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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°13, 2 avril 2012  >  Pour en finir avec le carcan de l’UE [Imprimer]

Pour en finir avec le carcan de l’UE

Revitaliser les communes en encourageant les citoyens à s’engager

par Henriette Hanke Güttinger, historienne et psychologue, Suisse

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes très heureux de pouvoir participer à cette réunion et de vous présenter notre contribution pour répondre à la question suivante:
Comment peut-on rendre l’Union européenne superflue?
En premier nous aimerions brièvement expliquer pourquoi l’invitation à cette réunion nous a tant réjouis. Pour nous Suisses, une invitation venant de France est quelque chose de spécial. Nous nous sentons très lié à la France qui est une nation avec une longue est grande histoire et avec laquelle nous avons beaucoup de points en commun. Mais surtout nous avons une grande estime pour les importantes contributions de la France à la culture chrétienne occidentale, à l’époque des Lumières en Europe, au développement de la démocratie et des droits de l’homme.
L’aspiration à la liberté et l’opposition à toute domination étrangère est un point commun dans l’histoire de la France et la Suisse. Le mot «résister», gravé dans une pierre de la tour de la forteresse d’Aigues-Mortes, correspond au sentiment fondamental des citoyens français tout comme des citoyens suisses. Nous n’avons qu’à nous souvenir du Général de Gaulle ou des convictions qui ont mené à la création de la Confédération helvétique.
Mais revenons maintenant au sujet de notre réunion:
Dans un grand nombre de pays d’Europe on peut observer des développements néfastes similaires. En parallèle avec les fusions de communes et suite aux conséquences de la mondialisation toujours plus de villages se sont vidés de leurs habitants. Les bureaux de poste, les cafés, les restaurants, les petits magasins de village et même les écoles ont disparu. Cela provoqua aussi la réduction des travaux en commun, des discussions et bavardages quotidiens, une des bases de toute culture politique et démocratique.
Cela nous amène à nous poser la question suivante:
Comment pouvons-nous revitaliser la vie communautaire dans les villages et les communes, dans les municipalités et les départements, pour que la démocratie puisse de nouveau se prendre au sérieux?
Qu’avons-nous en mains – chacun de nous – pour contribuer à améliorer la situation dans notre commune dans notre région, sans attendre des améliorations de la part des instances politiques supérieures ou même du centralisme bruxellois. Si nous voulons changer la situation actuelle de l’Europe, si nous voulons stopper la gangrène qui se développe au sein de l’Union européenne, alors il faut sérieusement se demander par où commencer? Nous devons nous tourner vers les origines de la vie sociale, culturelle et politique, c’est-à-dire, vers les communes. C’est dans l’entité de base – la municipalité ou chez nous la commune – que la vie doit reprendre ses droits. Cela rayonnera sur le tout et s’épandra dans la société.
Et cela est aussi une réponse à la question comment rendre l’UE superflue.
Nous voulons partir de ce qui existe déjà. La convivialité, l’esprit communautaire font partie des besoins de l’homme. Dans la plupart des communes se trouvent des fanfares, ces cercles sportifs, des amicales des femmes, des groupes de chasseurs, des pompiers, des associations d’anciens combattants, des clubs de pétanque ou de boules, des club de lecture, des bibliothèques etc. Avec de telles activités communes, dans l’intérêt du bien commun – mais pas pour un enrichissement personnel ou des divertissements égocentriques –, nous pouvons commencer la revitalisation de nos communes. Dans ce contexte nous désirons aussi mettre le poids sur la belle tradition française des «Tables d’hôtes».
La France est dans l’heureuse situation d’avoir encore un très grand nombre de communes.
Des amis m’ont raconté que votre pays avec ses 65 millions d’habitants est divisé en un total de 36 500 communes avec un nombre moyen d’habitants de 1700, ce qui permet de garder une bonne vue d’ensemble. La France est le pays européen avec le plus grand nombre de petites communes. C’est un avantage important, car ainsi la population peut être associée de manière optimale. C’est ce dont il faut profiter pour la revitalisation. Outre cela, ces communes ont gardé depuis 1884 une grande autonomie et il semble que depuis plus de deux siècles, il n’y ait plus eu de réformes communales systématiques en France. Ces entités de base ont ainsi une longue tradition et donnent à leurs habitants appui et identité.

Quels sont les problèmes et quelles sont les solutions?

