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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2009  >  N°30, 3 août 2009  >  «On résout les problèmes sur place, ensemble, dans un dialogue direct et ouvert, et sur un pied d’égalité» [Imprimer]

«On résout les problèmes sur place, ensemble, dans un dialogue direct et ouvert, et sur un pied d’égalité»

Récit d’un conseiller communal de petite commune suisse

Beaucoup d’étrangers qui vivent en Suisse, et de nos jours malheureusement aussi beaucoup de Suisses, n’ont pas d’idée concrète quant au travail des conseillers communaux, et ils ne comprennent pas vraiment pourquoi on dit, à juste titre, que les communes sont les piliers de la démocratie directe. Pour une meilleure compréhension de cette question, nous publions le récit d’un conseiller communal en activité.

kd. J’habite une commune d’à peu près 500 habitants. Dans cette commune je suis actuellement membre de l’exécutif, donc du Conseil communal. Il est intéressant de savoir comment on arrive à ce poste. Il arrive toujours que des conseillers démissionnent, et il faut en chercher de nouveaux. Dans une telle situation, les partis de la commune mais aussi des particuliers s’activent. Ils s’adressent à des gens dont ils pensent qu’ils seraient aptes à ce poste ou s’y intéresseraient, et leur demandent s’ils voudraient se mettre à disposition. Ceux qui répondent positivement seront présentés lors d’une assemblée communale; on s’y présente aussi soi-même. L’assemblée communale élit ensuite le Conseil communal. Pour une élection au Conseil communal, l’appartenance à un parti ne joue qu’un rôle secondaire. Il y a des partis de gauche et de droite dans les villages, mais l’appartenance à un parti est insignifiante. Moi, par exemple je suis hors partis tout comme quelques-uns de mes collègues au Conseil communal. D’autre conseillers sont dans un parti, mais comme je viens de le dire, ce n’est pas décisif.

Différentes provenances professionnelles

Nous sommes cinq conseillers communaux. Dans le canton il y a des communes qui ont trois ou bien sept conseillers. La plupart en ont cinq. Chez nous, le Conseil communal est composé de gens de différentes professions. L’un est agriculteur, un autre menuisier, l’un est à la retraite, un autre instituteur et un autre encore est spécialiste en informatique. Les conseillers ont des bases professionnelles tout à fait différentes, et c’est très précieux lorsqu’il s’agit du travail qui s’impose dans un exécutif communal. Les différents dicastères* sont distribués parmi les membres, c’est-à-dire choisis d’après le principe d’ancienneté ou bien négociés suivant les aptitudes. Les devoirs des dicastères sont: les finances, l’école, le système de santé, les alpages, l’agriculture, les pompiers, le système social, la police, l’encadrement de la jeunesse, la culture, le système d’associations, la chasse et la pêche, le service forestier et les travaux communaux. L’assemblée communale élit un des cinq conseillers communaux président de la commune et un deuxième vice-président. Lorsque je me suis présenté à l’élection, je ne savais pas encore très bien ce qui m’attendait. Ce travail m’intéressait cependant déjà depuis toujours. Je ne cesse de répéter qu’au fond chaque citoyen suisse devrait consacrer un certain temps à un tel travail. Ce ne doit pas être forcément le Conseil communal. Il y a beaucoup de devoirs qui doivent être accomplis pour qu’une commune puisse vivre. Cela devrait être évident pour chaque citoyen suisse. On entend souvent de nos jours qu’on ne trouve pas assez de personnes qui veulent le faire. Cela sert ensuite d’argument pour fusionner les communes. Il y a aussi d’autres arguments en faveur d’une fusion. Je trouve qu’il y a certainement des fusions qui sont justifiées, mais rarement. Le grand problème dans ces fusions c’est qu’il y a toujours une part de l’autonomie qui se perd.

