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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°26, 26 août 2013  >  La souveraineté, le droit et la démocratie versus la politique d’hégémonie [Imprimer]

«Je dois dire aux citoyens suisses: Vous devez lutter pour le maintien de la démocratie directe en Suisse. Cela n’est pas seulement dans votre intérêt, c’est aussi un modèle pour le monde.»

Alfred de Zayas

La souveraineté, le droit et la démocratie versus la politique d’hégémonie

par Alfred de Zayas*

La souveraineté de chaque Etat est ancrée dans la Charte des Nations Unies. Depuis 1945, nous avons un nouvel ordre mondial. Et la Charte des Nations Unies avec les Conventions des droits humains des Nations Unies représentent la Constitution mondiale – toutefois, il ne s’agit pas de la constitution d’un gouvernement mondial. Personne n’en veut. Mais c’est une constitution acceptée contractuellement par tous les Etats. Une constitution qui garantit la souveraineté de tous les Etats, et cela dans les articles 1 et 2 (cf. encadré). L’article 2 est particulièrement important, ceci pas seulement parce que l’égalité de tous les Etats y est soulignée, mais aussi parce qu’il interdit le recours à la violence et la menace d’y recourir. Cela ne veut pas dire que tous les Etats s’y tiennent, mais du point de vue juridique, du point de vue du droit international les normes sont claires. Souveraineté signifie également autodétermination des peuples. L’autodétermination des peuples, c’est ce qu’on appelle en langage juridique «ius cogens», cela veut dire qu’il s’agit d’une norme impérative du droit international. Grâce à ce principe de l’autodétermination, les Etats africains ont obtenu leur indépendance dans la dernière moitié des années 1950 et début 1960. L’Inde s’est libérée de la Grande Bretagne déjà en 1947.
Il y a également beaucoup de peuples qui ne disposent pas d’autodétermination. Un des sujets que j’ai traité dans plusieurs de mes publications sont les autochtones, c’est-à-dire des êtres humains qui vivent depuis des générations et des générations dans une région, par exemple les «premières nations des Amériques» (first nations), appelés faussement «Indiens», les Aborigènes d’Australie, les Tamouls au Sri Lanka, les Igbos au Biafra, les Kurdes en Turquie, en Syrie, en Irak et en Iran, les Kashmiri en Inde, les Moluques en Indonésie, les Tyroliens du sud de langue allemande en Italie etc. Que nous parlions d’autochtones en Alaska ou à Hawaï ou en Papouasie de l’Ouest – eux tous ont le droit à l’autodétermination. Cela ne veut pas toujours dire indépendance. L’autodétermination peut aussi être atteinte dans le cadre d’un règlement d’autonomie, pour autant que ce soit la volonté du peuple. Cela doit bien sûr être évalué.
Du point de vue du droit international les normes sont clairement codifiées. L’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que l’article 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels garantissent ce droit. (cf. encadré)
Qu’est-ce que nous comprenons sous la notion de droit? Lorsque nous disons «droit», nous parlons de l’Etat de droit. Nous parlons de la sécurité juridique. Nous parlons de «checks and balances», comme nous disons aux Etats-Unis. Cela veut dire qu’il existe un pouvoir exécutif, législatif et juridique de l’Etat. Ce sont des pouvoirs séparés qui s’équilibrent mutuellement. Toutefois, il faut dire que le pouvoir suprême dans tous les Etats de droit est représenté par les juges. Donc ni l’exécutif ni le pouvoir législatif, mais les juges peuvent décider des actes des présidents et des actes des parlements. C’est une caractéristique de l’Etat de droit. [Quant à la démocratie directe en Suisse, le pouvoir suprême est détenu par le peuple – ndlr.]
Toutefois, la constitutionnalité dans la plupart des Etats modernes est chancelante. Et, selon mon expérience comme fonctionnaire de l’ONU et comme expert de différentes commissions, je peux vous dire que les juges soi-disant indépendants ne sont très souvent pas indépendants. Il en résulte que le principe de l’indépendance de la magistrature, le principe de la légitimité et par conséquence de l’Etat de droit, est miné. Toutefois, il vaut mieux avoir quelque chose qu’on peut corriger, plutôt qu’une situation sans normes, ni lois, ni juges. Ainsi nous disposons d’une structure qui est corrigible, mais uniquement s’il y a des citoyens qui l’exigent; si les citoyens sont vigilants et s’ils ne sont pas intimidés.
L’intimidation par le soi-disant politiquement correct représente un des plus grands dangers pour l’Etat de droit; c’est une des plus grandes menaces contre la démocratie. Car beaucoup de gens pensent certaines choses tout en disant autre chose. Beaucoup de gens n’osent pas se prononcer. Ils préfèrent se taire plutôt que se prononcer publiquement car ils ont peur des conséquences s’ils parlent ouvertement, des conséquences pour leurs carrières, leur bien-être économique et social.