Sous l’hégémonie américaine et lors de la construction et la consolidation de l’Union européenne, l’initiative personnelle et les réflexions politiques des citoyens n’étaient lues guère désirées. Les conséquences sont omniprésentes. Jusqu’aux années 60, les communes étaient florissantes, avec quantités d’initiatives individuelles dans toute l’Europe. Puis vint la politique européenne avec sa mise au pas laminant à l’aide d’une kyrielle de lois et de directives insensées. Les pays avec leurs communes ont dû s’adapter à ces prescriptions rigides parce que les subventions étaient octroyées que pour certains projets. Cela a influencé le choix des projets, on a dû se limiter aux projets pour lesquels on pouvait obtenir de l’argent. L’Union européenne répéta ainsi la politique d’économie planifiée pour laquelle l’ancienne Union soviétique avait été dénoncée de la façon la plus déterminée.
A l’aide de sa politique des subventions, l’Union européenne a créé au sein de ses citoyens un sentiment de dépendance et a tenté d’étouffer toute initiative individuelle. On peut bien partir de l’idée que c’est son but d’empêcher toute participation des citoyens parce qu’elle craint sa propre perte de pouvoir. Cela peut créer le sentiment auprès des citoyens, qu’il faut regarder vers le haut plein d’espoir et attendre, au lieu de se servir de sa propre raison et de se demander: Qu’avons-nous à disposition? De quoi avons nous besoin? Que pouvons-nous construire de nos propres forces? Nos ancêtres n’ont-ils pas créé de cette manière tout ce qui a été acquis sous forme de substance intellectuelle, de culture politique, de connaissances scientifiques et techniques comme base de notre civilisation et de la culture chrétienne occidentale?
Tout ce qui fait la cohésion d’une commune et qui permet la vie en commun – notamment la distribution des eaux, l’exploitation forestière, la collecte et le traitement des déchets, la véritable protection
de la nature, la régulation des affaires sociales – tout cela a très bien fonctionné sans interventions de Bruxelles. Mais depuis, les interventions de l’UE ne font que bloquer ou paralyser les activités et la vie des habitants.
Donnons un aperçu de la façon comment la vie en commun peut se développer.
Elle s’organise par l’activité en commun, par le développement en commun de solutions adaptées à résoudre les problèmes qui se posent à la communauté. Ainsi, un sentiment de cohésion, un sentiment de responsabilité pour le tout, peut se former et se renforcer: cela fait également croître la confiance en ses propres capacités et ses forces. Des individus deviennent des camarades, des amis qui aiment participer,
nos fils et nos filles, nos élèves et nos jeunes seront prêts à préparer leur propre avenir avec nous. Voilà le remède spécifique contre le sentiment d’impuissance et de résignation. C’est ainsi depuis la nuit des temps, dans le monde entier, parce que cela correspond à la nature sociale de l’être humain.
Citons un petit exemple d’une commune dans les Cévennes. Les habitants y ont créé, il y a plus de 100 ans, le «Club Cévenol» qui s’est engagé pour le maintien de la culture et de la nature typiques des Cévennes. Les gens y ont affronté avec une grande ténacité et une richesse d’idées impressionnante les dures conditions naturelles.
Je cite un extrait d’un texte paru dans «Horizons et débats»: «Pour l’irrigation d’une petite prairie de 20 m de largeur on a creusé dans le rocher une rigole d’un kilomètre de long à partir d’une source. A d’autres endroits on a planté et entretenu des châtaigniers afin de préparer avec leurs fruits entre autre de la farine. Mais on a aussi aménagé des ‹Faisses› pour y faire pousser des céréales.»
De la même manière qu’ils ont affronté les conditions naturelles, ils résistent aussi aux menaces actuelles: Avec la même intuition fine pour une protection véritable de la nature, les «Cévenols» ont démasqué les dangereux projets de l’UE. Aujourd’hui, ils doivent se battre contre l’anéantissement de leur identité historique, culturelle et religieuse, que l’UE entreprend, notamment au moyen d’une nouvelle Charte pour le Parc national des Cevennes.
Un autre exemple comment la vie en commun peut naître, venant d’une commune allemande: Là, les citoyens se sont retrouvés pour créer un service de repas pour les personnes âgées. Dans une commune autrichienne, le Conseil communal a acheté trois véhicules pour les louer aux habitants du village en cas de nécessité. Dans une autre commune, le président tient absolument à empêcher que le village soit dénaturé par des constructions. Il est conscient de l’importance de préserver un vrai centre de village qui permet aux gens de se rencontrer. Dans une commune italienne une habitante s’engage à faire les piqûres nécessaires aux personnes âgées, afin de leur éviter le pénible trajet pour aller en ville.
Partout où les hommes vivent ensemble, on peut trouver de tels exemples. Ils montrent comment chacun peut contribuer au bien commun de sa propre initiative et par ses propres forces sans devoir attendre que quelque chose soit réglé ou installé «d’en haut». Ce sont des impulsions «d’en bas» et non «d’en haut». Cela donne aux gens, à part le sentiment sain de leur propre importance pour autrui, la sécurité que tout ce que la vie exige de nous, peut être résolu en commun.
En Suisse, nous ne nous demandons pas si l’Etat est là pour le citoyen; non, nous disons «Nous sommes l’Etat». Et du coup nous assumons tout naturellement la responsabilité qui en découle.
Pour revitaliser les communes les questions suivantes se posent: Où est-ce que le savoir de base nécessaire est encore présent et où est-ce qu’il doit être réappris? Où faut-il avant tout de l’encouragement, pour qu’il y ait un déclic qui permette d’être actif, pour que les forces puissent croître et que chacun se rende compte: Ma participation est décisive!
 C’est valable déjà pour les enfants dans les familles et plus tard à l’école. Il faut que la jeunesse soit associée aussi bien dans le quotidien de la famille, que dans les devoirs quotidiens de la commune: Réfléchir avec les autres et aider. C’est toujours étonnant de voir quelles capacités se dévoilent ou se développent, quel engagement apparaît, lorsque nous traitons nos jeunes comme de vrais «citoyens», en les encourageant et en leur donnant des responsabilités. Ainsi, ce qui a fait ses preuves dans le passé pourra être transmis et sera garanti pour les générations futures. Le travail la main dans la main avec toutes les générations au sein de la commune ou de la municipalité est la base pour leur revitalisation. Toutes les générations sont nécessaires.

