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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°2, 16 janvier 2012  >  Des officiers et d’importants groupes politiques se prononcent pour le maintien du service militaire obligatoire [Imprimer]

Des officiers et d’importants groupes politiques se prononcent pour le maintien du service militaire obligatoire

par Günter Hochauer, général de division à la retraite

Lors de la remise des brevets aux jeunes lieutenants à l’Académie militaire du Theresianum dans la ville de Wiener Neustadt, au printemps passé, le ministre fédéral de la Défense nationale et des Sports, Norbert Darabos, déclara, lors de son discours officiel, que le service militaire obligatoire restait imprescriptible et il exprima sa conviction que c’était «gravé dans la pierre»! Il ajouta encore que «sous son commandement, il n’entrerait pas en ligne de compte d’y renoncer». La grande majorité des personnes présentent prirent connaissance de ce message, présenté de manière programmatique et pathétique, avec satisfaction.
Mais lorsque peu après, à l’occasion des élections régionales viennoises, le maire de Vienne, Michael Häupl, mit sur la table la suppression de l’obligation de servir comme slogan électoral, il déclencha une vive querelle. Du coup Darabos, en brave soldat du parti – derrière cette campagne se trouvait le secrétariat du parti social-démocrate, notamment représenté par la directrice de la direction du parti national, Laura Rudas – se soumit à la nouvelle ligne, poussé qu’il fut aussi par la «Kronenzeitung», et se mit à prôner la suppression resp. la suspension de l’obligation de servir et la transformation de l’armée autrichienne en une armée de métier formée de volontaires. Et il se trouve que Darabos est soutenu dans sa position par d’importantes personnalités politiques de tous les partis confondus, ainsi que par des officiers de haut rang de l’armée autrichienne. Ces derniers ne voient plus la raison d’être d’une armée de milice dans sa forme traditionnelle, surtout depuis la réduction de l’instruction de base de huit à six mois, ainsi que la suppression, en 2004, des exercices de milices.
Mais en face se trouve un grand nombre d’officiers et d’importants groupes politiques qui se prononcent pour le maintien du service militaire obligatoire, même si c’est sous forme réduite. Le représentant le plus important de ces groupes est le chef d’état-major général de l’armée autrichienne, Edmund Entacher. En tant que chef d’état-major général il est, selon la loi, le principal conseiller militaire du ministre de la Défense, ce dernier étant tenu d’écouter les expertises de son conseiller et d’en tenir compte lors de ses prises de décisions. Entacher ne cacha pas son opinion, estimant qu’il fallait engager une discussion approfondie au vu d’un pareil changement de cap, comme de supprimer le service militaire obligatoire, et qu’il valait mieux, étant donné les multiples difficultés que provoquerait ce pas, s’en tenir au système actuel de service militaire obligatoire avec son contingent de cadres de carrière qui a fait ses preuves, plutôt que de se précipiter dans des aventures risquées.
Entacher maintint son opinion ce qui eut pour effet de rompre la confiance avec le ministre. Il tombait donc sous le sens de se débarrasser de ce chef d’état-major général insubordonné et de le remplacer. Mais comme il ne suffit pas de faire valoir une insubordination, même dans des questions militaires importantes, pour démettre de ses fonctions ou déplacer un haut fonctionnaire, il fallut trouver d’autres manquements. Du moins fut-il démis de ses fonctions de chef d’état-major général et déplacé vers d’autres fonctions. Entacher dut attendre plusieurs mois pour recevoir enfin officiellement son congé. Ne l’acceptant pas, il fit appel. Celui-ci fut finalement accepté par la commission de surveillance de la chancellerie fédérale. Ainsi la décision de droit prise par le ministre fut déclarée irrecevable et dut être annulée. A la suite d’un entretien avec le ministre début novembre, Entacher reprit sa fonction de chef d’état-major général. On ne sait pas encore comment se développera la relation entre le ministre et son chef d’état-major général à l’avenir.
Toutefois, le calme est revenu pour l’instant. On ne peut s’attendre à une rapide suppression du service militaire obligatoire au vu des voix disponibles au Parlement qui aurait besoin des deux tiers des voix pour faire accepter cet amendement de la Constitution. Il faudra donc patienter jusqu’aux prochaines élections nationales de 2013 pour savoir à quoi s’en tenir. Entre-temps, Darabos prévoit de mettre sur pied trois projets pilotes auprès de trois types différents de troupes, avec des éléments essentiels de l’armée de métier formée par des volontaires qu’il souhaite introduire, le tout devant débuter «à titre d’essai» début 2012, afin de pouvoir présenter des «résultats positifs» destinés à faciliter l’introduction définitive du projet.
L’un des projets consiste à rassembler en un seul endroit les unités de cadres (seulement ces derniers et les soldats en service long) afin d’en faire une section unique. Le deuxième projet prévoit l’utilisation à l’essai de biens fonciers militaires et d’unités en renonçant à y faire participer des recrues pour des activités destinées «à soutenir le système». Le troisième projet doit démontrer qu’il est possible de mettre en place des unités, sous forme de milices volontaires, avec l’obligation d’exercices annuels. Comme motivation, on propose des primes adéquates.
On a appris que c’est le chef d’état-major général qui se voit confier cette tâche. Il n’y a rien à redire. On peut toutefois se poser la question du sens de tout cela si on veut partir d’un cas particulier, même s’il est réussi, ce qui n’est pas sûr, à l’ensemble de l’armée et ainsi de mettre en route les mesures légales pour liquider le service militaire obligatoire, prétextant un succès de l’essai tenté.
Comment qualifier le comportement du général Entacher? Le reproche du ministre Darabos, que le chef d’état-major général se serait mis en opposition à la «primauté de la politique» en s’exprimant négativement ne tient pas debout. La «primauté de la politique» signifie que la politique a une priorité sur toutes les actions étatiques qui ne peuvent avoir lieu que dans le cadre de la législation. On est donc surpris par le reproche de Darabos de comportement rebelle, alors que le général ne faisait que défendre la loi existante, ne s’opposant qu’aux vues personnelles du ministre. En fait c’est Darabos qui viole la «primauté de la politique» en voulant punir le général de respecter la loi. En tant que ministre, il a l’obligation de faire respecter la loi et pas de vouloir contraindre ses subordonnés à suivre les modifications de la Constitution voulues par un parti politique. Il est incontestable que le service militaire obligatoire est une obligation constitutionnelle et doit être respectée tant qu’il n’y a pas eu de modification. On peut sans autre mettre en discussion le service militaire obligatoire – cette discussion est ouverte à tout le monde. Sont également légitimes des essais avec la troupe en vue d’une prise de décision – comme les projets évoqués ci-dessus – cela peut même être raisonnable. Mais s’en prendre au chef d’état-major général qui est, selon la loi, le conseiller du ministre dans les questions militaires, en plus par des mesures disciplinaires pour l’obliger à une obéissance injustifiée, est dépasser les limites admises et relève de l’abus de pouvoir.
Le fait que le général Entacher ait été réadmis dans ses fonctions démontre le caractère précipité des décisions prises par la direction. La grande majorité des membres de l’armée et une grande partie de la population se sont réjouis de la réintégration du général. C’est la victoire d’une attitude droite et courageuse face à la complaisance politique – ce qui est de bon augure pour l’avenir.    •
(Traduction Horizons et débats)