Moi-même, en tant que professeur de droit international et fonctionnaire onusien, par exemple, j’ai souffert à cause de mes publications. Mes publications ne m’ont pas aidé pour ma carrière. Tout au contraire! J’ai raté au moins trois fois l’avancement au sein des Nations Unies à cause de mon livre sur l’expulsion des Allemands à la fin de la Seconde Guerre mondiale, «Nemesis at Potsdam» (7e éd. Rockland, Maine: Picton Press, 2003 – «Die Nemesis von Potsdam» 14. éd, Munich, Herbig 2005). C’est expressément à cause de ce livre, parce que je connais les arguments qui ont été discutés dans les commissions prépondérantes. Et ce livre, politiquement indésirable, m’a été reproché. Naturellement, on ne veut personne qui aborde des sujets brûlants, on préfère celui qui ne fait pas de vagues à celui qui parle ouvertement. J’ai raté un poste à la cour internationale de justice à cause de ce livre, et à deux reprises, j’ai raté un poste de professeur pour la même raison: le politiquement correct.
Le principe de l’Etat de droit n’est pas uniquement celui du positivisme. Il ne s’agit pas seulement de ce qui est écrit dans la loi, mais aussi de ce qui se trouve au dessus de la loi. Il y a l’ouvrage très connu de Montesquieu, «De l’esprit des lois». L’esprit des lois est l’origine du droit. Et c’est plus important que ce qui est écrit sur papier. Car sur papier, il y a parfois des lois très injustes. Il faut toujours tenir compte du fait que la loi existe pour créer de la justice et non pas pour fixer et cimenter les injustices. C’est une discussion menée par les philosophes du droit et dans le fond il n’y a pas de solution, il reste une certaine tension entre la notion du droit et celle de la justice. Moi-même je suis catholique romain et partisan de la philosophie du Droit naturel, et favorable à ce qu’on crée plus d’espace pour le droit naturel.
Mon problème en tant que professeur de droit international est que je dois expliquer à mes étudiants comment cela se fait que le droit international soit appelé à volonté. Ici il est reconnu, là pas. A supposer que le peuple du Kosovo devrait avoir son indépendance: si la notion de l’autodétermination est valable généralement, pourquoi pas aussi au Biafra? Vous vous rappellerez le génocide au Biafra en 1967/70. Et le Nigéria a réprimé avec une violence cruelle les aspirations très légitimes du peuple du Biafra de se séparer du Nigéria. La même chose vaut pour le Sri Lanka, vous connaissez tous la problématique des Tamouls. On ne leur a accordé aucune autodétermination ni indépendance. Ils ont été massacrés sous le regard du monde entier.
Je suis Américain et j’aimerais bien penser que nous sommes les «bons». J’aimerais tellement y croire. Lorsque j’étais élève à Chicago, j’ai dû répéter tous les matins: «I pledge allegiance to the flag of the United States of America, and to the republic for which it stands, one nation under God, indivisible, with liberty and justice for all.» [Je jure fidélité sur le drapeau des Etats-Unis d’Amérique et la république qu’il représente, une nation soumise à Dieu, indivisible, garantissant la liberté et la justice pour tous.] Tous les matins lorsqu’on hissait le drapeau, je devais le répéter au son des trompettes. On veut croire quelque chose, on a besoin de croire en soi-même. Il est bon et important d’avoir des valeurs, mais c’est pour moi une grande déception de me rendre compte que mon gouvernement ne s’en tient pas non plus au droit international ni même à la Constitution des Etats-Unis. Il suffit de penser à Guantánamo, à Abou Ghraib, aux révélations sur la NSA et on se demande: Où en sommes-nous? Qu’est-ce qui reste de l’éthique? Franchement dit, il n’en reste pas grand-chose. Bon, je viens de parler du droit international à volonté, je l’appelle aussi «droit international à la carte». Aujourd’hui, appliqué d’une façon, et demain tout autrement.
Et qu’en est-il de l’idéal de la démocratie? La seule démocratie que je connaisse, c’est la démocratie suisse. Elle n’est pas parfaite. Mais elle est la seule qui présente une certaine corrélation entre la volonté du peuple et la politique réelle. Chez nous aux Etats-Unis, il y a une déconnection totale entre les sénateurs, les députés du Congrès et le peuple.
Une démocratie est bien plus qu’une simple élection pro forma lors de laquelle vous votez pour le candidat A ou bien pour le candidat B. Je dois aussi avoir une possibilité d’influencer les décisions de ce candidat. Je ne veux pas qu’il n’y ait que des candidats obligés au complexe militaro-industriel. Là, je n’ai vraiment pas de vrai choix. On se retrouve devant un fait accompli. Si vous connaissez «Through the Looking-Glass» de Lewis Carroll vous penserez aux deux protagonistes très semblables de Tweedledee et Tweedledum et cela correspond plus ou moins à ce que nous avons dans beaucoup de démocraties, un choix entre Tweedledee et Tweedledum. S’agit-il là d’une démocratie?
