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Horizons et debats  >  archives  >  2011  >  N°32, 15 août 2011  >  Le Mécanisme de stabilité européen, manœvre dilatoire pour différer les faillites [Imprimer]

Le Mécanisme de stabilité européen, manœuvre dilatoire pour différer les faillites

Inverview de Joachim Starbatty, professeur d’université, Tübingen

Horizons et débats: Au mois de septembre, le Bundestag devrait adopter une loi rendant contraignant pour l’Allemagne l’accord conclu par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne sur l’introduction du Mécanisme de stabilité européen (MSE) à partir de 2013: jusqu’ici, l’opinion publique ne sait quasiment rien du contenu de ce MSE. Avez-vous envisagé de porter de nouveau plainte devant la Cour constitutionnelle allemande?

Joachim Starbatty: Le Mécanisme de stabilité européen prend la relève du Fonds européen de stabilité financière (FESF) censé protéger l’euro contre les attaques des spéculateurs et dont l’existence est limitée à deux ans. Transformé, il devra soutenir les États menacés de faillite, et cela durablement. Il passera de 750 à 1000 milliards d’euros. Le FMI apportera 250 milliards et les États de la zone euro 750 milliards. Ce qui est remarquable, c’est que les prêts accordés par le MSE prévoient un fonds de garantie de 250 milliards afin d’obtenir la meilleure note (triple A). Il faut s’attendre à ce que certains pays ne puissent pas se porter garants puisqu’ils sont eux-mêmes en difficulté. Le MSE est même en droit d’acheter des emprunts des États au bord de la faillite. C’est à cela que s’oppose surtout la Banque centrale allemande car, en finançant directement les déficits publics d’autres pays, on s’engage dans une union européenne de dettes.
En contrepartie, la chancelière allemande a pu imposer le Pacte de l’euro qui vise à augmenter le rendement et la compétitivité des États de la zone euro: retraite à partir de 65 ans, prise en compte du facteur démographique dans le calcul des retraites; prise en compte de l’augmentation de la productivité lors des accords salariaux, suppression des clauses d’indexation des salaires, par exemple en Italie, en Belgique et au Luxembourg. Ici, les pays concernés manifestent une forte (et en partie insurmontable) opposition. On a fini par convenir que les pays membres s’efforceraient d’obéir à ces critères d’obligations financières: obligations financières concrètes des pays débiteurs de la zone euro en échange d’un «engagement à faire des efforts». Cela équivaut à des «non-valeurs» classiques (créances irrécouvrables).
D’un point de vue économique, le MSE prolonge la survie des pays au bord de la faillite sans vraiment les assainir. Il s’agit donc d’une manœuvre dilatoire imposée par le sommet qui plonge davantage les pays endettés dans la spirale des dettes. Notre plainte déposée devant la Cour constitutionnelle fédérale devrait amener la Cour à mettre des garde-fous juridiques contre les endettements sans limites afin que les pays ne se noient pas financièrement.

Nombreux sont ceux qui prétendent que c’est surtout l’Allemagne qui est touchée par les plans de sauvetage et qu’elle le sera également par le MES. Etes-vous de cet avis? Existe-t-il un projet politique d’autres Etats et gouvernements destiné à affaiblir l’Allemagne?

Ayant la plus forte économie, l’Allemagne participe pour 27% aux mesures de sauvetage. Cela correspond à sa part du capital propre de la Banque centrale européenne; cette part dépend du poids relatif des Etats de la zone euro. Elle augmente naturellement si certains Etats cessent d’être des garants. Il n’y a donc pas de limite supérieure. C’est également valable pour la France, dont la part est de 20%. Comme en France le chômage est plus important, le taux de croissance plus faible et la dette souveraine beaucoup plus élevée qu’en Allemagne, le poids de la dette française va être beaucoup plus lourd.
Il n’y a pas de projet d’affaiblir l’Allemagne. Une Allemagne affaiblie ne pourrait plus répondre aux obligations des Etats endettés de la zone euro. Une autre question est de savoir si l’actuel sauvetage des Etats endettés endossé par tous affaiblit l’Allemagne. Ici, la réponse est oui.

Comment les autres pays de l’UE réagissent-ils au projet de MES?

La plupart croient que l’Allemagne les abrite et leur épargne en grande partie les tempêtes. C’est une illusion et la France en particulier s’en rendra bientôt compte. Là-bas, la problématique de la dette sera le sujet déterminant de la campagne présidentielle et un mouvement des «vrais Français» va se constituer.

Quelles solutions voyez-vous à la crise actuelle de l’endettement qui touche presque tous les pays de l’UE? Que faudrait-il faire pour que naisse la volonté politique nécessaire?

