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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°30, 14 octobre 2013  >  La protection d’importants biens culturels dans le Val Müstair [Imprimer]

La protection d’importants biens culturels dans le Val Müstair

 

Interview de Raimund Rodewald, directeur de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage

thk. La route de contournement prévue aurait des conséquences dévastatrices sur la nature et l’homme et repousserait le problème vers les villages environnants. Dans l’interview ci-après Raimund Rodewald, directeur de la Fondation pour la protection et l’aménagement du paysage, explique de manière plausible quels trésors se cachent dans le Val Müstair et quelles pourraient être les alternatives à un contournement.

Comment jugez-vous la situation routière à Santa Maria dans le Val Müstair?

Depuis des années, j’étais encore et toujours et à différentes saisons dans le Val Müstair et la situation routière n’y est pas aussi dramatique qu’on le fait croire. En pleine saison d’été, nous avons un problème relativement grand les jours de pointe. Cela provient du fait que nous avons un système routier triangulaire. Le problème se pose quand de toutes les trois directions des véhicules se dirigent vers l’impasse d’une longueur d’environ 150 mètres, c’est là que se forme le bouchon classique. Mais pour être sincère, je ne l’ai vécu que quelques rares week-ends d’été ou une fois en hiver pendant la période des vacances. Sinon la circulation est assez fluide. A vrai dire, c’est plutôt l’exposition aux bruits que nous avons en général dans le Val Müstair, qui me gêne. Cela me paraît un problème beaucoup plus grand que les bouchons à Santa Maria.

Quel sera l’impact de la route de contournement prévue par le canton sur les humains et l’environnement?

Le contournement est situé au côté sud. Cela veut dire que le tracé traverserait une zone habitée. C’est pourquoi le tracé de route doit être mis en place vers l’amont. Cela serait une entaille très forte, qui changerait la situation du village routier de Santa Maria complètement, et nous aurions une propagation de bruit énorme que nous ne connaissons pas ainsi aujourd’hui. Près des villages d’en haut, Fuldera et Valchava, la topographie obligera les motos et autres véhicules à accélérer, ce qui mènera à une expansion du bruit dévastatrice sur les pentes. En plus de l’exposition au bruit et d’un changement de la structure de l’habitat, il y aurait la perte de terres arables. La vallée se positionne comme biosphère et faisait déjà dans le passé grand cas des terres arables. Lors de l’amendement des années 70, on a essayé de maintenir les terres cultivables pour les communes et d’améliorer les structures en faveur de l’agriculture. Maintenant, on y va et détruit non seulement les terres, mais on divise aussi la surface de terres cultivables. Cela est absolument contraire aux intérêts de l’agriculture.

Est-ce que le canton n’a pas assez tenu compte de ces choses-là ou n’y a-t-il tout simplement pas d’alternative?

Le canton ne s’est pas compliqué la vie. Ils ont inscrit sur le plan un contournement. Il y a 16 ans, lorsque c’était déjà à l’actualité, on avait plaidé pour un contournement du côté nord, situé vers le Rombach. Bien sûr, cela a provoqué l’intervention des protecteurs de la nature pour qui c’était hors de question étant donné qu’on avait revitalisé le Rombach. On voulait préserver les zones près de la rive. Cette solution n’était pas non plus réalisable. Le canton a pris le chemin le plus facile. On a tracé une route confortable, sans proposer des alternatives.

Quelle serait une alternative, y a-t-il une autre possibilité que de passer à travers le village?

J’ai écrit une lettre à la commune de Val Müstair et j’ai exposé mon opinion là-dessus plusieurs fois dans les médias. Un expert en questions routières de notre fondation, qui s’y connaît bien, lui aussi, dit sans équivoque qu’une route de contournement est inadmissible sans avoir sondé préalablement toutes les mesures. Ce que nous avons proposé, c’est une signalisation intelligente, cela veut dire, qu’on relèverait avec des caméras le nombre de véhicules se dirigeant vers l’impasse d’environ 150 mètres de longueur. Les heures de pointe, on mettrait en marche cette signalisation intelligente. C’est-à-dire l’installation de signalisation s’activerait lorsque le volume du trafic serait grand.