En novembre de l’année passée, je n’ai pas voté dans les élections aux Etats-Unis. Bien sûr qu’Obama est tout au moins meilleur que Romney, mais parce que je suis tellement déçu de cet homme et parce que je pense que ce n’était pas un vrai choix, je me suis dit: «Pourquoi voter?» Car d’une manière ou d’une autre, c’est le complexe militaro-industriel ou l’industrie pétrolière ou Exxon etc. qui gouverne. Mais le peuple n’a absolument pas d’influence.
Que ce soit un membre du Congrès républicain, un sénateur ou un membre du Congrès démocrate, ils sont tous en faveur du complexe militaro-industriel, pour le recours à la violence et du côté du Big Brother. Un vrai choix n’existe pas. C’est seulement une élection factice et tout le monde y va et vote. Mais à mon avis c’est plutôt un événement sportif. On va regarder l’Olympiade et en observant les deux équipes adversaires on peut se demander si l’on veut être pour l’une ou l’autre des deux. Mais je ne peux rien influencer. Ce n’est qu’un plaisir virtuel de savoir que mon parti est sorti vainqueur. Mais est-ce vraiment mon parti? Mais non, c’est le parti du complexe militaro-industriel. Et comment cela se présente-t-il en Allemagne? Quel choix avez-vous entre Angela Merkel et Peer Steinbrück? Et en France entre Sarkozy et Hollande? Je vous en prie. Donc de nouveau le choix entre la peste et le choléra.
Ce qui est vraiment important, ce qui est décisif dans une démocratie, ce sont les instruments de la démocratie directe, à savoir l’initiative et le référendum et la possibilité de destitution, aux USA nous parlons d’impeachment. Lorsqu’un parlementaire ou un président ne tient pas sa promesse ou ne réalise pas le programme pour lequel il a été élu, mais poursuit un agenda tout à fait différent et d’autres intérêts, alors le peuple devrait avoir la possibilité de destituer cette personne de sa fonction. C’est le point le plus important d’une vraie démocratie. Sinon vous n’avez qu’une démocratie factice ou bien comme je l’écris une démocratie de lobbies, cela veut dire que les parlementaires se sentent obligés envers un certain lobby, et ils diront et ils feront ce que ce lobby leur ordonne, car c’est ce lobby qui a payé leur campagne électorale. Rendez-vous compte du fait qu’une campagne présidentielle coûte des milliards. Je n’exagère pas: des milliards! C’est vraiment un événement sportif et nous sommes les spectateurs. Nous regardons ce qui ce passe sans aucune possibilité de l’influencer. Et la campagne présidentielle américaine en 2012 a coûté 3,5 milliards de dollars.
J’exige d’une démocratie parlementaire que le choix de candidats soit issu du peuple et non pas de la machinerie des partis politiques et que chaque candidat élu soit vraiment mon représentant, qu’il me représente. L’idée de la démocratie consiste dans le fait que je sois représenté. Mais aujourd’hui, quelqu’un est élu et ensuite il fait ce qu’il veut. Et on se dit: «Eh ben oui, dans quatre ans on pourra l’envoyer au diable.» Mais après, il y aura deux maux tout aussi grands. Donc, il n’y a pas de solution: le système de la soi-disant démocratie représentative ne fonctionne pas.
Nous avons une démocratie représentative uniquement pour des affaires de routine. Mais lorsqu’il s’agit de prendre des décisions importantes, par exemple la gestion du budget de l’Etat, là nous n’avons pas d’influence. 50%, 60% du budget sont dépensés pour la guerre pour construire encore davantage de drones ou de sous-marins ou d’avions de combat ou des Cruise Missiles et Dieu sait quoi encore. C’est là qu’on verse l’argent. S’y ajoute l’argent qui n’est pas directement issu du budget du Pentagone, mais du State Departement par exemple. Et encore tout cet appareil de surveillance, les dépenses pour la National Security Agency, où est-ce qu’elles sont comptabilisées? Si vous additionnez tout cet argent dépensé pour la soi-disant sécurité nationale, ce n’est pas étonnant qu’il n’en reste rien pour la santé ou l’enseignement et l’infrastructure, le maintien des parcs et de ponts. Il n’y a plus d’argent pour cela. Et cependant, il y a des gens qui sont devenus milliardaires, car dans l’industrie de l’armement, on peut toujours gagner beaucoup d’argent.
Lorsque nous opposons la souveraineté, le droit et la démocratie au pouvoir, nous constatons en plus que le pouvoir n’est dans le fond plus dans les mains de l’Etat. C’est l’économie qui le détient, c’est elle qui a le pouvoir. La National Security Agency (NSA) a le pouvoir, les services secrets, c’est eux qui ont le pouvoir et pour finir les institutions financières. Il y en a qui prétendent que Goldman Sachs gouverne le monde. Là, personne n’est responsable, vous ne pouvez pas leur demander des comptes. Ils n’ont pas non plus été élus démocratiquement. Ils exercent un pouvoir énorme sur vous, sur moi et nous ne pouvons rien faire. C’est malheureusement une situation qui ne peut être combattue que par une société citoyenne bien informée et bien organisée.
