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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°39, 29 septembre 2008  >  La Suisse, un centre de hedgefonds! [Imprimer]

La Suisse, un centre de hedgefonds!

mb. Quand un usurier, au XIXe siècle, exigeait 20% d’intérêts, le débiteur ayant reçu un prêt de 1000 francs versait plus – on croit rêver – que 5000 francs d’intérêts en dix ans. Comme il n’était guère en mesure de payer, la dette montait vite à l’infini. Après plusieurs années, sa propriété devait être mise aux enchères; or, la plupart du temps, il n’y avait là pas d’autre acheteur que l’usurier, qui acquérait ainsi son bien pour un morceau de pain. Comparons cette situation avec ce qui se passe actuellement: les hedgefonds ne se targuent pas rarement de réaliser un rendement égal ou supérieur à 20%, ce que la partie économique des journaux considère comme un grand succès. Ce phénomène peut être examiné sous tous les angles: un tel rendement ne peut pas être atteint par un travail honnête et normal. Ces derniers temps, plusieurs fonds ont figuré à la une des journaux suisses, parce qu’ils devaient se séparer d’entreprises ou les liquider. L’hedgefonds londonien Peloton Partners a dû dissoudre son fonds en mars 2008. En 2007, ce fonds, dont le patrimoine se chiffrait à USD 1,8 milliard, avait encore dégagé un rendement net de 87% («Neue Zürcher Zeitung» du 1er mars). Restent les lésés, les chômeurs, le sort des hommes, comme chez l’usurier du XIXe siècle.
Le but de ces hedgefonds est de pénétrer dans des entreprises saines, aux faibles fonds de tiers.  Souvent, ils parviennent à en prendre le contrôle avec peu de capitaux. La maximisation du profit s’effectue alors de la manière suivante: licenciements, réduction des salaires, surcroît de travail, ventes de parties lucratives de l’entreprise et d’immeubles, dissolution de réserves, arrêt des investissements et de la recherche, demande de crédits grevant l’entreprise. Ce genre d’affaires peut en imposer à première vue en raison de bénéfices élevés. Toutefois, cela aboutit à rendre l’entreprise exsangue. Bien que de telles menées aient lieu fréquemment, de nombreuses entreprises, familiales ou autres qui manquent de savoir ou d’expérience se laissent aveugler par le succès chiffré. Les entreprises abattues, les hedgefonds-vautours attendent patiemment (en ce moment, aux Etats-Unis surtout) de pouvoir réaliser encore des profits élevés avec des entreprises et des papiers-valeurs en souffrance.
En Allemagne, des débats ont déjà eu lieu à propos des «sauterelles», de sorte que de nombreuses entreprises sont devenues très nerveuses. Comme les hedgefonds connaissent de plus en plus de difficultés dans les pays anglo-saxons, ils s’efforcent de trouver de nou­velles possibilités de conclure des affaires lucratives. Or des entreprises suisses peu endettées et dirigées de façon conservatrice s’y prêtent. Les hedgefonds luttent avec acharnement. Ils ont déjà convaincu le Conseil fédéral helvétique d’abaisser l’impôt sur les bénéfices des gérants de hedgefonds et, partant, d’attirer de nouveaux hedgefonds en Suisse. Ils prétendent revaloriser la place financière suisse en y créant des milliers d’emplois, pour les avocats et analystes financiers notamment. Le taux d’imposition des gains des managers de fonds doit être abaissé de 40 à 20%. Aux Pays-Bas, le Parlement a décidé d’imposer les salaires de ces managers à un taux de 52%! La Suisse a une position de pointe en ce qui concerne les fonds faîtiers de hedgefonds. En revanche, elle n’est pas au niveau des pays anglo-saxons en ce qui concerne les hedgefonds individuels, mais entend rattraper maintenant son retard.
Cet abaissement des taux d’imposition réservé aux gros contribuables ne devrait guère enchanter le petit contribuable dont le salaire a baissé ces dernières années, mais qui doit payer des impôts au même niveau ou à un niveau supérieur au niveau antérieur. Il doit même craindre que les affaires tapageuses des hedgefonds ne lui fassent perdre son emploi. Les coûts sociaux de ce capitalisme de casino sont trop hauts, voire insupportables. Des économies entières ont sombré ces dernières années.    •