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Horizons et debats  >  archives  >  2013  >  N°20/21, 17 juin 2013  >  L’alliance de guerre contre la Syrie veut créer de nouveaux «incidents du golfe du Tonkin» [Imprimer]

L’alliance de guerre contre la Syrie veut créer de nouveaux «incidents du golfe du Tonkin»

Le Conseil des Droits de l’homme adopte une résolution partisane contre la Syrie

Depuis toujours, les grandes puissances ont recouru à des opérations de désinformation («covered operations») quand il s’agissait d’imposer leurs propres intérêts. Les «incidents du golfe du Tonkin» (cf. encadré) qui ont conduit à l’escalade de la guerre du Viêt Nam n’en sont qu’un exemple: on pourrait y ajouter la Révolte des Boxers de la fin du XIXe siècle qui offrit l’incident tant désiré pour envoyer le corps expéditionnaire allemand dans l’Empire du Milieu. – Incités par le «Discours des Huns» de l’empereur Guillaume, les Allemands perpétrèrent un bain de sang parmi la population chinoise afin de faire comprendre au dernier Chinois que les maîtres des lieux étaient les Européens. De même, l’assassinat de Sarajevo entraîna l’Europe et finalement le monde entier dans une guerre faisant son entrée dans l’Histoire comme une des «tempêtes d’acier» les plus cruelles et ensanglantées.

thk. Depuis toujours, des incidents relativement insignifiants furent saisis comme prétexte pour anéantir des vies humaines et imposer ses intérêts de pouvoir. Pour ceux qui pensent que de telles machinations primitives de propagande sont périmées et ne figurent donc plus dans l’arsenal des Etats actuels à ambition impériale il est temps de se détromper et de regarder la réalité en face, aussi révoltante et abominable soit-elle. Récemment, on a appris par des informations que des résidus de gaz toxiques en Syrie avaient été trouvés et qu’il était prouvé que c’était le président syrien Bachar el-Assad qui les avait utilisé. Dans cette situation, continua-t-on, la «ligne rouge», définie par le président américain, était dépassée ce qui contraignait la communauté internationale à agir. Il n’y a pas de doute que l’utilisation de gaz toxiques constitue un crime de guerre, tout comme le déclenchement d’une guerre d’agression ou l’assassinat de civils par des drones, actions auxquelles le président Obama, prix Nobel de la paix de 2009, s’épanche à merveille. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, responsable de la nouvelle concernant la prétendue utilisation de gaz toxiques, s’efforça à la rendre fiable – ce qui à 5 heures du matin n’était encore qu’une conjecture pour le gouvernement français, se transforma le soir-même en preuve – voilà ce qu’on appelle être prompt.

Laurent Fabius se transforme-t-il en deuxième Colin Powell?

On ne peut s’empêcher de se remémorer la situation d’il y a 10 ans, avec tous les mauvais sentiments et la révolte qu’elle suscita, où le secrétaire d’Etat d’alors, Colin Powell, tenta de faire croire au Conseil de sécurité de l’ONU que Saddam Hussein disposait d’armes de destruction massive. A cette époque, c’étaient précisément les Français sous le gouvernement de Jacques Chirac qui s’étaient opposés à une intervention en Irak, ce qui empêcha une résolution du Conseil de sécurité en faveur d’une intervention. La France trouva le soutien du Chancelier fédéral d’alors, Gerhard Schroeder. Aujourd’hui la France et la Grande-Bretagne veulent forcer l’intervention militaire pour provoquer la chute de Bachar el-Assad. L’Allemagne aussi fait défaut de toute démarche contre la guerre. La France ne résiste que difficilement à la tentation de récupérer le contrôle sur les pays tels que la Syrie et le Liban, occupés pendant la Première guerre mondiale (accord Sykes-Picot) et ensuite perdus au cours de la décolonisation. Voilà le but qui oriente l’action française et qui n’est pas en conformité avec le droit international. Il est difficile de dissimuler qu’il s’agit de la renaissance d’anciennes méthodes de manipulation et que les pays responsables sont mis sous pression par les grandes puissances et leurs lobbies économiques et financiers de partir en guerre.
Depuis quelques semaines, l’armée syrienne réussit de plus en plus à repousser les mercenaires ennemis opérant dans le pays qui ne connaissent guère les notions de la démocratie, du pluralisme et des droits de l’homme. Le pays veut sauvegarder son indépendance et non pas sombrer dans le chaos à l’instar de l’Afghanistan, de l’Irak ou de la Libye. Voilà ce qui rend nerveux les stratèges occidentaux car leurs plans risquent d’échouer. Ce qui fut possible en 2003 en Irak et qui se répéta en 2011 en Libye semble être voué à l’échec face aux forces qui s’opposent à l’expansion de la guerre.

