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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°43, 31 octobre 2011  >  «L’Europe a besoin de vertus slovaques» [Imprimer]

«L’Europe a besoin de vertus slovaques»

hd. Peter A. Fischer éclaire de façon originale et réjouissante la position du porte-parole du Parlement slovaque actuel Richard Sulík, à partir d’un point de vue fondamental. «L’Europe a besoin de vertus slovaques. L’économie de marché n’a pas échoué, on l’a fait sauter. Pour prospérer, l’Europe doit se souvenir de ses forces. Les Slovaques, les Estoniens ou les Finlandais montrent comment faire». Le débat concernant la débâcle financière aux USA et en Europe doit urgemment être ramené dans le concret. La situation ne peut pas s’améliorer sans que les différents pays et leurs économies nationales se réapproprient la responsabilité pour leurs actions en unités chiffrables. Les citoyens de nos pays participent évidemment à la réflexion, mais seulement tant que les réflexions restent réalistes. «L’Europe et la Suisse ont leur avenir en main», dit Fischer. «Une Europe prospère a besoin de plus de Slovaques, Estoniens et Finlandais conscients de leurs responsabilités», pas de polémique là-contre. «La Suisse aussi pourrait être un modèle. Il est possible de se sortir d’une crise conformément aux conditions du marché», mais à condition de revenir aux principes de liberté et de responsabilité. Pour chaque PME et chaque entreprise agricole cela va de soi. Pour les pays d’Europe de l’Est, ce débat de fond a une toute autre dimension. Ils savent ce qu’une dictature centralisatrice entraîne avec elle et ils ne voudront pas recommencer une nouvelle fois à se soumettre à une politique de grande puissance. Le discours de Richard Sulík devant le Parlement slovaque du 11 octobre 2011 doit par conséquent nous faire réfléchir.

Discours de Richard Sulík sur le plan de sauvetage de l’euro, prononcé devant le Parlement slovaque le 11 octobre

