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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2008  >  N°5, 4 fevrier 2008  >  «Les habitants de Gaza observent la communauté internationale» [Imprimer]

«Les habitants de Gaza observent la communauté internationale»

Louise Arbour, Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, à l’occasion de la 6e session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme à Genève, le 23 janvier 2008

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les membres du
Conseil des droits de l’homme,
Vos Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Le conflit nouvellement ré-enflammé dans les territoires occupés de la Palestine a été accompagné d’une escalade des violations des droits de l’homme. Dans toute la région le droit à la vie est menacé. Cela concerne ceux qui vivent en Israël, en particulier dans la région de Sderot et d’Ashkelon. Cela concerne les Palestiniens, en particulier ceux qui vivent dans la bande de Gaza. Pour ceux-là, ce sont presque tous leurs droits et leurs besoins vitaux qui sont confisqués.
Il est prouvé que 58 Palestiniens ont été tués à Gaza pendant les conflits de décembre 2007. Le mois de décembre fût le mois avec le plus grand nombre de victimes dans la bande de Gaza. Le nombre de blessés a également augmenté: 61 Palestiniens et 8 Israéliens ont été blessés lors des opérations de l’armée israélienne à Gaza, 6 Israéliens furent blessés par des missiles Kassam et par des grenades de mortier palestiniens. Depuis le début de l’année jusqu’au 22 janvier à midi – pendant que les hostilités continuaient en permanence – on a rapporté l’assassinat d’environ 70 Palestiniens; les seuls 15 et 16 janvier, 23 personnes ont été tuées. Les opérations mili­taires israéliennes ont continué également en Cisjordanie – en particulier dans la ville de Nablus, où les forces de sécurité palestiniennes ont essayé de rétablir l’ordre et la loi.
Bien que différentes de par leurs dimensions et leur relations, ces opérations dans lesquelles le droit international n’a pas été respecté ont conduit à la mort de civils tant du côté palestinien qu’israélien. La pratique israélienne de la punition collective – l’utilisation disproportionnée de la force et des meurtres ciblés – continue, tout comme la pratique militante palestinienne de lancer au hasard des grenades et des missiles sur Israël. Depuis le début de l’année jusqu’au 22 janvier à midi, des combattants palestiniens ont tiré environ 230 grenades de mortier et 110 missiles vers le Néguev du nord – les villes de Sderot et Ashkelon inclues.
Selon les organisations de la société civile israélienne et palestinienne, l’année précédente plus d’un tiers des Palestiniens tués étaient des civils. Les mêmes organisations rapportent qu’au cours de l’année 2007, ­7 civils israéliens et 131 civils palestiniens ont été tués. Lors des deux incidents qui eurent lieu les 15 et 16 janvier, 5 civils palestiniens ont été tués par les opérations de l’armée israélienne et 3 autres sont morts lorsque l’armée de l’air israélienne a tiré, soi-disant par erreur, un missile sur leur voiture. Le 18 janvier une femme palestinienne a été tuée et environ 30 civils ont été blessés, parmi eux plusieurs enfants, lorsqu’une frappe aérienne israélienne a été dirigée contre un bâtiment vide du ministère de l’Intérieur. Un aide volontaire équatorien a également été tué par des tirs palestiniens dans le sud d’Israël.
En supplément à la situation déjà critique dans la bande de Gaza, imposée par Israël par la limitation du transport de marchandises et de personnes à l’intérieur et à l’extérieur des territoires, s’ajouta l’escalade de la violence – ainsi que l’effondrement de la loi et de l’ordre, et les abus commis par les administrations locales et des groupes armés.
Comme le secrétaire général l’a récemment constaté, 1,4 millions de personnes vivent dans la bande de Gaza dans des conditions exécrables. A quelques rares exceptions près, le commerce légal avec Gaza est interrompu du fait de la fermeture de tous les points de passage. Cela a de graves conséquences sur l’économie et la subsistance des gens.
Le bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires rapporte que 80% des habitants de la bande de Gaza vivent en dessous du seuil de pauvreté et sont dépendants de l’aide directe des organisations humanitaires. Concernant le droit à l’alimentation, le Programme alimentaire mondial (PAM) évalue qu’entre mi-novembre et mi-décembre 2007 uniquement 56% des aliments de base qui doivent régulièrement être importés sont arrivés à bon port. Le degré de désespoir est devenu d’autant plus évident ce matin, quand des milliers de Palestiniens ont afflué de Gaza vers l’Egypte pour acheter des produits alimentaires, du carburant, des médicaments et d’autres choses qu’on ne trouve plus à Gaza. Des tireurs masqués avaient fait des douzaines d’ouvertures dans le mur frontalier pour permettre le passage. Concernant le droit à la santé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne qu’un sérieux manque de médicaments existe et que des patients ont de plus en plus de difficultés à sortir de la bande de Gaza pour obtenir des soins de base, ce qui entraîne parfois la mort du patient. L’accès à des biens et des services de base, comme l’eau, les systèmes des eaux usées et l’énergie devient incertain. L’électricité est indispensable pour des soins médicaux adéquats. Le dimanche 20 janvier, la principale centrale électrique de Gaza a été arrêtée. La centrale ne pourra redémarrer que lorsque l’approvisionnement régulier en carburant sera garanti. Le 22 janvier, Israël a autorisé des livraisons de carburant et de médicaments vers Gaza et a fait entendre qu’on réfléchissait à d’autres allègement des limitations. J’exhorte le gouvernement israélien à lever toutes les sanctions qui empêchent la libre circulation des services et des biens de consommation essentiels vers Gaza. Laissez-moi répéter ce qu’un groupe d’experts a déjà souligné en ce qui concerne les activités israéliennes à Gaza: L’utilisation de la peine collective est strictement interdite par la IV e Convention de Genève.
Même si des organisations humanitaires et des communautés de bailleurs de fonds sont chargées de procurer de l’aide humanitaire à la bande de Gaza, une telle aide à elle seule ne peut renverser la situation. C’est au mieux un soulagement. Le refus des droits vitaux et fondamentaux ne peut pas être compensé par une goutte de clémence.
En dépit des grands efforts, fournis aussi bien par les deux parties au conflit que par la communauté internationale, la situation ne peut que se dégrader pour les Israéliens et les Palestiniens. Toutes les parties concernées ­doivent mettre une fin à cette honteuse spirale de la violence, avant qu’elle ne puisse plus être arrêtée. Pour la stopper, il faut qu’une commission d’enquête crédible, indépendante et transparente demande des comptes aux responsables pour les atteintes au droit international et aux droits de l’homme. Dans tous les cas de violences avérées, les auteurs doivent comparaître devant un tribunal et les victimes doivent obtenir des réparations adéquates.
Vos excellences
La communauté internationale doit intensifier ses efforts pour que dans ce conflit soit garanti le respect des droits de l’homme, indépendamment des évolutions des accords politiques. Il est donc absolument indispensable que les Israéliens respectent le gouvernement palestinien et le Hamas dans leur autorité, à laquelle ils sont liés depuis longtemps par leurs obligations légales internationales en tant que dépositaire du pouvoir. Pendant que les Etats ­portent la responsabilité primaire de protéger des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des nettoyages ethniques toutes les personnes qui sont soumises à leur législation ou leur contrôle – suite à une doctrine confirmée de nouveau dans le document final du Sommet mondial de 2005 –, la communauté internationale tout entière se partage la responsabilité pour la protection des populations civiles. Cela est tout particulièrement le cas lorsque les administrations locales ne sont pas capables ou ne veulent pas agir de la sorte. De ce fait les habitants de la bande de Gaza observent les réactions de la communauté internationale et attendent que celle-ci réagisse de manière énergique et appropriée face à leur situation qui se dégrade de plus en plus.
Je vous remercie.    •