Y a-t-il encore d’autres possibilités?

Nous avons besoin d’une modération du trafic dans les villages. Il s’agit ici d’une route cantonale, or il existe déjà des décisions judiciaires permettant d’installer des zones à 30 km/h sur les routes cantonales traversant les villages. Il faut pourtant dire que le Val Müstair tout entier a trop de trafic, surtout un trafic de loisirs exagéré. Cela nuit au tourisme et au parc national, aux riverains et à ceux qui cherchent du repos. C’est pourquoi on devrait développer un concept routier pour le Val Müstair tout entier. On devrait aussi inclure Müstair et Taufers de l’autre côté de la frontière. Il ne faut pas considérer Santa Maria comme cas isolé.

Comment peut-on continuer?

Dans la lettre adressée à la commune, nous avons proposé d’élaborer une étude sur place avec la communauté d’intérêts. Nous avons proposé des entreprises qui pourraient aider à construire une installation de signalisation intelligente. Ainsi on pourrait présenter une alternative. Notre fondation pourrait même contribuer de manière modeste au financement d’une telle étude. Le but est de donner un fondement objectif au débat et d’arriver à une solution commune judicieuse, dont tout le monde profite.

Vous venez de mentionner qu’il y a des terres cultivables de très grande qualité dans le Val Müstair. Quelle en est l’importance pour l’agriculture dans le Val Müstair?

L’agriculture est d’une très grande importance là. On doit savoir que l’agriculture du Val Müstair est une des raisons pour laquelle cette région est reconnue comme biosphère. La raison est aussi, que c’est une des plus belles vallées de la Suisse toute entière. Si l’on harcèle l’agriculture dans le fond de la vallée encore davantage, alors on va aussi compromettre sur les hauteurs l’exploitation des pentes dans le Val Mora. La base pour l’élevage, c’est-à-dire la culture de fourrage, se trouve au fond de la vallée. La route de contournement prévue ne serait pas seulement une perte quantitative de terres agricoles, mais aussi une rupture, qui dérangerait l’agriculture à grande échelle. Les installations d’irrigation qu’on a construites avec des subventions coûteuses de la Confédération, seraient totalement inutiles dans la région de Santa Maria, car tout ce que nous avons réalisé depuis les années 70 ne conviendrait plus à la situation. Ce qu’on avait fait à l’époque, n’était pas toujours en faveur de la nature et de l’environnement, mais avec cette planification on rendrait un mauvais service à l’agriculture.

Vous avez mentionné le système d’irrigation comme quelque chose de spécial. Qu’est-ce qu’on a installé à l’époque pour beaucoup d’argent? Est-ce qu’on a restauré les anciennes installations que l’on trouve dans l’Engadine et le Valais, ou est-ce qu’on a construit des systèmes tout neufs?

Dans les années 70, on a commencé en collaboration avec d’autres communes hors de la vallée avec l’amélioration en regroupant les superficies dans le Val Müstair. Ceci a été réalisé avec beaucoup d’engagement et beaucoup de subventions. On a misé fortement sur la culture de fourrage et l’économie laitière. Par conséquent, on a construit des fromageries et agrandi le réseau routier. On a posé des conduites de lait sur les alpages. Avec les projets de l’époque on n’est pas vraiment à l’échelle de l’agriculture d’aujourd’hui. Dans la perspective d’aujourd’hui on a agi trop radicalement tout en acceptant une perte en biodiversité. Les anciens champs de blé sur les cônes d’éboulement dans le Val Müstair ont bien sûr disparu et l’économie laitière a également changé. Les paysans ont converti leur exploitation dans la garde de vaches-mères. Les structures développées à l’époque ne sont plus rentables aujourd’hui. Il y a de nouveau certains paysans qui veulent s’orienter vers la culture du blé. Pour cela le système d’irrigation ne correspond plus.
Ce qu’on a également détruit à l’époque, ce sont les Auals, les bisses, tels qu’on les trouve dans le Tyrol du Sud, dans le Val Venosta. Depuis quelques années, nous avons commencé à sensibiliser les gens à propos des anciens bisses. Ensemble avec Biosfera nous avons établi un inventaire, ce qui a été financé par notre fondation et l’aide d’autres organisations partenaires. Sur les pentes nous avons trouvé une variété relativement grande: d’anciennes douves et des canaux en bois et en plus beaucoup d’histoires y relatives.