Pourquoi le Conseil des Droits de l’homme est-il partial à ce point?

Le Conseil des Droits de l’homme de Genève a traité lui aussi, lors de sa session en cours, le «cas syrien». L’observateur silencieux ne peut pas nier l’impression que la plupart des pays représentés dans ce Conseil suivent un raisonnement tout à fait partial. Le 29 mai, le Conseil publia une «résolution urgente» condamnant de manière exclusive le procédé de l’armée syrienne à Al-Qusayr. Le texte de cette résolution est rédigé de manière si partiale qu’il est évident que divers Etats occidentaux et arabes ainsi que la Turquie ont tout fait pour persuader le public mondial de la nécessité d’une intervention militaire. Une fois de plus on veut nous tromper.
Le modèle actuel est toujours le même, celui qui «eut du succès» dans le passé: en février 2003, – après qu’il fut clair qu’il n’avait pas le soutien nécessaire au Conseil de sécurité – Colin Powell, ministre américain des Affaires étrangères, présenta devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York des «preuves» que Saddam Hussein disposait d’armes chimiques, biologiques et nucléaires. Il étaya ses affirmations avec des informations provenant des services secrets et un rapport de séminaire d’un étudiant, rédigé dix ans auparavant, avec les mots
«I have a fine paper». En réalité, rien de tout cela n’était vrai, que des mensonges. Et les conséquences: des centaines de milliers de morts innocents, un pays détruit qui n’a toujours pas trouvé le repos – uniquement au cours des derniers 30 jours plus de mille personnes ont été tuées en Irak lors d’attentats à la bombe – et un grand fossé entre les pays islamiques et l’Occident qui prendra des décennies, sinon des siècles, pour se combler. Est-ce cela, l’avenir des Syriens? Lors de la votation sur cette résolution au Conseil des Droits de l’homme, il n’y eut, à part 8 abstentions, qu’une seule voix contre. C’était la voix du Venezuela, seul pays à avoir trouvé le courage de s’opposer aux plans des Etats-Unis (cf. encadré).
Ce Conseil onusien a la tâche de détecter les violations contre les droits de l’homme, de les nommer et d’engager les Etats concernés à les garantir. Le Conseil dispose d’instruments basés sur le droit international, qui ont pour but d’aider les Etats à respecter et à implanter les droits de l’homme. Livrer des armes à des rebelles et des terroristes qui hantent la Syrie depuis plus de deux ans n’y figure certainement pas. Ce qui se passe pourtant lors des sessions de ce Conseil onusien à Genève, sont des condamnations partiales d’Etats individuels, avant tout de ceux qui ne veulent pas se faire instrumentaliser pour les buts poursuivis par l’0ccident.

Carla del Ponte a contrecarré les plans bellicistes de l’OTAN

Récemment, le président de la «Commission of Inquiry on the Syrian Arab Republic» (Commission d’enquête) créée en août 2011, le brésilien Paulo Sérgio Pinheiro a présenté son rapport. Ce rapport aussi, est unilatéral et ne contribuera guère à la solution du conflit. Carla del Ponte, ancien procureur général suisse et ancienne procureure du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, est elle aussi membre de cette Commission. Il y a un mois environ, elle a contrecarré les plans de l’alliance belliciste qui voulait faire croire qu’el-Assad avait utilisé des gaz toxiques, en rendant, suite aux faits connus, les rebelles responsables de ce crime et non pas le gouvernement de Bachar el-Assad. Il est donc plus que douteux qu’aujourd’hui, un mois plus tard, François Hollande, président français, et son ministre de la Défense Fabius, essaient une fois de plus de rendre el-Assad responsable de l’utilisation de gaz toxiques. Cela semble être une nouvelle tentative de créer le prétexte pour une intervention militaire en Syrie.

Unique solution: favoriser le dialogue

Malgré la partialité du rapport, Pinheiro met en garde contre l’idée de vouloir résoudre le conflit par une intervention de l’extérieur: «La Syrie a besoin de davantage d’efforts diplomatiques». En même temps, il critique la livraison d’armes aux rebelles. «Davantage d’armes n’aboutit qu’à davantage de morts et de blessés […]. Le dialogue est la seule voie pour arriver à une solution». Voilà tout de même une petite éclaircie dans ce sombre chapitre que sont les efforts internationaux pour la résolution du conflit syrien. Les initiatives du gouvernement russe pour résoudre le conflit par des moyens paisibles, sont méritoires face à la situation très tendue. Tandis que l’Occident, avec la France et les Etats-Unis en première ligne, continuent à jouer avec le feu, ce qui les contraindra à assumer finalement la responsabilité du grand incendie qu’ils risquent d’allumer, la Russie envoie une partie de sa flotte en Méditerranée pour marquer sa présence (cf. encadré à la p. 3)
La fin des effusions de sang ne se produira qu’à la suite de dialogues constructifs, tels que les diverses parties les exigent. La communauté internationale a le devoir de s’engager dans ce sens.    •