Il y a seize mois, le 12 juin 2010 exactement, les citoyens ont donné à un gouvernement de droite le mandat, après quatre ans de vol et de népotisme, de faire de la Slovaquie un pays meilleur. Nous avons trouvé une entente concernant la composition du gouvernement ainsi que ses thèses principales. Un mois plus tard nous avons proclamé ici au Conseil national le programme gouvernemental. Celui-ci contient les phrases suivantes:
«Le gouvernement de la République de Slovaquie est unanime pour le maintien de la souveraineté des Etats membres dans le cadre de la politique sociale et économique […].»
«Pour la Slovaquie, il est très important de stopper l’endettement des générations futures […].»
«Une partie des changements doit contenir un mécanisme évident de faillite dirigée contre un pays qui pratiquerait sur la durée une politique budgétaire irresponsable».
Je constate que le renforcement du plan de sauvetage de l’euro contredit clairement ces phrases et donc de même la déclaration du programme gouvernemental.
Chaque collaboration doit être basée sur des règles claires. C’est pourquoi nous avons conclu, après les élections, un accord de coalition qui dit, dans son article II, point 5: «Toutes les décisions de principe et les ordonnances du gouvernement de la République slovaque, du Conseil national de la République slovaque ainsi que du Conseil de la coalition sont prises d’entente avec tous les partenaires de la coalition».
A l’article VI, point 1 on peut lire: «Si l’un des partenaires de la coalition devait soutenir l’opposition – lors d’un vote sur une affaire importante – contre la volonté des autres partenaires de la coalition, cela représenterait une grave atteinte aux droits des partenaires restants.»
Je constate que dans l’affaire du plan de sauvetage de l’euro, nous aurons une atteinte grossière au contrat de coalition.
Notre gouvernement est probablement unique dans le monde, puisqu’il relie le vote de confiance au vote sur le plan de sauvetage de l’euro, qui est clairement en contradiction avec la déclaration sur le programme gouvernemental, avec le contrat de coalition et avant tout avec le bon sens.
Qu’est-ce au fond que ce plan de sauvetage de l’euro, à cause duquel on veut faire tomber le gouvernement?
Au mois d’août de l’année dernière, le Conseil national a ratifié le premier plan provisoire de sauvetage de l’euro. Avec entre autres les voix du parti SaS. A l’époque, nous avons donné nos voix avant tout pour trois raisons. Il ne devait s’agir que d’une mesure temporaire de trois ans, rien que des Etats et non des banques devaient être sauvées, et finalement on ne devait accorder des crédits qu’à des pays sur le remboursement desquels on pouvait compter.
Une année plus tard, plus rien de tout cela n’a cours. C’est une déficience de la monnaie commune. Plus aucun accord, plus aucun engagement n’est valable, on ne peut tabler sur rien. Le plan de sauvetage de l’euro ne sera plus introduit à titre provisoire, on peut aussi sauver des banques, et par le deuxième crédit accordé à la Grèce on a jeté les derniers principes par-dessus bord.
Si le plan de sauvetage de l’euro n’était valable qu’à titre provisoire, comme cela a été convenu à l’origine, on aurait pu sauver des Etats. Du volume de départ à hauteur de 250 milliards d’euros on a accordé 70 milliards à l’Irlande et au Portugal, il restait donc encore 180 milliards dans le pot avec lesquels on pourrait sauver bien des pays d’Europe.
La zone euro ne se compose pas de cent ou deux cents pays, mais seulement de 17, de sorte qu’il est facile d’analyser la situation individuellement. Nous constatons que le sauvetage de quatre petits pays tels que la Belgique, la Slovénie, Malte et Chypre, ainsi que deux grands pays – l’Espagne et l’Italie – entre en ligne de compte. Pour le sauvetage des petits pays, ces 180 milliards qui sont immédiatement disponibles dans le plan de sauvetage provisoire, suffisent. Pour le sauvetage des deux grands pays, même le plan augmenté ne suffira pas.
C’est la raison pour laquelle je demande, pourquoi il est nécessaire d’augmenter ce plan de sauvetage, si par la seule augmentation, aucun autre pays ne sera sauvé? Cette question revêt son importance surtout aux yeux de ceux qui utilisent le terme de «solidarité» dans leur argumentation. Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’envi­sager un nouveau changement important: une modification des compétences. Cette modification a été adoptée le 21 juillet, tacitement et sans aucune discussion publique. Dans le cadre de l’acceptation de cette modification, le plan de sauvetage de l’euro obtient le droit d’acheter des emprunts d’Etat, d’accorder à n’importe quel pays un crédit et surtout de sauver des banques également dans des pays sains.