La coopérative: Une solution valable pour l’avenir

Dans le contexte de la revitalisation des communes, il faut mentionner – ou plutôt souligner – l’importance des coopératives.
La France dispose dans le domaine de l’aide mutuelle d’une somme d’expériences considérable: nous pensons à des personnalités telles que Charles Fourier, Philippe Joseph Benjamin Buchez, Charles Gide, Louis Blanc, pour en nommer que les plus importantes. (cf. Faust, Geschichte der Genossenschaftsbewegung). Eux tous ont contribué à rendre utile l’idée de l’auto-responsabilité, de l’aide mutuelle et de l’autogestion pour trouver des solutions aux problèmes communs dans les domaines économique et social. En annexe vous trouverez quelques informations bibliographique à ce sujet.

Conclusion

Chacun de nous a le noble devoir de participer à cette œuvre filigrane. Chacun est important!

L’être humain n’est pas un grain de sable, il est citoyen sur cette planète. C’est ainsi que nous faisons un contrepoids efficace à l’Union européenne. Quand cela recommencera à fleurir dans un grand nombre d’endroits, dans beaucoup de pays européens, l’UE ne sera plus qu’un simple canard en caoutchouc: A peine a-t-on enlever le bouchon que l’air sort d’elle-même, et l’épouvantail s’effondre.     •

Bibliographie:

Ces idées fondamentales ont été exprimées dans le monde entier depuis la nuit des temps de divers côtés – notamment les sciences, les religions, les conceptions du monde – pour assurer aux générations futures une vie plus pacifique et fructueuse. Nous disposons là d’un trésor. Citons quelques exemples:
Sénèque a enseigné que nous sommes tous membres d’un grand corps, car la nature nous a engendré comme parents et a fait de nous des êtres sociables. (Höffner, p. 50)
Etienne de la Boétie a exposé au XVIe siècle déjà dans son «Discours de la servitude volontaire» un problème de l’humanité: «Cette fois je voudrais simplement expliquer comment il est possible que tant d’hommes, tant de villages, de villes et de peuples subissent, dans certaines situations, un seul tyran qui n’a pas plus de pouvoir que celui qu’ils lui donnent, qui ne peut leur nuire que tant qu’ils seront prêts de subir, qui ne pourrait leur faire de mal, s’il ne préféraient pas de le subir au lieu de s’opposer à lui.»
En 1947 l’historien suisse Adolf Gasser a publié l’ouvrage «Liberté des communes et autogestion communale» (paru aussi en français). Il voyait dans l’organisation de communes libres en Europe après la Seconde Guerre mondiale un rempart contre le totalitarisme.
Le Pape Jean-Paul II également, a déclaré en 1991, dans son Encyclique «centesimus annus»: «L’Etat providence, qui intervient directement et prive la société de sa responsabilité, déclenche la perte d’énergie humaine et l’hypertrophie de l’appareil étatique» avec «une augmentation des dépenses immense». (Höffner, p. 46)
Chaque membre d’une communauté est responsable du bien commun et chaque communauté est responsable du bien-être de l’individu. (Bernhard Sutor; Politische Ethik, p. 33)