Qu’est-ce que les «incidents du golfe du Tonkin»?

thk. En août 1964, le président Lyndon B. Johnson annonça que des bateaux rapides nord-vietnamiens avaient attaqué le destroyer américain Maddox dans le golfe du Tonkin, alors que celui-ci se trouvait dans les «eaux internationales» et que les Nord-Vietnamiens n’avaient pas «été provoqués». Le président Johnson avait alors annoncé que les USA ne pouvaient pas faire autrement, ils devaient maintenant élargir la guerre. Des années plus tard, il s’est avéré que cette attaque contre ce bâtiment de guerre américain n’avait jamais eu lieu.

Poutine: La Russie a des intérêts stratégiques en Méditerranée

Avec le projet du stationnement permanent d’une division de marine en Méditerranée, la Russie ne veut pas, selon le président Vladimir Poutine, faire des bruits de bottes, mais poursuivre ses propres intérêts de sécurité.

«Le rétablissement de la présence permanente de la marine de guerre russe n’est pas un signe pour des bruits de bottes», a déclaré Poutine lors de sa visite de la centrale de commandement des forces armées à Moscou. «C’est une importante région stratégique. Nous y avons nos intérêts liés à la ga­rantie de la sécurité nationale de la Russie.»
Cette unité sera munie de bateaux et d’armements modernes, a indiqué Poutine. Il a rendu hommage à la coopération avec l’OTAN dans le combat contre la criminalité et la piraterie marine et a exprimé sa totale confiance en la division de marine russe en Méditerranée pour établir des bons rapports avec les collègues, les pays riverains et les autres pays partenaires présents dans la région. […]
La Russie prépare maintenant une nouvelle division de marine qui sera toujours présente en Méditerranée.

Source: http://de.rian.ru/security_and_military/20130606/266259658.html du 6/6/13

(Traduction Horizons et débats)

Prise de position de la délégation de la République bolivarienne du Venezuela

Je vous remercie, Monsieur le Président,

Le Venezuela partage les inquiétudes dues à la perte de vies humaines innocentes, en tout lieu sur terre. Par contre, nous ne partageons pas le point de vue qui utilise la protection de vies humaines comme prétexte pour une intervention étrangère.
Il est inconcevable que l’on puisse continuer, dans ce conseil, à travailler sur des mécanismes unilatéraux d’interventions. Cette séance urgente fait partie de l’agenda de la pression, effectuée par Washington. On ne tient pas compte des différentes instances formelles, qui existent au sein des réunions du conseil pour aborder des situations comme celle ayant lieu aujourd’hui en Syrie. Il est nettement visible qu’ils ne sont pas intéressés à une solution pacifique du conflit; et ils ignorent chaque proposition qui pourrait amener une réconciliation par le biais du dialogue et de la participation démocratique, tel que le gouvernement syrien l’énonce de façon responsable.

Monsieur le Président,

Notre délégation est inquiète de la politique du «deux poids, deux mesures» de certains Etats, qui imposent des interdictions et des sanctions au gouvernement syrien, mais qui, en même temps, encouragent et soutiennent les groupes terroristes directement impliqués dans les actions de violences contre la population syrienne, et qui ont même récemment, sans le cacher et illégalement, autorisé des livraisons de munitions et d’armes à ces groupes. Et tout cela au nom de la paix.
Nous refusons l’intervention de puissances étrangères dans la République arabe de Syrie et les condamnons. Ces puissances se sont une fois de plus basées sur le scénario suffisamment connu de plaintes sur des soi-disantes violations des droits de l’homme et du droit international, pour pouvoir ainsi justifier leur intervention militaire et par ce biais appliquer leur politique de changement de régime sous le manteau de la soi-disant «responsibility to protect», qu’ils veulent imposer à n’importe quel prix. Tel qu’ils l’ont pratiquée en Libye, en violation évidente des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies.
En conclusion, le Venezuela renforce son soutien au gouvernement du président al-Assad en tant que représentant légitime de son peuple et il a renouvelé son appel visant à respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Nous voulons aussi rendre hommage aux efforts des administrations syriennes pour favoriser le dialogue et les négociations politiques recherchant un arrêt de la violence et une solution pacifique du conflit. Nous faisons confiance à la capacité du peuple syrien et du gouvernement syrien à résoudre leur situation délicate de politique interne sans intervention étrangère et nous respectons l’usage de leurs pleins droits à l’autodétermination.
Merci beaucoup.

Genève, le 29 mai 2013

Source: https://extranet.ohchr.org/sites/hrc/HRCSessions/RegularSessions/23rdSession/OralStatements/Venezuela_07.pdf 

(Traduction Horizons et débats)