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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2010  >  N°34, 30 août 2010  >  Notre commune – un lieu de démocratie directe [Imprimer]

Notre commune – un lieu de démocratie directe

mk./hk. Dans notre petit village de Suisse alémanique, la démocratie directe n’est pas un mot en l’air, mais fait partie du quotidien vécu comme le montrent les exemples ci-dessous.
Les habitants qui ont le droit de vote se réunissent normalement quatre fois par an dans une salle pour l’Assemblée communale. Le Conseil communal – l’exécutif qui comprend chez nous sept personnes – présente aux citoyens des objets à débattre et pour prendre des décisions qui se prennent en général sous forme d’un vote public. A part l’acceptation des comptes annuels de l’année courante et le budget pour l’an prochain, les objets concernent divers domaines.

Les autorités et les citoyens règlent leurs affaires en commun

Un jour, il s’est agi de la vente de deux parcelles appartenant à la commune situées au centre du village. Le Conseil communal a expliqué ses réflexions concernant la vente. Il jugeait nécessaire de vendre ce terrain pour décharger les finances communales, particulièrement éprouvées cette année-là. Tout en comprenant la requête du Conseil communal, la population a émis des réserves. Une des parcelles se trouve juste à côté de la maison communale. Quelques citoyens ont ob­jecté qu’une construction sur le terrain à vendre pourrait cacher la vue sur notre beau bâtiment communal. Le Conseil communal avait élaboré un seul préavis pour la vente des deux parcelles, mais un citoyen a demandé de voter séparément la vente des deux parcelles. On a donc d’abord voté cette demande réglementaire qui a été acceptée. Dès lors on pouvait voter la vente de la parcelle voisine de la maison communale. Le Conseil communal a accepté la vente de la parcelle, mais tous les citoyens présents, sauf un, ont voté contre. Le Conseil communal ne peut donc pas vendre cette parcelle. La vente de la deuxième parcelle, un très beau terrain constructible au milieu du village, a été acceptée. Mais auparavant, sur la demande d’un citoyen, on a pris la décision que le terrain ne devait pas être vendu en dessous de 750 francs le mètre carré. Avec cette mesure on peut assurer que le terrain ne soit pas vendu en cachette à bon prix par le Conseil communal. Ce n’est cependant pas une marque de défiance envers le Conseil communal, mais simplement le souci de la population d’assurer la valeur de la propriété et de prendre soin des finances de la commune. Pour nous, c’est un exemple de démocratie directe où les autorités et les citoyens gèrent ensemble leurs affaires et en portent la responsabilité pour leur village.

