Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°9, 4 mars 2013  >  Renforcer les droits des petits actionnaires et des actionnaires privés [Imprimer]

Renforcer les droits des petits actionnaires et des actionnaires privés

«Une intervention parlementaire largement soutenue et contraignante pour le Conseil fédéral, pourrait être rapidement déposée»

Interview de Hans-Jacob Heitz, ancien juge au Tribunal administratif fédéral, avocat et médiateur

thk. Le week-end passé les citoyennes et citoyens suisses se sont exprimés au sujet de l’initiative populaire contre les rémunérations abusives (initiative Minder). Cette initiative exige entre autres que les bonifications élevées et les indemnités de départ pour les directeurs et les membres des conseils d’administration soient soumises au vote de l’assemblée générale des actionnaires. Ainsi on désire mettre un terme au développement scandaleux des vingt dernières années.
Hans-Jacob Heitz, ancien juge au Tribunal administratif fédéral et avocat est aussi un combattant infatigable pour le renforcement des droits des actionnaires. C’est aussi lui qui a porté plainte contre Daniel Vasella – le chef sortant de Novartis SA –, contre les membres du comité de rémunération et contre Novartis International à cause de «gestion déloyale, de donnée fausse dans le secteur commercial» et «éventuellement d’une anticipation à cause de l’interdiction d’indemnités de départ (initiative Minder)»; ainsi il a agi dans le sens de ce que ressentait un grand nombre de personnes. Dans l’interview ci-dessous, il présente divers aspects juridiques, qui doivent être changés dans le droit de la société anonyme, suite à l’acception de l’initiative Minder. Là, le Parlement fédéral est dans l’obligation d’effectuer une révision judicieuse de cette législation. Il explique également ce qui l’a amené à déposer la plainte mentionnée.

Horizons et débats: Comment expliquer, malgré la vive indignation exprimée, les résultats des votations clairement en faveur du conseil d’administration lors de l’assemblée générale des actionnaires de Novartis?

Hans-Jacob Heitz: Au total, 61,5% des voix attribuées aux actions, c’est-à-dire 1,66 milliards, étaient représentées; le représentant indépendant en détenait 81,1% (!) ce qui correspond à 1,35 milliards, 11,2% détenaient un représentant d’un organe de la société et seulement 7,7% étaient représenté dans la salle, assez exactement les 7,7% des voix opposées à la décharge, laquelle a en outre été accordée in globo, c’est-à-dire Vasella inclus.
Les résultats univoques de la votation ne m’ont pas surpris déjà au préalable, car beaucoup d’actionnaires étaient en vacances d’hiver et une bonne partie des actionnaires avaient déjà déposé leur procuration auprès du représentant indépendant en faveur de la décharge et du rapport de rémunération avant que les indemnités de départ octroyées à M. Vasella aient été connues. Après la publication de ces indemnités de départ j’ai obtenu un grand nombre de réactions d’actionnaires fâchés, qui désiraient annuler leur procuration pour pouvoir voter différemment.
Ces circonstances démontrent la problématique de l’institut actuel du représentant indépendant, car aujourd’hui, il y a toujours de nouveau des résultats non représentatifs, tels ceux de Novartis, ce qui produit une fausse image de la situation!
Il est aussi connu, que généralement les employés n’osent pas voter contre le conseil d’administration, car ils craignent que ceux-ci pourraient prendre connaissances du vote électronique.

Quels sont les enseignements à en tirer?

Il faut reconsidérer l’institut du représentant indépendant et le structurer d’une autre manière, afin de pouvoir garantir que les actionnaires puissent, lors de tels évènements inattendus, changer leur vote par un courriel envoyé au représentant indépendant, par exemple 24 heures avant le début de l’assemblée, sécurisé par un mot de passe. Cela est techniquement certainement possible!
En outre, les petits actionnaires et les actionnaires privés doivent (enfin) se regrouper et se concerter, car leurs apparitions et leurs interventions lors des assemblées ressemblent de plus en plus à un mauvais numéro de cirque, ce qui est contreproductif. Il faudrait aussi se concerter et se mettre d’accord avec les institutionnels qui sont sur la même ligne de pensée, car c’est le seul moyen pour atteindre une certaine efficacité. En outre, il faudrait réfléchir à une légitimation juridique qu’il faudrait ensuite ancrer dans le droit de la société anonyme.

Comment va se poursuivre la plainte, à votre avis? Quelle était votre motivation?