Comment la population a-t-elle réagi?

Elle a réagi avec beaucoup d’enthousiasme à la redécouverte de cette tradition.

Quelle est la fonction de ses Auals et y en a-t-il encore beaucoup d’exemplaires?

Entretemps, nous avons pu réactiver cinq bisses, c’est-à-dire des Auals, ce qui a bien sûr des raisons touristiques, mais ce qui est aussi important pour le drainage des pentes glissantes dans le Val Müstair. Certes, on a pu promouvoir et soutenir l’irrigation du paysage alpin sec grâce à ces Auals. Mais ils ont aussi une fonction de drainage. Là nous sommes actifs depuis des années, et aussi le tourisme s’est aperçu qu’il s’agit d’un bien culturel très important.

De quelle époque ces installations datent-elles?

Les sources que nous avons trouvées, les soi-disant «Rodel», sont des droits des eaux fixés par écrit, tels qu’on les trouve au Valais, au Val Venosta ou dans d’autres régions des Alpes. Il y en a qui remontent au XVIIe siècle. Au Val Müstair, on en a trouvé du XIXe siècle. On trouve les documents les plus anciens aux archives de l’archevêché de Coire. Pour le Val Venosta, nous savons qu’il y en a eu aux XIIe / XIIIe siècles déjà. Nous pouvons donc partir de l’hypothèse que le système des eaux est aussi ancien que le peuplement durable dans cette vallée. Il est d’origine médiévale, certainement.

Comment ces systèmes d’irrigation et de drainage fonctionnent-ils? Est-ce qu’on se sert des eaux de surface, coulent-elles dans des canaux souterrains, comment celui qui n’est pas expert peut-il imaginer tout cela?

Au Valais les canaux sont alimentés d’eau provenant directement du glacier, dans le Val Müstair par contre la situation est complètement différente. Nous n’y avons pas de zone d’approvisionnement par des glaciers, mais des zones de neige. La terre étant très riche en eau et des fossés verticaux amenant l’eau, on a établi les canaux d’eau en partie à la hauteur de 2000 mètres, à travers les pentes sèches vers les fermes particulières. L’agriculture se faisait, au Val Müstair, jusqu’à une altitude de 1800 mètres, donc très loin. Avant tout, on a irrigué les prés et moins les champs. On a transporté l’eau de ces fossés verticaux parallèlement à la pente. Cela se faisait, en partie, sur une longueur de plusieurs centaines de mètres, quelquefois de kilomètres, jusqu’aux champs des fermes situées dans la vallée ou sur les pentes. C’était nécessaire pour la survie. Après, on a fait bifurquer les canaux dans les fossés voisins. Les propriétaires privés de prés les ont fait partir du canal principal, à l’aide de dalles et de pelles en les amenant en zig-zag sur leurs prés.

Comment étaient réglés les droits de propriété?

Pour le système des canaux en tant que tel, c’était la commune qui en était responsable. Pour les tuyaux d’amenée, le transport des eaux, c’était toujours une communauté, soit la communauté villageoise au sens ancien du terme ou une corporation, une association de propriétaires au sens d’une coopérative, auxquelles revenait la responsabilité. C’est un très beau modèle de coopération commune, de dépendance mutuelle. Personne n’avait le droit d’utiliser l’eau à sa guise, mais on devait se soumettre à certaines règles, qui reconnaissaient l’eau à chacun, mais ce n’était pas ainsi que chacun pouvait en tirer un rendement maximal. Au fond, c’est un principe idéal de l’économie qui a été confirmé par le fait qu’en 2009 on a attribué le prix Nobel à Ellinor Ostrom, qui avait analysé exactement ces centres de distribution des eaux, pas au Val Müstair, mais au Valais. Au Val Müstair, cela a fonctionné de façon semblable.
Il saute aux yeux que la forme d’organisation de la coopérative s’est développée ici même et est restée intacte comme mode d’organisation sensé jusqu’à nos jours.