Chacun doit pouvoir exprimer ouvertement et librement son opinion

Quelques mois plus tard, lors d’une autre Assemblée communale, on a débattu de la question de savoir si la commune ne devait pas participer à la construction d’un nouveau terrain de football dans la commune voisine. Cela aurait signifié pour notre commune une somme à six chiffres comme participation à la construction et ensuite toutes les années des coûts répétés pour l’entretien. A part les citoyens, des invités, des délégués des associations sportives et des supporters de foot de la commune voisine ont participé à l’assemblée, naturellement sans droit de vote. Une discussion animée s’annonçait. Notre président de commune a ouvert les débats: «Je prie tout le monde de ne pas applaudir ni de huer ce soir pendant la discussion. Chacun doit pouvoir exprimer ouvertement et librement son opinion.» Tous, sans exception, se sont tenus à cette règle. Une discussion passionnée et passionnante a suivi. Les partisans du stade de foot ont souligné combien le club de foot était important pour les jeunes. Qu’il était important d’avoir un beau terrain pour l’entraînement, car le football était une véritable prévention contre la drogue. Un père par contre a posé la question comment il fallait comprendre le fait que l’année précédente on avait refusé une place de jeu pour les enfants en prétendant que l’on avait pas assez de moyens financiers. Pourquoi est-on tout d’un coup prêt à dépenser autant d’argent pour un terrain de foot? Une autre proposition était de faire profiter de cet argent la jeunesse du village d’une autre manière. La votation a eu lieu. Une majorité écrasante des citoyens a accepté le terrain de football. Nous appartenions à la minorité qui a voté contre.
Il faut un certain courage pour lever la main dans une telle situation et pour dire non. C’est possible uniquement parce qu’on sait qu’on n’en sera pas désavantagé au village. Mais ça fait du bien d’avoir sa propre opinion et de pouvoir l’exprimer ouvertement et honnêtement. Dans la commune voisine, l’Assemblée communale a aussi dû voter sur cette affaire. Dès le début, l’ambiance était très échauffée et la discussion ou­verte difficile. Que faire? Une citoyenne a proposé de passer par les urnes pour donner à chaque citoyen, aussi à ceux qui n’étaient pas présents, l’occasion d’exprimer leur opinion parce qu’il s’agissait de beaucoup d’argent. Cette proposition a été retenue et la de­mande réglementaire, formellement cor­recte, a été acceptée. Ainsi, l’Assemblée communale échauffée s’est terminée dans la bonne en­tente, sans vote. Cependant, quelques semaines plus tard, par le vote populaire, le financement du terrain de football a été re­fusé par les citoyens. Le projet d’un nouveau terrain de foot a donc échoué, indépendamment du fait que notre commune l’avait accepté. Cela fait partie des droits fondamentaux du citoyen de pouvoir faire une demande réglementaire et d’influencer ainsi le déroulement d’une Assemblée commu­nale. De telles réglementations se sont créées en Suisse au courant des siècles. Leur sens était et demeure de créer des moyens de pouvoir régler pacifiquement des conflits au sein de la vie communale.

De l’eau potable pure

A l’entrée de notre village se trouve une fontaine. Les aînés du village racontent que la fontaine a toujours donné de l’eau même en cas de périodes sèches. Un habitant qui ha­bite près de la fontaine a découvert un jour que la fontaine portait la mention «eau non po­table»! Comme il y avait beaucoup de cyclistes qui passaient près de la fontaine pour se désaltérer, il y a posé une cruche d’eau propre avec des verres avec la prière de se servir. Mais l’affaire n’a pas arrêté de le tracasser. Il s’est renseigné auprès de l’administration communale et il a appris que l’eau potable avait été polluée dans le réservoir de la source et qu’il avait été nécessaire de poser cet avertissement. Le Conseil communal avait décidé pour les mêmes raisons de raccorder la fontaine sur la place de l’école, ravitaillée par la même source maintenant polluée, à l’approvisionnement en eau communale. Le citoyen était scandalisé: «Pendant des générations, nous avons eu dans notre village des fontaines avec de l’eau pure; ce n’est pas possible qu’on soit obligé d’accepter de ne plus pouvoir boire cette eau!» Il s’est adressé plusieurs fois au Conseil communal et l’a prié d’arranger cette affaire d’eau, c’est-à-dire de prendre des mesures pour assainir la source. Sa re­quête a été refusée avec la justification qu’en ce moment, les finances de la com­mune ne permettaient pas l’assainissement. Par la suite, il s’est adressé au service responsable de l’eau du canton. Cette administration lui a donné raison sur la base des lois correspondantes et a obligé la commune d’arranger cette his­toire dans les délais légaux, ce qu’elle a fait. Se faire entendre comme citoyen par les autorités n’est pas toujours facile. Il faut du cou­rage et de la persévérance.