«Nous n’avons pas d’appareil administratif»

Venons-en maintenant au travail qui est à faire: Nous avons réservé une soirée par semaine pour la réunion du Conseil. Le plus souvent elle a bien lieu. Parfois on supprime une réunion lorsque trop peu d’affaires sont à régler. On travaille aussi dans les commissions. Chez nous ce n’est rien de spécial, c’est pareil dans d’autres communes, nous n’avons pas d’appareil administratif. Nous avons un secrétaire et cinq conseillers. Nous effectuons le travail qui s’impose. Pour pouvoir se faire une idée de comment cela se passe, je vais vous donner deux, trois exemples concrets: Dimanche matin, mon téléphone sonne. C’est un écolier qui m’annonce qu’il a découvert un chevreuil mort dans un champ près du village. Naturellement j’y vais tout de suite et l’écolier me montre la bête morte. Nous appelons le garde-chasse qui arrive tout de suite et s’en occupe. La plupart des écoliers connaissent déjà le dicastère de chaque conseiller communal et ils se sentent déjà responsables de participer à résoudre une telle affaire. Dans une petite commune on a l’avantage de se connaître et grâce au contact personnel on peut aborder les questions et les problèmes ensemble.

Chercher des solutions dans l’entretien personnel

Nous recevons de temps en temps (de plus en plus ces derniers temps) des lettres de la caisse-maladie qui nous informent qu’un tel n’a pas payé ses dernières primes de caisse-maladie et les honoraires d’un traitement de par exemple 1200 francs suisses. Si la somme due n’est pas payée dans un délai de 20 jours, la caisse-maladie devra mettre en route le recouvrement et cette personne pourrait perdre sa couverture de caisse-maladie. Cela signifie pour la commune, si vraiment la protection de l’assurance est levée, que la commune devra payer les factures en cas d’opération ou de soins hospitaliers, ce qui nous reviendrait très cher, comme l’on sait. Le conseiller communal concerné doit donc s’occuper de ce cas. Il prend contact avec la personne concernée pour clarifier la situation au cours d’un entretien personnel. Soit il a oublié de payer, soit il n’a vraiment plus d’argent. Dans ce dernier cas, la commune devra d’abord payer la facture et déterminer comment on agira à l’avenir.

Aide en cas de détresse financière

Dans notre commune, il y a aussi des gens qui se retrouvent en situation de véritable détresse financière. Leur situation privée est catastrophique, ils n’arrivent plus à subvenir à leurs besoins. Il se peut que nous recevions les factures à la commune avec la prière de les payer. Ces personnes seront aussi invitées pour un entretien personnel. Deux conseillers communaux participent à l’entretien. Sur la base de l’impression qu’ils reçoivent, ils font une proposition à l’attention du Conseil. Celui-ci propose par exemple de soutenir la personne pour six mois pour assurer le minimum vital. Après six mois on fait un nouveau bilan et une nouvelle estimation. Il va de soi que le concerné, si ses circonstances financières s’améliorent, remboursera la somme qu’il a reçue. Ce soutien, c’est de l’argent de la commune et des contribuables, qui ne peut être dépensé n’importe comment. Souvent, tout ne revient pas. Mais ce qui est possible nous revient. Je trouve que c’est une très bonne solution. Evidemment nous soutenons les gens quand ils sont dans le besoin, mais il devrait être tout aussi évident qu’au moins une partie sera remboursée, lorsque les gens vont mieux.