Comme il ressort d’un rapport du Fonds monétaire international, il manque aux banques 200 milliards d’euros et – tiens! – c’est presque exactement le montant dont le volume du plan de sauvetage de l’euro doit être augmenté, de 250 à 440 milliards. La France a déjà fait savoir qu’elle aimerait bien sauver ses banques avec les moyens du FESF (Fonds européen de stabilité financière), parce que dans le cas d’un assainissement individuel, la notation de son pays pourrait se détériorer.
Je constate que par le renforcement du plan de sauvetage de l’euro, la Slovaquie sauvera des banques étrangères.
Je constate que la Slovaquie a assaini seule ses propres banques, donc uniquement avec les moyens des contribuables slovaques, il est à présent d’autant plus incompréhensible que des banques étrangères doivent être sauvées. La Slovaquie est le pays le plus pauvre de la zone euro. De même, nous avons les salaires les plus bas de la zone euro. Malgré cela nous développons de la fierté et nous préférons vivre modestement plutôt que d’être aidés par quelqu’un, si cela nous faisait perdre l’autonomie et l’indépendance que nous avons conquises par la création de la République de Slovaquie en 1993. En même temps, on nous demande de payer la part la plus élevée de financements publics, c’est-à-dire plus de 35%, à la différence de notre voisin autrichien qui, comparé à nous, ne doit payer que la moitié de ce pourcentage. Pour les gens cela signifie qu’en cas d’une garantie totale, chaque citoyen de Slovaquie doit fournir 300 heures de travail pour cela; en Allemagne, 120 heures suffisent.
Je constate que la Slovaquie est le pays le plus pauvre de l’UE et qu’en même temps, comparé à ses finances publiques, elle doit payer le maximum.
En résumé, le renforcement du plan de sauvetage de l’euro est en contradiction avec la déclaration du programme gouvernemental, il constitue atteinte grossière au contrat de coalition et il est destiné avant tout au sauve­tage de banques étrangères. Par ailleurs, le renforcement du plan de sauvetage de l’euro est la solution la plus onéreuse pour la Slovaquie.
Depuis que nous avons appris que le plan de sauvetage de l’euro devait être renforcé, nous essayons de débattre de ce sujet. Je l’ai abordé dans le cadre des séances du gouvernement. Nous avons proposé deux fois de convoquer le Conseil de coalition et il y a eu plusieurs rencontres des chefs de partis avec la Première ministre. Malheureusement, il n’y a pas eu de débat sérieux, toute l’argumentation se basait sur la «politique mondiale». Je me suis battu pour la possibilité de pouvoir parler aux différents clubs de députés, mais nos partenaires ne l’ont pas autorisé. Le 1er juillet nous voulûmes empêcher que notre ministre des Finances vote en faveur du crédit à la Grèce; les partenaires de la coalition l’ont refusé. Lorsque nous avons rédigé et publié une brochure avec tous nos arguments, nous fûmes accusés de populisme …
Vous pouvez être assurés que nous avons soigneusement étudié tous les traités et autres documents et soupesé les arguments. Nous sommes arrivés à la conclusion que le renforcement du plan de sauvetage de l’euro causera un préjudice massif aux contribuables slovaques. Par massif je veux dire que nous ne parlons ici pas de millions, mais de milliards d’euros qui un jour devront ainsi quitter la Slovaquie pour toujours. Il faudra peut-être deux nouvelles générations pour rembourser ces dommages.
Pour cette raison nous ne voterons pas en faveur du renforcement du plan de sauvetage de l’euro. Je sais que cela nous rend très peu conformes, et cela ne me réjouit pas. Mais il s’agit d’une question de conscience essentielle. Je préfère passer pour un drôle de spécimen à Bruxelles plutôt que de devoir avoir honte devant mes propres enfants. Nous ne sommes pas collés à nos sièges et n’avons pas non plus besoin d’auges pleines. Nous sommes un parti de gens convenables. La seule chose que nous pouvons perdre, c’est notre honneur.
Je tiens la combinaison du vote de confiance avec le vote sur le renforcement du plan de sauvetage de l’euro pour un chantage. J’en suis très étonné, puisque Madame la Première ministre, à laquelle le SaS a, parmi tous les partenaires de la coalition, apporté le plus d’aide, s’est exprimé comme suit il y a encore un mois lors d’une journée commune des partenaires de la coalition avec le gouvernement à Castà-Papiernicka: «[…] Je ne vois personnellement pas la possibilité de combiner quelque chose d’autre avec le sujet du plan de sauvetage de l’euro», et «je n’assumerai pas la responsabilité d’une dé­stabilisation politique ou d’un refus du budget.»
Madame la Première ministre, tu as combiné le vote de confiance avec quelque chose qui est en contradiction avec la déclaration du programme gouvernemental et avec l’accord de coalition. En plus avec quelque chose qui causera un préjudice massif à la Slovaquie, au profit des banques étrangères. C’est pourquoi je te demande en terminant: es-tu vraiment sûre que tu agis correctement?    •