Nous devons mettre les instances telles que les géants financiers de Wall Street, la Banque mondiale ou le FMI, sous le contrôle par exemple de l’Assemblée générale des Nations Unies et ils devraient faire rapport au Conseil des droits de l’Homme. Il est inacceptable qu’un groupe de magnats du monde des finances règne sur nous. Nous ne les avons pas élus. Ils exercent un pouvoir qui ne leur revient pas. Les marchés, ils ne les ont pas découverts, les marchés, ils ne les ont pas créés, c’est la société qui a créé les marchés. Ils sont le produit de centaines d’années de la société citoyenne qui les a créés.
Ces gens-là ne sont que des exploiteurs, des parasites qui se sont très bien organisés et qui se sont emparés de tout, et qui font maintenant tout pour leur propre bien, mais rien pour le bien de la population.
Un autre problème qui va de pair avec le concept du pouvoir, c’est la manière dont ces icônes du pouvoir nous manipulent. Nous sommes manipulés par la peur. C’est l’incroyable affaire avec la peur. Et vous savez à quel point nos médias manquent d’indépendance. Nos médias publient ce qu’ils veulent. Ce qui ne leur convient pas, ils ne le publient pas. Je ne sais pas combien parmi vous savent que la Haute commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme a sorti le 12 juillet un communiqué de presse très clair, dans lequel elle a dit entre autre que Edward Snowden avait le droit à l’asile, que les Etats étaient invités à lui accorder ce droit, à respecter ce droit, à transformer ce droit en actes, et elle a déclaré qu’il ne devait pas être poursuivi; car un homme, un lanceur d’alerte qui découvre des violations des droits de l’homme ne doit pas être puni – tout au contraire, cet homme n’est pas un traître à sa patrie, bien au contraire, il a rendu un grand service à la démocratie. Ce que notre gouvernement a fait, et ce que signifie le travail de la NSA, c’est une violation claire et nette de la Constitution américaine, ce que la NSA fait est anticonstitutionnel.
Ce que la société citoyenne peut faire, c’est de manifester, de protester, de demander que les éléments de la démocratie directe soient introduits chez nous, que dans ces Etats qui ne connaissent pas la démocratie directe, les parlementaires votent les lois nécessaires pour qu’une législation importante puisse être décidée par un référendum, et non pas que les parlementaires le fassent tout seuls. Pensez-vous que la population française aurait accepté lors d’un référendum, le mariage homosexuel? Je ne le crois pas. L’idée de l’adoption par des parents homosexuels – aurait même été refusée à 80%, si cela avait été soumis au vote du peuple. Mais comme les partisans de cette loi savent qu’elle serait refusée, ils la font passer par les parlementaires contre la volonté du peuple – et on appelle ça de la démocratie. Il s’agit là d’un exemple classique de corruption de la démocratie. Bien sûr qu’on le critique. Mais rien ne se passe.
Je ne suis pas le premier à m’attaquer à cette problématique. Noam Chomsky, John Pilger, Jeffrey Sachs, Arundhati Roy, David Cromwell, Marc Curtis et beaucoup d’autres l’ont fait avant moi. Ils ont aussi donné le diagnostic correct. Ils ont prescrit le remède approprié. Mais ceux qui ont le pouvoir ne veulent pas de remède, pas de changement du statut quo, car ils gagnent beaucoup d’argent.
Le monde est tel qu’il est, et c’est à nous d’améliorer ce monde. Ne faites donc pas l’autruche. Insistez sur votre éthique, vos valeurs. Demandez des comptes aux politiciens, aux financiers – que ce soit en Allemagne, en France ou en Suisse – lorsqu’ils agissent de manière antidémocratique et injuste.
Quels sont les crimes les plus grands? Vous pouvez en imaginer beaucoup. Mais je n’en voudrais nommer qu’un seul: le crime du silence. Pourquoi sommes-nous dans la situation où nous sommes? Parce que les gens se taisent, parce que les gens s’adaptent, parce que les gens baissent la tête, parce qu’il y a la pression du politiquement correct, la pression de l’esprit du temps, l’autocensure. Alors les gens se défilent, ils ne veulent pas parler clairement. Je peux vous dire qu’on peut l’oser, qu’il faut l’oser même. Et j’aimerais conclure par une pensée de Lucius Annaeus Seneca:
Non quia difficilia sunt non audemus, sed quia non audemus difficilia sunt. Nous ne l’osons pas parce que c’est difficile, mais c’est parce que nous n’osons pas, que c’est difficile.    •
(Traduction Horizons et débats)

