Horizons et débats
Case postale 729
CH-8044 Zurich

Tél.: +41-44-350 65 50
Fax: +41-44-350 65 51
Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains Journal favorisant la pensée indépendante, l'éthique et la responsabilité
pour le respect et la promotion du droit international, du droit humanitaire et des droits humains
18 juillet 2016
Impressum



deutsch | english
Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°26, 4 juillet 2011  >  Carburant provenant de la lumière solaire? [Imprimer]

Carburant provenant de la lumière solaire?

par Simon Koechlin

L’énergie de l’avenir doit être propre et sûre. Elle doit couvrir le besoin de milliards d’êtres humains. Cela n’est pas possible sans innovations dans le domaine de la chimie.

L’approvisionnement actuel en énergie ressemble à une vraie poudrière. Les centrales nucléaires abritent le risque d’une irradiation de larges contrées et la combustion du pétrole réchauffe lentement mais sûrement l’atmosphère – avec des conséquences imprévi­sibles pour les êtres humains, les animaux et les plantes. Comment peut-on apaiser la soif d’énergie mondiale, sans détruire notre planète? Quel rôle joue ici la chimie?
Alexandre Wokaun, directeur de recherche dans le domaine de l’énergie générale à l’Institut Paul-Scherrer (PSI) à Villingen attribue une grande importance à la chimie et renvoie à une étude de l’usine à concepts «Trialogue Energie Suisse», dont il fait partie du comité restreint. L’étude montre comment la haute qualité de vie en Suisse pourrait être assurée tout en réduisant la production de CO2 et la consommation d’énergie, quand la croissance économique s’élève à 1% chaque année, le besoin en énergie cependant baisse de 2% par an et par unité de création de valeur. L’objectif serait que les techniques renouvelables fournissent en 2050 plus de la moitié de l’énergie. Wokaun déclare que pour y parvenir, un large mélange de diverses formes d’énergie est nécessaire. Avant tout dans le domaine du transport, l’efficience doit être augmentée, ce qui ne serait possible que grâce à des innovations chimiques.    
En 2050, selon Wokaun, des voitures aux différents modes de propulsion circuleront dans les rues suisses: le moteur à explosion conventionnel à côté de différents types hy­brides, le véhicule électrique à côté d’une voiture à pile à combustible à hydrogène. Pourtant on n’en est pas encore là: Aujourd’hui, par exemple, les batteries de voitures électriques accusent une densité énergétique trop faible. Cela veut dire: afin qu’une voiture électrique puisse faire de longs trajets, la batterie devrait être grande et lourde. Mais avec le poids, la consommation énergétique augmente également.

Des accumulateurs lithium-ion plus performants

C’est pourquoi les chimistes sont à la re­cherche de multiples possibilités de stocker l’énergie en économisant encore plus de place, explique Wokaun. Le développement de nouveaux matériaux pour les batteries lithium traditionnelles en est un exemple. Des oxydes choisis sur mesure, provenant par exemple des catégories de la pérovskite ou du spinelle, pourraient à l’avenir rendre les accumulateurs lithium-ion plus performants. De plus, il existe de nouveaux concepts plus prometteurs qui ne sont pas encore mûrs; par exemple la batterie lithium-air, où l’oxygène fait office de partenaire de réaction du métal lithium. On fait des recherches aussi sur la durée de vie des batteries: un accumulateur de véhicule doit pouvoir être chargé et déchargé des milliers de fois et il faut être sûr: des techniques doivent par exemple garantir que le lithium hautement réactif ne réagisse pas avec l’électrolyte ou même avec l’eau ou de l’air humide.
Les chimistes du PSI mettent un grand espoir dans le développement des piles à combustible, qui transforment l’hydrogène et l’oxygène en eau, chaleur et énergie électrique. Les deux éléments chimiques sont séparés dans la pile à combustible par une membrane mince. La membrane dense doit seulement conduire les noyaux d’hydrogène, les protones de façon aussi efficiente que possible. Les électrons passent par la charge utile et réduisent l’oxygène sur la contre-électrode. Il existe encore un grand potentiel d’amélioration en ce qui concerne les matériaux nécessaires à ces processus, que les chimistes sont en train d’explorer.
Une autre possibilité souvent discutée pour le futur: remplir les réservoirs de voitures avec des biocarburants au lieu de les remplir avec de l’essence fossile ou du diesel. Ces derniers temps, quelques-unes de ces méthodes ont été cependant remises en question, parce qu’elles concurrencent la production alimentaire. Wokaun déclare que le PSI se con­centre pour ces raisons sur l’exploration de la fabrication du méthane issu des résidus de la masse biologique, par exemple pour les véhicules à gaz. Ici, des résidus végétaux comme des fourrages verts, du purin ou des boues d’épuration sont d’abord mis sous haute pression. Ensuite, les nutriments sont précipités au moyen de la chauffe pour pouvoir les réutiliser comme engrais. La substance organique restante doit être alors transformée en méthane – en utilisant un catalyseur restant stable dans des situations agressives.
L’énergie solaire elle aussi est une véri­table foire pour les chimistes. Dans le domaine du photovoltaïque par exemple, on requiert des matériaux plus efficients et des procédés de fabrication meilleur marché. En ce qui concerne les cellules solaires issues de matériaux organiques, il s’agit aujourd’hui en première ligne de trouver des colorants, qui captent une partie aussi grande que possible de la lumière entrante et qui puissent au moyen d’une séparation de charge la transformer en électricité. Si en plus on arrive à fabriquer des cellules solaires toujours plus minces, on utilisera moins de matériau et les coûts de production d’électricité baisseront.

Dissocier de l’eau à l’aide de la lumière solaire

Peut-être qu’on pourra fabriquer un jour avec la lumière solaire non seulement de l’électricité mais aussi du carburant. La vision relative à cette technique située encore au niveau du développement précommercial: dissocier de l’eau à l’aide de la lumière solaire. On a besoin pour cela d’un médium auxiliaire, qui est réchauffé avec de la lumière solaire hautement concentrée à environ 2000 degrés et qui stocke cette énergie. Il déclenche une réaction, durant laquelle se forme à partir d’eau et de dioxyde de carbone un gaz composé d’hydrogène et de monoxyde de carbone – ce que l’on appelle le gaz de synthèse, un stade préliminaire à l’essence, au kérosène et à d’autres carburants liquides. Selon Wokaun, au PSI et à l’ETH de Zurich, différents projets sont en cours dans cette direction. Pour l’année prochaine, on planifie entre autre de prouver dans une installation d’essai en France que ce procédé est pratiquable à une plus grande échelle et avec un rendement satisfaisant.
Wokaun déclare que, pour toutes les autres formes d’énergie, la chimie joue également un rôle important. Pour l’énergie éolienne, on explore des matériaux au moyen desquels on revêt les rotors d’une couche pour prévenir la formation de givre. Dans la géothermie, on a besoin de liquides de forage appropriés. Et dans le domaine du nucléaire, les chimistes et les physiciens expérimentent de nouveaux procédés, avec lesquels les produits issus de la fission peuvent être séparés des noyaux lourds. De plus, des chercheurs dans le domaine des matériaux développent de nouveaux matériaux de structure, qui dans les centrales nucléaires de la 4è génération pourraient être utilisés à des températures élevées et empêcher l’apparition et l’extension de fissures. Cependant, Wokaun met en garde en disant qu’il ne faut pas trop attendre des sciences. Les chimistes pourraient mettre à disposition et améliorer des méthodes et des techniques, mais finalement ce serait la société qui décide du choix et de leur mise en application.    •

Source: Horizonte n° 89, juin 2011