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18 juillet 2016
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Horizons et debats  >  archives  >  2012  >  N°3, 23 janvier 2012  >  Le parc naturel du Val d’Hérens enterré sans appel [Imprimer]

Le parc naturel du Val d’Hérens enterré sans appel

par Narcisse Seppey, Hérémence VS

Tout concordait à lui prédire une intronisation en fanfare puisque toute la classe politique de la région (7 présidents de commune sur 7; 47 conseillers communaux sur 52; 15 députés sur 16) lui avait préparé un berceau douillet chargé d’accueillir le bébé quelques jours avant Noël.
Le peuple en a décidé tout autrement: 5 communes sur 7 le refusent de même que 2455 citoyens (58%) contre 1780 (42%).
Trop légèrement considéré comme une simple foule, le public a d’étonnantes réactions lorsqu’il devient peuple souverain et seul maître d’une décision.

Le climat d’une campagne

Après deux années vécues en statut de parc fonctionnel par anticipation, toute une année de conférences, débats toujours animés voire envenimés, prises de positions des deux camps, tout cela fut servi à une population qui n’en demandait pas tant et qui, finalement, n’attendait que d’en découdre.
L’engouement qui a précédé la sanction populaire fut d’une intensité jamais vécue à l’échelle de cette région. Les promoteurs qualifiaient le projet de «fédérateur» alors qu’aucun objet ne fut jamais si «diviseur». Plus encore que lors d’une élection ordinaire, des arguments plus que discutables ont été utilisés, des personnes aux avis divergents évitaient si possible la rencontre, pour le moins d’en parler, quand ça n’allait pas franchement plus loin. Pourtant, l’adoption ou le refus d’un parc ne devrait pas être de nature à engendrer de la discorde.

Des procédés contestés

La décision de déposer une candidature de parc naturel régional fut prise par les présidents de communes sans référence préalable aux conseils communaux. Malgré l’approbation ultérieure obtenue de ces organes, le poids politique ne pouvait que souffrir d’un engagement fébrile, alors que l’assise populaire était simplement inexistante.
Au fur et à mesure de la progression de l’information, une décision malencontreuse des conseils communaux concernant le mode de vote a déclenché une forte irritation dans le public. En effet, pour un projet qui engage une sorte de choix de vie, le peuple attendait logiquement une votation populaire et non une simple décision prise en assemblée primaire. Deux communes en sont restées à ce dernier mode, alors que les 5 autres n’ont pas résisté à la pression populaire qui réclamait l’ouverture concrète du vote à toutes les composantes du corps électoral, essentiellement grâce à la possibilité de voter par correspondance.
En fin de période d’information, une profonde divergence s’est manifestée sur les conditions à remplir pour sortir du parc. Alors que le projet remis rendait la sortie quasi impossible, vu l’engagement de 10 ans auprès des autres communes, de l’Etat et de la Confédération, le public n’a pas cru la déclaration disant que chaque commune pouvait en sortir individuellement quand elle le voudrait.

Quelques raisons d’un échec

Tout ce qui précède n’aurait pas conduit à l’échec devant le souverain si la confiance en la qualité de l’objet avait été réalisée. Trop d’éléments contraires sont apparus au public en cours de campagne pour que la confiance soit restaurée.

Arguments juridiques

Le fondement du statut de parc naturel repose sur l’OParcs elle-même engendrée par la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage. Clamer que le projet a pour objectif la promotion économique de la région (tourisme, agriculture, remontées mécaniques, etc.) n’a rencontré que des oreilles sourdes. La seule référence de ces textes à l’économie est le développement «durable», un terme auquel on peut prêter toutes les interprétations voire les interdictions prononcées à une forme de développement qui ne serait pas jugée durable.
Le public fut également échaudé par l’inconnu auquel serait livré le droit de construction. En effet, l’art. 20 OParcs permet à l’OFEV d’intervenir contre les constructions jugées inadéquates, soit en les interdisant soit même en les supprimant. L’épisode des rustici ticinesi voués à la démotion sur ordre de la Confédération, apparentés aux mayens valaisans, en a échaudé plus d’un. Alors que le droit de construction relève fondamentalement des cantons et des communes, voici qu’un simple contrat de parc ouvre toute large une compétence fédérale chargée d’inconnu.
La même méfiance a pénétré les esprits dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles et renouvelables. Cette notion, solidement ancrée dans la législation fédérale, n’empêche pas cette promotion mais la conditionne en «ménageant l’environnement», deux petits mots qui ouvrent la porte à toutes les interprétations. Château d’eau avec le plus haut barrage en béton du monde, le Val d’Hérens ne veut pas mettre en péril l’exploitation de ses cours d’eau encore disponibles en cette période où l’énergie propre et renouvelable jouit de la plus grande cote.
Cette disposition touche également le deuxième volet économique d’Hérens, le tourisme hivernal qui repose, lui aussi, sur un bien naturel et renouvelable sans qu’il échappe à la même contrainte.
Autre activité fort prisée dans cette région très giboyeuse, la chasse nourrit la plus grande méfiance à l’égard du parc naturel soumis au même OFEV qui assure le lien entre les deux. La consécration du principe disant que des meutes de loups doivent pouvoir exister dans une telle région engendre le présage le plus négatif sur le droit de les réguler à l’intérieur d’un parc naturel, notion qui n’attend que d’entrer dans le concept loup.

Analyse économique

Le tourisme doux, déclaré salvateur pour cette région vaste, diversifiée et magnifique, n’a pas plus réussi à convaincre les intéressés que les labels promis aux produits «parc». Les producteurs ont suffisamment d’expérience pour constater que leurs bons produits s’écoulent sans difficulté et ne croient guère qu’une étiquette de parc leur permette d’augmenter les prix sans modification du produit. L’exemple de Grande Dixence, qui attire plus de l00 000 visiteurs par année, n’engendre presque aucune retombée économique globalement positive pour la vallée. Le même nombre de visiteurs supplémentaires à l’intérieur du parc, adeptes du pic-nic dans les infrastructures publiques mises à disposition le long des bisses et des chemins alpestres, serait-il plus porteur? A défaut d’éléments plus convaincants, les intéressés sont demeurés de l’avis que le côté le plus doux du tourisme doux est son rendement.
La principale source de revenus de la vallée, le tourisme, a fait l’objet d’une prise de position catégorique d’un groupe de patrons de PME affirmant que leurs entreprises sont le meilleur garant du maintien des emplois et que des contraintes supplémentaires relevant de l’environnement déjà assez soutenu ne pourraient constituer qu’une source de dégradation économique.

Le Credo décisif du peuple

1.    Le parc naturel est une version allégée du parc national auquel l’OFEV semble avoir renoncé. Mais les objectifs sont les mêmes avec un renfort d’anesthésie et de délai d’action, à l’image de la Convention alpine dont nos parlementaires fédéraux ont mis 10 ans à s’en défaire, une fois les effets connus.
2.    Le parc constitue une appropriation, par les milieux écologistes, de terrains qui ne leur appartiennent pas et pour lesquels ils ont bien plus d’intérêt que pour le bien-être des résidents de la région.
3.    L’économie de la région n’a rien à gagner avec un type d’activité touristique basée sur la ballade en plein air.
4.    Recevoir une subvention des milieux protectionnistes sans contre-partie est une illusion.
5.    Le peu de liberté qui nous reste n’est pas à vendre.
Sagesse de montagnard: face à un projet inutile et chargé de risques, il est plus sage de ne pas y entrer que de décoder le labyrinthe de sortie.     •