Les citoyens ont été invités à la consultation

Environ un an avant les événements concernant notre eau, le travail pour un nouveau Règlement des zones d’affectation et de construction (RZC) a commencé dans notre commune. Cette disposition fixe quels règlements de construction doivent être respectés et quelles parcelles doivent être attribuées à quelles zones, c’est-à-dire si une parcelle appartient à la zone agricole, à la zone sans affectation définie ou bien à une des zones constructibles. Pas une petite affaire en somme, car lors d’un changement du RZC, l’attribution des zones doit aussi être changée, lorsque par exemple une parcelle de la zone agricole doit être transférée dans une zone de construction ou vice-versa. La valeur d’une parcelle peut ainsi être augmentée ou diminuée d’un jour à l’autre de plusieurs milliers de francs. Les autorités en sont bien sûr conscientes et c’est pour cette raison que lors du renouvellement du RZC, le Conseil communal a entamé une procédure très correcte, un exemple en démocratie directe. Dans une première assemblée d’information, le Conseil communal, soutenu par un expert de l’office cantonal de l’aménagement du territoire, a informé sur les objectifs et les buts du nouveau RZC, sur les idées fondamen­tales qui le guideront lors de l’actualisation des règlements de construction et de la réorganisation du plan de zones. A l’information a succédé un échange très ouvert sur les projets prévus, des questions ont été posées et ont, dans la mesure du possible, trouvé des ré­ponses et bien sûr, il y a déjà eu des objections et des doutes exprimés à haute voix. Le Conseil communal nous a congédiés avec la communication que les travaux prendraient environ trois quarts d’année et que nous serions conviés à la fin de ce délai à une nouvelle séance d’information. Celui qui voulait s’informer et se préparer pouvait aller chercher le premier projet au secrétariat communal. La deu­xième assemblée s’est déroulée de manière simi­laire à la première. On a d’abord discuté l’état du projet, cette fois avec une justification plus détaillée des décisions prises, ainsi que des explications sur les nouvelles attributions de zones. Une discussion animée et bien sûr souvent contradictoire a suivi. Aucune décision n’a été prise ce soir-là. Le Conseil communal a invité les citoyens à participer à la consultation, c’est-à-dire il les a invité à prendre position par écrit sur certains détails ou sur la réglementation dans son entier, sur les attributions de zones, sur toutes ou l’une en particulier. Le Conseil communal tiendrait si possible compte de ces prises de position pour l’élaboration de la version finale du RZC et il discuterait le cas échéant avec les citoyens. Il a offert aux citoyens concernés la possibilité de venir clarifier leur situation particu­lière dans une discussion avec le directeur des constructions et le président de la commune.

Un compromis est accepté

Au bout de quatre mois c’était fait. La municipalité a envoyé à tous les citoyens le projet du nouveau RZC accompagné d’une invitation à une Assemblée de commune. Quelques habitants se sont rendus compte que dans le nouveau RZC, le terrain sur lequel se trouvait la citerne de la source maintenant assainie, avait été attribué à la zone constructible. Et tout de suite, la source et en général l’eau est redevenue un sujet central de discussion au village. Personne ne voulait perdre la source appartenant au village ni prendre le risque qu’elle tarisse suite à une éventuelle construction, ce qui était arrivé peu auparavant dans une commune voisine. Un citoyen a fait la demande au Conseil communal de ne pas attribuer la source à la zone constructible. Mais jusqu’au soir précédent l’Assemblée communale, il n’a pas reçu de réponse du Conseil communal. «Protégez notre source, venez à l’Assemblée communale!», tel était inti­tulé l’appel qu’il a déposé dans toutes les boîtes aux lettres. Le soir de l’Assemblée commu­nale, le nombre des citoyens présents était énorme, presque trois fois le nombre habituel. Le président de la commune a d’abord présenté le projet du règlement de construction et du plan des zones, phrase après phrase. Ensuite il a informé les gens présents sur les changements qui avaient été effectués sur le plan. Comme troisième changement il a mentionné, presque un peu en passant, que le Conseil communal avait décidé, après de longues discussions entre autres avec le propriétaire du terrain, d’attribuer la citerne à la zone sans affectation définie. Le propriétaire du terrain avait donné son assentiment. Le soulagement après cette solution à l’amiable était grand. Le requérant concerné s’est levé et a dit qu’il était d’accord avec la proposition et qu’il retirait sa de­mande. Le nouveau RZC a été accepté à l’unanimité des citoyens.
Pour nous, ce soir a été un exemple pour la façon de trouve un accord à l’amiable dans des situations politiques difficiles. Il ne s’agissait pas de vouloir avoir raison, per­sonne n’a fait des reproches ou formulé des accusations. On n’a pas entendu d’injures, la discussion était rude mais correcte et l’accord était fait de façon que tout le monde a pu garder la face, même la commune.    •