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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°5, 9 fevrier 2009  >  L’anglais prématuré ne sert à rien [Imprimer]

L’anglais prématuré ne sert à rien

rh. Le 19 janvier Spiegel Online publie sous le titre «effet nul» une information intéressante sur le soi-disant anglais enseigné prématurément.
Les professeurs de langues se sentent confirmés par cette nouvelle, car ils hochent depuis longtemps la tête devant la base d’une idéologie réformatrice arguant que les enfants doivent apprendre en «jouant» une première langue étrangère – la plupart du temps l’anglais, mais en Suisse le français par exemple – depuis la troisième classe. Cela est diamétralement opposé à toute expérience pratique et est en opposition avec les connaissances scientifiques de la pédagogie et de la psychologie. Apparemment, l’on attendait de cela que les adultes puissent plus rapidement et parfaitement faire usage de l’anglais, langue mondiale dans une Europe sans frontière, s’ils commencent à l’apprendre dès l’âge de huit ans. Peut-être que les maisons d’édition espéraient des sources de revenus accrues, les parents une progression professionnelle plus rapide de leurs enfants, l’économie des employés plus polyvalentes et mobiles – et la puissance mondiale les Etats-Unis la propagation plus rapide de l’«American way of life». Et comme dans beaucoup de «réformes» actuelles dans l’éducation, l’initiative pour la réforme ne vient pas des pédagogues ou de la recherche des sciences de l’éducation mais de l’économie.
Beaucoup de professeurs d’école primaire ont depuis longtemps signalé que l’étude approfondie de la langue maternelle est primordiale au niveau primaire, car beaucoup d’enfants y ont de grands déficits et que les compétences élémentaires doivent d’abord être maîtrisées avant qu’on puisse faire connaissance des structures d’une langue étrangère. En plus apprendre en «jouant» se déroule souvent de telle façon qu’on n’apprend pas les mots et les structures, mais qu’on les regarde superficiellement, qu’on les «écoute», que tout se passe rapidement: Surtout ne pas demeurer, ne pas mémoriser, surtout ne pas vraiment apprendre, pas de tests de vocabulaire ou, pire encore, des dictées. Ainsi des élèves allemands de troisième récitent des vers d’enfants en anglais ou en Suisse des rimes en français, sans en connaître le sens. A la question demandant ce que signifie ce vers, la petite élève d’école primaire répond que le professeur ne l’a pas expliqué et qu’elle ne «doit pas le savoir». Les élèves ressentent la situation comme extrêmement frustrante. Comme ils sont des êtres intelligents et sociaux, ils aimeraient bien savoir ce que la petite rime signifie. Les professeurs de langues, eux, déplorent que dès les classes au niveau 5 à 7 ils doivent recommencer à zéro et rebâtir un fondement, parce que tout ce qu’on a appris superficiellement à l’école primaire est gênant pour les études «véritables» d’une langue étrangère.
Maintenant il s’avère que l’introduction de l’anglais prématuré dans les Länder allemands à un échelon total a été une erreur très coûteuse: car «l’effet de l’anglais prématuré est quasi nul» dit le directeur de l’Institut Max-Planck pour la psycholinguistique à Nyimegen en Hollande. Cela coïncide avec les résultats de l’université catholique Eichstatt, qui a fait des recherches dans les lycées et des collèges bavarois: 95% des professeurs d’anglais ne remarquent à la fin de la cinquième classe – première année avec des cours de langues étrangères – aucune différence entre les élèves avec ou sans anglais prématuré à l’école primaire. Deux tiers des professeurs trouvent les cours d’anglais avant la cinquième inutiles. D’autant plus fâcheux est le fait qu’à cause de cet exercice «inutile», le Bade-Wurtemberg a rayé pour une durée de deux années une leçon d’anglais dans les classes supérieures. Une étude de l’université de Paderborn a également confirmé les expériences longuement faites par les professeurs de langues. Avec 5 heures d’anglais par semaine pendant une demi-année, des élèves de cinquième ont le même niveau que les écoliers de primaire ayant eu deux heures «d’anglais prématuré» par semaine. Horst Barnitzky, président de l’union allemande de l’école primaire, a mis le doigt dessus quand il critique la «pression politique consistant à suivre la mode européenne d’apprendre les langues très tôt».
La question reste de savoir pourquoi, par qui et avec quel objectif à long terme cette pression est faite, si elle est en opposition avec les résultats pédagogiques, la psychologie éducative et la didactique des langues.    •