Au préalable, il faut préciser que le dépôt d’une plainte est l’action judiciaire du pauvre homme/actionnaire, car les actions civiles sont, vu les hauts intérêts et l’avance obligatoire des frais de procès hors d’atteinte des petits actionnaires et des actionnaires privés.
Ma motivation pour la plainte contre Daniel Vasella, les membres du comité de rémunération et par cela contre la totalité du conseil d’administration, ainsi qu’à titre préventif aussi contre Novartis International SA est justifié par l’atteinte extrême de Novartis contre le droit de la société anonyme, où est ancré explicitement, que les rémunérations pour les membres du conseil d’administration, ce qui s’applique bien entendu aussi au président, doivent être exposées dans le bilan et dans le rapport de rémunération. Mais l’indemnité (de départ) attribué à Vasella, la qualification judiciaire est dans ce contexte insignifiante, devait être dissimilée aux actionnaires, car le montant de 72 millions de francs n’a été mentionné nulle part. Mais cette procédure peut accomplir les éléments constitutifs de l’infraction de gestion déloyale et/ou de fausses données dans le secteur commercial (infraction à la règle sur la sincérité du bilan), alors qu’en cas d’anticipation, il faut se demander si cela ne correspond pas à un contournement ciblé de l’interdiction de telles indemnités selon l’initiative populaire contre les rémunérations abusives.
La plainte a été déposée auprès du ministère public de Bâle-Ville, et il semble qu’une enquête préliminaire va être ouverte. Il n’est pas possible de la retirer, car il s’agit d’une poursuite d’office et le ministère public va décider s’il faut ouvrir une procédure pénale en bonne et due forme ou pas. Dans le cas négatif il doit édicter une ordonnance judiciaire, contre laquelle les expéditeurs de la plainte pourraient faire recours.

Où voyez-vous la plus grande nécessité d’agir?

Formulé de façon raccourcie, dans les domaines suivants:
•    Simplification de l’inscription à l’ordre du jour, par exemple des délais de dépôt plus courts ainsi que la suppression de l’exigence du blocage des actions de plus de deux mois – à l’instar de ce qui est usuel chez UBS –, ce qui doit à priori empêcher les investisseurs institutionnels par obligation de diligence;
•    diminution des coûts lors d’une plainte de responsabilité respectivement pour de bonnes raisons au détriment des entreprises (à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays);
•    création d’un droit à un siège au conseil d’administration pour les groupes organisés de petits actionnaires et actionnaires privés possédant un capital nominal de par exemple 5%;
•    simplification de la procédure de contrôle spéciale;
•    exigence d’une majorité qualifiée lors de votations sur le rapport de rémunération de par exemple ¾ des voix représentées;
•    garantie que le conseil d’administration ne puisse pas prendre connaissance des votes individuels;
•    suppression définitive de la représentation de l’actionnaire par le dépositaire et par les organes de la société.

Que faudrait-il entreprendre pour que ces droits légaux puissent être appliqués?

Actuellement, la révision du droit de la société anonyme est en suspens dans au Parlement fédéral. Donc, il faudrait déposer rapidement une intervention parlementaire largement soutenue contraignant le Conseil fédéral à réagir, de préférence concernant les demandes mentionnées suite à la question précédente. Cela pourrait faire partie de la remise à neuf qui sera de toute façon nécessaire suite à l’initiative Minder. Le moment ne sera plus jamais aussi propice qu’aujourd’hui!
En cas de passivité des Chambres fédérales, il faudrait envisager une initiative populaire!
Quelle est la requête la plus urgente?
De façon générale, il faut que le conseil d’administration se comporte de manière plus respectueuse face aux petits actionnaires et aux actionnaires privés, par exemple à l’aide de la création d’un club d’investisseurs organisant des réunions d’informations appropriées.
Economiesuisse doit aussi agir dans ce domaine, mais il faut aussi que le Swiss Code of Best Practice soit remanié et muni de possibilités de prendre des sanctions (par exemple l’expulsion de l’association) lors d’infractions contre lui. Economiesuisse pourrait ainsi regagner sa crédibilité perdue.

Merci bien pour cette interview.    •

Hans-Jacob Heitz, études de droit à l’Université de Zurich, avocat et médiateur SAV, a géré en emploi secondaire des groupements économiques telle la Chambre de commerce et autres, a été membre de divers conseils d’administration de PME, a été juge au département économique du Tribunal administratif fédéral, a fondé et présidé l’association «Schutzvereinigung Schweizer Anleger SVSA», a été membre du Conseil municipal (législatif) de Winterthur du Grand Conseil du canton de Zurich. Il est ancien colonel d’état-major.