Tout d’abord prendre conscience qu’on ne peut pas remédier à des structures de production défectueuses, comme le marché américain de l’immobilier, au moyen d’une politique financière et monétaire inconsidérée. On ne fait que retarder et aggraver les problèmes. Pour la zone euro, l’idée ancienne doit s’imposer selon laquelle les gouvernements savent qu’ils sont responsables du laisser-aller de la politique financière.
L’Economist, magazine économique de réputation mondiale, a écrit que «l’économie moribonde de la Grèce n’[était] absolument pas compétitive». Cela s’applique également aux autres pays endettés de la zone euro. La seule solution pour eux est de quitter l’Union monétaire, de dévaluer leur monnaie, qui redeviendrait une monnaie nationale, et de rééchelonner sérieusement leur dette. C’est le seul moyen pour eux de redresser leur économie. S’ils ne le font pas, l’Allemagne aura, dans un avenir pas si lointain, également besoin d’un sauveteur.     •

Déclaration de Berlin des entreprises familiales sur la crise de l’euro*

Avec sa politique de sauvetage de l’euro, le gouvernement fédéral s’est engagé sur une voie funeste. Le gouvernement est responsable de ce que la limite supérieure de la dette souveraine décidée au moment de l’introduction de l’euro n’a pas été respectée. Il a abandonné l’année dernière le principe selon lequel aucun pays ne devait répondre des dettes d’un autre pays de la zone euro. Et par sa politique, il a finalement contribué à faire perdre son indépendance à la Banque centrale européenne.
Les risques qui pèsent sur le budget allemand sont devenus imprévisibles. Aussi le Bundestag doit-il agir. C’est ce que lui demandent expressément les entreprises familiales. L’Union monétaire doit reposer sur de nouvelles bases. Il doit devenir possible d’en sortir ou d’en exclure tel ou tel pays. Les Parlements nationaux doivent utiliser davantage toutes leurs compétences que jusqu’ici.
Les entreprises familiales qui soutiennent cette déclaration observent avec une vive inquiétude ce qui se passe au sein de la zone euro. Leur pensée et leur action sont déterminées par le leitmotiv de la responsabilité individuelle. Le sérieux, la stabilité et la durabilité sont leurs principes suprêmes. C’est ce qui a fait d’elles l’élément porteur de l’économie allemande. Elles savent quel rôle essentiel jouent à cet égard des finances publiques saines et une monnaie stable.
Les règles du Traité de Maastricht axées sur la stabilité et les mesures disciplinaires qu’il contient se sont avérées insuffisantes, Une minorité de pays de la zone euro respecte le plafond dans ses nouvelles dettes. Et la «clause de no bail out» du Traité de Lisbonne qui interdit de recourir à l’argent des contribuables d’un pays pour résoudre les problèmes financier d’un autre pays a pratiquement été jetée par-dessus bord avec le plan de sauvetage de la Grèce.
L’Union monétaire est devenue une union de transfert. Avec les plans de sauvetages généreux destinés à l’Irlande et au Portugal les risques ont considérablement augmenté et pourraient s’aggraver. La crainte que les mesures d’économie imposées ne freinent plutôt qu’elles ne favorisent la conjoncture est justifiée. En effet, les économies frappent avant tout les couches les plus défavorisés de la population et constitueront plutôt un obstacle aux investissements, à la consommation, à l’emploi et donc à une éventuelle croissance et aviveront les tensions sociales dans les pays concernés. Les émeutes récentes en témoignent.
Actuellement c’est la République fédérale qui porte le plus grand poids de la crise de l’euro. Si l’on additionne le plan de sauvetage de la Grèce et la garantie de l’Allemagne pour le Fonds européen de stabilité financière (FESF), on arrive à un montant total de 141 milliards d’euros. Quand le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) entrera en vigueur, les garanties de l’Allemagne pour le sauvetage de l’euro se monteront, en l’état actuel des négociations, à 190 milliards d’euros. Ainsi l’Allemagne prend des engagements additionnels qui représentent un bon tiers de l’ensemble des recettes fiscales de la Fédération, des Länder et des communes. A cela s’ajoute le fait que la Banque centrale européenne a abandonné son indépendance. A la demande pressante des gouvernements, elle finance maintenant des dettes souveraines dans des proportions inconnues jusqu’ici. En outre, elle doit répondre des milliards de pertes des banques qui dépendent d’elle.
Ainsi, aucune des promesses qui nous ont été faites au moment de notre adhésion à l’Union monétaire n’a été tenue:
•    la promesse que l’introduction de l’euro représentait un pacte de stabilité et de croissance,
•    celle qu’aucun pays ne devait répondre des dettes d’un autre pays et finalement
•    celle que la seule mission de la Banque centrale européenne était de garantir la stabilité.
Maintenant la balle est dans le camp du Parlement. Les entreprises familiales qui s’associent à cette Déclaration demandent aux députés au Bundestag de mettre fin à la politique irresponsable de l’Allemagne en matière de dettes. Même le Conseil scientifique auprès du ministère fédéral de l’économie a vivement critiqué cette politique des plans de sauvetage et rejeté la justification selon laquelle il n’y avait «pas d’alternative».

Stiftung Familienunternehmen, Prinzregenten­strasse 50, D-80538 München,
info@familienunternehmen.de,
www.familienunternehmen.de

On trouvera la liste des 100 entreprises familiales qui soutiennent la «Déclaration de Berlin» sur le site indiqué ci-dessus.
(Traduction Horizons et débats)

*La présente Déclaration de Berlin a été rédigée dans le cadre de la Conférence monétaire mondiale que la Fondation Familienunternehmen et la «WELT-Gruppe» ont organisée le 27 juin 2011 à Berlin.