Source: www.ohchr.org
(Traduction Horizons et débats)

Résolution du Conseil des droits de l’homme au sujet de la situation humanitaire à Gaza

«Le Conseil exprime dans sa résolution (A/HRC/S-6/L.1) concernant les violations des droits de l’homme qui résultent des attaques militaires et invasions d’Israël dans les Territoires occupés palestiniens, en particulier dans la bande de Gaza, sa profonde inquiétude concernant les attaques militaires répétées, effectués dans les Territoires occupés palestiniens, notamment dans la bande de Gaza occupée, qui ont eu comme résultat des pertes de vie et des blessures auprès des populations civiles palestiniennes, y compris des femmes et des enfants.
La résolution a été acceptée dans une votation ouverte par 30 voix, une voix contre et 15 abstentions. Elle lance un appel urgent en faveur d’actions internationales pour mettre immédiatement fin aux lourdes violations perpétrées par Israël en tant que pouvoir occupant dans les Territoires occupés palestiniens, y compris les séries incessantes et répétées d’attaques militaires israéliennes et d’invasions, ainsi que le siège de la bande de Gaza occupée. Le Conseil exige qu’Israël en tant que pouvoir occupant lève immédiatement son siège de la bande de Gaza occupée, rétablisse le ravitaillement continu en pétrole, nourriture et médicaments et ­rouvre les points de passage aux frontières; il appelle à la protection immédiate des populations civiles palestiniennes dans les Terri­toires occupés palestiniens conformément aux droits de l’homme et au droit international humanitaire; il demande instamment à toutes les parties concernées de respecter les règles des droits de l’homme et du droit international humanitaire et de s’abstenir de toute violence contre les populations civiles. Le Conseil demande aussi au Haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, lors de sa prochaine séance, un rapport sur les progrès survenus dans la réalisation de cette résolution.»
(Traduction Horizons et débats)