nous le souhaiterons, nous puissions agir ensemble.»    •