Rester en contact avec les citoyens

Une chose plus compliquée est la révision du plan d’aménagement. Il s’agit de terrains en propriété privée ou en propriété communale, de terrains de construction, terrains agricoles, terrains industriels etc. Il s’agit toujours de questions difficiles parce que divers intérêts sont en jeu. Chez nous, on a créé une commission qui a intensément travaillé pendant une année en collaboration avec des architectes et d’autres représentants du canton. L’idée de base était de conserver les espaces verts et la beauté du village. Et comme c’est presque toujours le cas dans ces révisions du plan d’aménagement, il y a bien sûr une opposition, cela va de soi. Dans le courant de l’année, nous avons organisé plusieurs soirées d’information. Autant que possible, nous avons pris en compte les considérations de la population. Puis il y a eu la votation lors d’une assemblée communale. Il fallait répondre à la question suivante: Voulez-vous accepter la révision du plan d’aménagement tel qu’il vous a été présenté? Cette question était brûlante pour beaucoup de gens. Le débat a été très animé puis, à la fin, le vote a suivi. Le projet a été rejeté de justesse. (Rétrospectivement je suis heureux qu’il en ait été ainsi. Si le projet avait été accepté de justesse, cela aurait été peu propice pour l’atmosphère dans le village.) Maintenant, pour la commission, la question s’est posée: comment continuer? Elle a pris contact avec les représentants de l’opposition et les ont invités à se joindre à la commission. Ils ont également été élus par l’assemblée communale. La nouvelle commission a encore travaillé de manière intense pendant une année et a effectué quelques adaptations. Et le projet a de nouveau été présenté à l’assemblée communale. Cette nouvelle mouture a été acceptée à l’unanimité. Dorénavant elle est acceptée par la population villageoise et on peut se mettre à réaliser le projet.

«Quand on se rencontre on est tout de suite en plein échange»

Voilà quelques exemples parmi les problèmes que nous avons à résoudre. Il y en a des centaines. Je m’étonne toujours de nouveau de tout ce qu’un Conseil communal doit traiter. C’est ce qu’il y a de plus précieux dans ce modèle: On résout les problèmes sur place, ensemble, dans un dialogue direct et ouvert, et sur un pied d’égalité. Il n’y a pas les uns qui commandent et les autres qui obéissent. On trouve des solutions. Elles ne sont pas toujours les meilleures, des fois elles sont vraiment moins bonnes. Il faut donc de nouveau se réunir et améliorer. C’est le quotidien dans un tel Conseil. Des différends, des soucis, des difficultés, on les a aussi dans notre village, comme partout. Et malgré tout, pour la vie dans cette communauté villageoise, il est d’une énorme importance de pouvoir régler les affaires nous-mêmes, autant que possible. Cela crée un sentiment de cohésion et un sentiment de responsabilité mutuelle. L’échange sur les différentes affaires a lieu un peu partout, au magasin du village, dans la rue, à la salle de gymnastique, au bistro. Quand on se rencontre, on est tout de suite en pleine discussion: «Dis donc, qu’est-ce qui en est avec cet arrêt de bus? Ce n’est toujours pas en ordre.» Et il s’agit toujours de choses qui touchent à la vie quotidienne. Souvent ce n’est rien d’extraordinaire, mais cela montre que la solution des problèmes du village concerne tout le monde.

Ne pas gaspiller l’argent des citoyens

De temps en temps, nous organisons des séances sur un à deux jours. Nous y discutons des questions qui nous occuperons prochainement. Nous déterminons ce qu’il faut absolument faire et ce que nous pouvons remettre à l’année prochaine ou même à l’année d’après. Il faut savoir choisir les priorités. Par exemple, nous avons dû remettre à plus tard un projet qui concerne le magasin du village, bien qu’il avait déjà été approuvé. Nous devons aussi faire attention de nous en tenir au budget élaboré pour tous les dicastères. Chaque conseiller lutte pour ainsi dire pour chaque franc. C’est le franc de la commune. Ainsi, l’année passée, nous avons aussi pu payer une partie de nos dettes et même conclure avec un excédent.
Comme on le voit, la participation au Conseil communal est quelque chose de très vivant et intéressant. On apprend énormément de choses. Ceux qui apprécient les contacts humains et qui aiment trouver des solutions en commun trouvent une grande satisfaction à exercer une telle fonction.    •

*Dicastère: Ressort (Lexique Romand-Français): Origine de l’italien Dicastero, tiré d’un mot grec signifiant tribunal. Département, division administrative, bureau de service public, subdivision d’une administration communale.