Source: http://strana-sas.sk/rede-von-richard-sulik-uber-den-euro-rettungsschirm/429 du 17/10/11 
(Traduction Horizons et débats)

La montagne de dettes a commencé par l’abandon de la couverture-or

Les vautours des dettes et des faillites ont le monde en main. Des pays endettés dictent leurs conditions à d’autres pays encore plus endettés, ce qui conduit ces derniers complètement à la ruine. C’est ce qui se passe avec la Grèce actuellement.
Comment en est-on arrivé à ce qu’une montagne de dettes se soit accumulée et écrase particulièrement les pays de l’ouest? Cela a commencé avec l’abandon de la couverture-or en 1971 par le président américain Nixon. Jusque-là les réserves monétaires définissaient la quantité d’argent en circulation. Avec l’abandon de la couverture-or, les planches à billets ont commencé à fonctionner. Ainsi est apparue une montagne de billets imprimés qui est dix fois plus grosse que les biens produits pendant la même période.
Les dettes ont une relation avec la culpabilité. Est-ce le besoin inassouvi d’avoir toujours plus et encore davantage qui a contaminé tout le monde, des aisés et des moins aisés? Est-ce le renoncement à l’honnêteté qui a commencé à empoisonner la vie en général? Sommes-nous passés à côté du panneau indicateur qui voulait nous montrer le chemin d’une vie remplie de sens?

R. Burger

Source: Editorial du magazine mediawatch.ch, no 180/octobre 2011

«Un retour à l’essentiel vaut le coup, notamment lors de situations complexes. La Suisse et beaucoup de pays d‘Europe n‘appartiennent pas par hasard aux plus riches du monde. Ils récoltent le succès de leur dur travail, d‘innovations et des valeurs de base: liberté, responsabilité et concurrence. L’épanouissement et la prospérité ne viennent pas de par un fouillis de règlements ‹harmonisants› et de bienfaisantes répartitions sous tutelle, mais de par une ouverture sûre de soi, une égalité des chances libérale et par la liberté.»

Source: Peter A. Fischer: «Europa braucht slowakische Tugenden» (L’Europe a besoin de vertus slovaques), in: «Neue Zürcher Zeitung» du 15–16/10/11

«L’Europe devrait effectuer un retour à l’essentiel qui, au lieu de la conduire à une union de dettes, la mènerait à une intégration flexible, qui favorise le libre jeu des marchés de par l’intégration économique et de ce fait laisse beaucoup de place pour la liberté et le principe de concurrence. Il est nécessaire d’instaurer une intégration qui favorise une certaine solidarité – autant que le peuple en souhaite démocratiquement – dans le cadre d’une péréquation financière efficace et qui s’engage en faveur de davantage de responsabilité personnelle. Les Etats qui se sur-endettent doivent en premier lieu être disciplinés par le marché. Des investisseurs et des banques qui financent une économie de dettes intenable, doivent se porter garant de leurs actes. La meilleure alternative à la recapitalisation forcée est l’exécution forcée. Une union monétaire a un sens si ses membres se sentent contraints de s’en tenir à une culture de stabilité comparable. Pour tous les autres, le chemin doit mener à une sortie de l’union.»

Source: Peter A. Fischer: «Europa braucht slowakische Tugenden» (L’Europe a besoin de vertus slovaques), in: «Neue Zürcher Zeitung» du 15–16/10/11

«Le premier Non du Parlement slovaque au sujet du plan de sauvetage de l’Euro a été stigmatisé par beaucoup d’observateurs comme une farce de politique intérieure. Pourtant la Slovaquie a réussi, ces dernières années, au prix d’un douloureux effort, à supprimer des faiblesses structurelles et à se régénérer, sans pour autant fuir dans un endettement incontrôlé. L’Europe devrait prendre plus au sérieux la colère grandissante contre les exigences de subventions des Etats aux finances négligentes. Les réformes slovaques, l’élan avec lequel les Estoniens sortent d’une profonde crise économique, ou bien la façon des Finlandais de surmonter l’effondrement des relations commerciales avec l’Union soviétique lors des années 90, montrent comment on procède quand on prend ses responsabilités.»

Source: Peter A. Fischer: «Europa braucht slowakische Tugenden» (L’Europe a besoin de vertus slovaques), in: «Neue Zürcher Zeitung» du 15–16/10/11