*Alfred de Zayas est un spécialiste américain du droit international, historien, auteur scientifique et fonctionnaire onusien. Actuellement, il enseigne le droit international à la Geneva School of Diplomacy.
Il est expert pour les droits citoyens et politiques et il a publié de nombreux livres sur des thèmes juridiques et historiques.
Concernant cet article, il s’agit d’une conférence tenue à l’occasion d’un colloque organisé par le journal Zeit-Fragen/Horizons et débats. Il a tenu cette conférence en tant que professeur de droit international, et pas dans sa fonction onusienne.

Charte des Nations Unies

Article 1
Les buts des Nations Unies sont les suivants:
1.    Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin: prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;
2.    Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde;
3.    Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion;
4.    Etre un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes.

Article 2
L'Organisation des Nations Unies et ses Membres, dans la poursuite des buts énoncés à l'Article 1, doivent agir conformément aux principes suivants:
1.    L'Organisation est fondée sur le principe de l'égalité souveraine de tous ses Membres.
2.    Les Membres de l'Organisation, afin d'assurer à tous la jouissance des droits et avantages résultant de leur qualité de Membre, doivent remplir de bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte.
3.    Les Membres de l'Organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger.
4.    Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies.
5.    Les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte et s'abstiennent de prêter assistance à un Etat contre lequel l'Organisation entreprend une action préventive ou coercitive.
6.    L'Organisation fait en sorte que les Etats qui ne sont pas Membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien de la paix et de la sécurité internationales.
7.    Aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les Membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement aux termes de la présente Charte; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévues au Chapitre VII.

Pacte international relatif aux droits civils et politiques

Article 1*
1.    Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel.
2.    Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel, et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres moyens de subsistance.
3.    Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.

*    Identique à l’article 1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels