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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°3, 24 janvier 2011  >  «Seuls ceux qui ont peur du citoyen lui défendent d’avoir son arme d’ordonannce chez lui» [Imprimer]

«Seuls ceux qui ont peur du citoyen lui défendent d’avoir son arme d’ordonannce chez lui»

 

par Rolf W. Rüegg

L’initiative «Pour la protection face à la violence des armes» promet, dans son intitulé déjà, ce qu’elle ne pourra jamais tenir. Plus que cela: les initiateurs cachent leurs véritables buts derrière des visions apparemment sublimes. Or, la violence, qu’elle vise les autres ou soi-même, est toujours exercé par les hommes eux-mêmes, jamais par les instruments seuls, même s’il s’agit d’armes. Les initiateurs préconisent l’existence d’une relation de cause à effet entre la disponibilité des armes à feu et les suicides ceci pour aboutir – par le biais de leur argument-massue que «si cette mesure sauve une seule vie elle se légitimera» – à la conclusion que nous n’avons qu’à défendre les armes à feu pour vivre dans un monde libre de tout suicide ou de toute action violente. Dans cette perspective, ils citent maintes enquêtes susceptibles de fonder leur point de vue. Une lecture attentive de celles-ci démontre, par contre, exactement le contraire: il n’y a pas de corrélation entre la possession d’armes à feu et le taux des suicides (Martin Kilias).
Si l’on compare les chiffres cantonaux disponibles quant à la relation prétendue entre la possession d’armes à feu et le taux de suicides, il saute aux yeux que les cantons à haute densité d’armes montrent, dans leur majorité, un taux réduit de suicides (Ajadacic/Kilias)

Le droit en matière d’armes est déjà suffisamment rigide

Les défenseurs de l’initiative prétendent que l’initiative résoudra le problème de la violence domestique. Voilà des inepties grossières puisque la violence domestique dépend de l’état du couple et non pas de la disponibilité des armes à feu.
Même le Conseil fédéral affirme que, par cette initiative, la sécurité n’augmentera pas, le potentiel menaçant ne diminuera pas et les suicides ne seront pas empêchés. Pourquoi donc les initiateurs affirment-ils délibérément le contraire? Parce que, en réalité, leurs véritables buts sont tout autres: ils œuvrent en vue du désarmement du citoyen et de l’abolition de l’armée.
Seuls ceux qui ont peur du citoyen veulent lui défendre la possession d’une arme à feu, seuls ceux qui se méfient de leur propre armée veulent défendre aux soldat d’avoir son arme chez lui – et ceci précisément à l’adresse des Suisses qui portent la responsabilité de la protection et de la sécurité du pays et de ses habitants. Voilà, pour moi, un affront sans précédent! La Suisse connaît, aujourd’hui déjà, une législation très rigide quant aux armes.
C’est sur cette base légale que, le cas échéant, le solliciteur de la possession et, dans des cas exceptionnels, du port d’une arme à feu, doit se soumettre à un examen où les préalables, selon des critères très détaillés, sont soigneusement analysés. Les mêmes critères s’appliquent lors du dépôt des armes d’ordonnance aux soldats, combinés avec un examen psychologique au cours du recrutement. Appliquer les lois existantes – voilà la meilleure protection contre l’abus des armes à feu.
Celui qui s’engage contre les abus part du principe que tout ce qui n’est pas explicitement défendu est permis. C’est un principe conforme à notre conception libérale de l’Etat. Les initiateurs sont en train de renverser ce principe en défendant tout au citoyen – et ceci pas seulement en matière de droit des armes – à l’exception de ce qu’ils permettront peut-être, généreusement, et sous des conditions qu’on appellera plutôt des chicanes. Il est d’ailleurs évident que la plupart des abus se commettent par l’emploi illégal d’une arme.
Celui qui veut se procurer une arme de manière illégale en trouvera une de toutes façons. Or, l’initiative des armes est dirigée notamment contre le citoyen respectant la loi en le privant, sans nécessité, d’une partie de sa liberté personnelle. Tandis que les criminels ne se laisseront guère intimider par les prohibitions d’armes, voilà ce que la réalité nous apprend. Au cas où l’initiative passerait, le criminel se trouverait dans une situation plus confortable encore puisqu’à ce moment-là, il pourrait agir en toute tranquillité, sachant que lui seul possède une arme tandis que ses victimes auraient été désarmées par l’Etat.

La tradition du tir en danger

En plus, l’initiative vise directement le cœur de la tradition du tir suisse. Cinq sur six tireurs sportifs, qui se trouvent au nombre de plusieurs centaines de milliers, exercent leur sport avec une arme d’ordonnance. L’initiative menace donc le tir sportif et avec ça l’ancienne tradition suisse dont nous sommes fiers. Il s’agit de l’existence même de la quatrième association sportive suisse, avec plus de trois mille sections, qui est en jeu.
Voilà donc le but visé par les initiateurs. Car les tireurs sportifs suisses constituent une grande partie de nos citoyens qui assument leurs responsabilités envers l’Etat, et ainsi le garantissent. Ce sont aussi de ceux qui, dans d’autres domaines, sauvegardent leurs libertés citoyennes.    •

Source: St. Galler Tagblatt du 13/1/11
(Traduction Horizons et débats)