Est-ce que des jeunes peuvent aider à faire ces restaurations tout en apprenant l’importance des systèmes d’irrigation et leur histoire?

Bien sûr que oui. Contrairement aux systèmes d’arrosage, les canaux ont toujours été amenés ouverts et ce n’est que dans les années 50 qu’on a mis des tuyaux. Avec cela, on ne les voyait plus et on n’y pensait plus. On les a oubliés, tout simplement. C’est pourquoi les agriculteurs ont commencé d’installer des systèmes d’arrosage sur les pentes. C’est notre objectif de faire ressortir ces anciens canaux en surface. Mais il faut maîtriser l’infiltration de l’eau dans le sol. D’un côté, l’infiltration fait du bien à la forêt des montagnes parce que l’eau descend aux racines. De l’autre côté, il y a une assez grosse perte d’eau. Il faut mettre des troncs d’arbres évidés dans le sol. Cela exige beaucoup de peine. C’est pourquoi nous avons lancé un projet de forêt de montagne au Val Müstair. Ce sont des campagnes de volontaires avec des jeunes sous la direction du service des forêts qui, année après année, réaménagent ces canaux. Chaque année, au printemps, il faut les «mettre en état de fonctionner» pour amener l’eau du canal principal dans les autres canaux. En automne, on les sépare à nouveau pour qu’il n’y ait pas de dégâts en hiver. Il faut sortir le feuillage et la terre, tombés dans les canaux. Chaque année, c’est un grand travail. Ce qui est très positif, c’est que ce travail peut être fait par des volontaires. On travaille, la plupart du temps, avec des bénévoles venant de toute la Suisse, tout particulièrement des jeunes, pour remettre en fonction ces canaux.

Quand un enseignant aimerait s’engager pour un tel projet avec sa classe, à qui peut-il s’adresser?

On peut s’adresser directement au projet de la forêt de montagne. Il y a aussi un atelier de la forêt de montagne. C’est une deuxième organisation qui travaille aussi avec des adultes. On peut s’adresser au projet de la forêt de montagne et dire qu’on aimerait volontiers contribuer avec l’école ou la classe. Mais on peut aussi s’annoncer directement à la Biosfera Val Müstair.

Monsieur Rodewald, nous vous remercions de cet entretien.    •

Travail bénévole sensé pour adolescents

De mémoire d’homme, nous sommes dépendants de la forêt de montagne comme forêt de protection. Elle nous protège des avalanches, des chutes de pierres, de l’érosion et de la crue. En même temps, elle sert de biotope pour beaucoup d’espèces animales et de plantes, elle sert d’espace de détente et de fournisseur de bois.

Projet forêt de montagne

Le Projet forêt de montagne, fondé en 1987, est une fondation à but non lucratif à Trin dans le canton des Grisons.

But de la fondation

La fondation Projet forêt de montagne a pour but de promouvoir le maintien, le soin et la protection de la forêt et du paysage aménagé dans les montagnes, notamment par des travaux de soin et d’assainissement et par la promotion de la compréhension du public à l’égard des exigences de la forêt.
Depuis le début, plus de 34 000 bénévoles ont travaillé, par le biais du Projet de forêt de montagne, dans les forêts de montagne de la Suisse, de l’Allemagne, d’Autriche, de la Catalogne, de l’Ukraine et de la Principauté du Liechtenstein. Au niveau politique et confessionnel, la fondation est neutre.

Idée et objectif

Des profanes forestiers vont dans la forêt de montagne et effectuent des travaux bénévoles. Sur place, ils apprennent par des experts les réalités et les rapports du système écologique fascinant de la forêt de montagne. Par leur travail, les bénévoles vivent de tout près la forêt de montagne et contribuent activement à la sauvegarde de ses effets protecteurs variés. Cela encourage la conscientisation personnelle et écologique.

Financement

Le travail de la fondation Projet de forêt de montagne est possible grâce à des dons, des legs, des cotisations des organisations partenaires et des propriétaires de forêt.

Source: www.bergwaldprojekt.org

(Traduction Horizons et débats)